Virginie Martin (Présidente) et Amandine Philippe, Think Tank Different
Le mouvement féministe Femen, crée en 2006 en Ukraine, s'est exporté internationalement où il est notamment connu pour ses actions provocatrices qui font de ces militantes des égéries du féminisme. Il s'agit ici de montrer en quoi l'exposition médiatique liée aux Femen et surtout la forme de protestation utilisée peuvent avoir des effets contre-productifs sur l'évolution de la position des femmes dans la société.
Il est indéniable que les Femen sont présentes dans les médias. Elles ont fait la une de nombreux journaux notamment Les Inrocks, Le Monde et Libération, et Inna Shevchenko, co-fondatrice du mouvement, fut l'invitée d'une chaîne télévisée de service public. Pourquoi cette visibilité alors que les féministes sont généralement boudées par les médias ? Les Femen utilisent les codes sociaux et les stéréotypes liés aux femmes pour être visibles et intéresser le monde médiatique. Leurs apparitions sont les représentations typiques, notamment la jeunesse et la nudité, de ce que l'on attend des femmes. En fait, elles ne dénoncent pas forcément les injonctions faites aux femmes mais les intègrent et les utilisent pour défendre leur cause.
D'après leurs discours on pourrait penser que les Femen ont tendance à mettre une barrière entre "elles" et "les autres féministes" comme si elles étaient l'unique porteur de ce mouvement aujourd'hui. Les slogans qui font de la nudité la condition nécessaire pour rejoindre le groupe peuvent confirmer cette hypothèse. On peut également ajouter des paroles - "Le féminisme classique est une vieille femme malade qui ne marche plus. Il est coincé dans le monde des conférences et des livres." (Inna Shevchenko dans The Guardian, Septembre 2012) - qui tendent à décrédibiliser d'autres féministes, l'autre féminisme, qui se battent depuis des années avec des moyens d'actions et des discours pouvant être beaucoup plus productifs. Il est donc important de souligner qu'il existe d'autres manières de se mobiliser pour les droits des femmes ; la lutte pour ces droits ne se réduit pas à la nudité.
Les Femen ont non seulement tendance à déconsidérer les autres mouvements féministes mais aussi à réduire leur cause à un profil type. Au-delà de la condition "topless" sine qua non du mouvement, il semble que les femmes ne pourraient pas l'intégrer telle qu'elles sont. Par exemple, au nom de la liberté, elles vont inciter les femmes voilées à se "dévoiler" comme si toutes ces personnes étaient soumises et privées de liberté. La liberté signifie "le droit de faire" mais aussi "le droit de ne pas faire", pourquoi une femme qui porterait un voile serait forcément prisonnière de celui-ci ? Ainsi, le mouvement Femen pourrait appartenir au féminisme néocolonialiste avec une approche archaïque ne prenant pas en compte les spécificités et identités culturelles appartenant à chaque femme.
Pour résumer, on pourrait dire que pour être Femen et d'après elles, féministe, il faut accepter d'exhiber sa nudité et de mettre de côté les marqueurs considérés comme non légitimes, la religion par exemple. Elles ont donc leur façon propre de concevoir le féminisme, et ce que doit être une femme, qui exclut, de fait, un certains nombre d'entre elles.
Au final, les médias, qui traditionnellement ne s'intéressent pas au féminisme, participent à créer une sorte de monopole des Femen sur cette question car elles représentent le stéréotype traditionnel de la femme séductrice et provocatrice.
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Via: huffingtonpost.fr
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