« Mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne. » En mars dernier, la jeune Femen tunisienne Amina Sbouï poste une photo d'elle sur Facebook, seins nus, avec ce slogan écrit au marqueur sur la poitrine. Une image que les médias du monde entier diffusent largement. La réaction est aussi violente qu'immédiate. La justice crie à l'outrage, le gouvernement tunisien exprime son indignation face à cette « dégradation des m'urs communes », les salafistes la menacent de mort, sa famille l'enlève puis la séquestre quelque part à Kairouan. Fin du premier épisode.
En mai, Amina est arrêtée pour avoir tagué le muret d'un cimetière. Conduite à la prison de Messaadine, à Sousse, elle est inculpée pour détention d'un aérosol d'autodéfense (!) et profanation, encourant ainsi un total de deux ans et demi de prison. Le 29 mai, trois militantes Femen, deux Françaises et une Allemande, sont interpellées à Tunis après une action de soutien. Plusieurs journalistes sont agressés et trois sont interpellés pour avoir filmé l'opération intitulée Femen in Tunis ia.
Le récit de la jeune Femen sur l'univers carcéral tunisien donne la chair de poule : « On était 45 femmes dans 20 mètres carrés. Quand je suis arrivée dans la cellule, les gardiennes leur avaient dit que j'étais juive et que je voulais que tous les musulmans soient athées. » On imagine aisément l'accueil que lui ont réservé des détenues condamnées pour vol, prostitution, trafic de drogue et meurtres.
« Le chef des gardiennes a battu devant moi une prisonnière enceinte. Son bâton s'est cassé sur les hanches de la femme. Elle a perdu son bébé. Ensuite, elle a été battue sous la douche par trois gardiennes. » Amina a vécu toutes ces scènes et bien d'autres qu'elle préfère taire. Sous la pression de l'opinion publique internationale, elle est remise en liberté le 1 er août. Fin du deuxième épisode.
Sitôt sortie de prison, la jeune Tunisienne récidive avec un deuxième cliché d'elle, toujours seins nus, où elle allume un cocktail Molotov avec une cigarette sous le slogan : « We don't need your dimocracy ». Les Femen applaudissent des deux mains : « Amina proteste contre la fausse démocratie des islamistes tunisiens. »
Coup de théâtre quelques semaines plus tard : Amina claque la porte des Femen. Elle vient de découvrir que le mouvement est antireligieux. Un peu tardivement au goût de la grande prêtresse Inna Shevchenko qui trouve ce revirement un peu fort de café. « Amina a trahi toutes les femmes qui ont agi pour sa libération, celles qui se sont mobilisées corps et âme ainsi que ces trois militantes européennes qui ont passé un mois en prison pour avoir manifesté la poitrine dénudée. »
Amina se défend : « J'ai tourné le dos au mouvement le jour où j'ai commencé à avoir des doutes sur son financement. Israël ou les États-Unis ? Je n'en sais rien, autant partir ! » Et d'enfoncer le clou : « Je ne fais plus partie de ce courant parce que je me suis rendu compte qu'il est islamophobe, antireligieux, voire extrémiste. Je ne suis pas religieuse, mais j'ai beaucoup de respect pour la liberté de croire. Je respecte toutes les religions et tous les croyants, à l'exception des islamistes et autres extrémistes, bien évidemment ! »
Épilogue : aujourd'hui, Amina a décidé de poursuivre ses études en France et voit venir avec anxiété son procès, dont la date n'est pas encore fixée : « Je n'ai plus confiance en la justice tunisienne, elle exécute à la lettre les ordres des islamistes aux commandes du pays. La Tunisie est à des années lumières de l'indépendance de la justice. »
Dominique Garandet
dominique.garandet@centrefrance.com
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