Paris (AFP) - Attaquer la statue de cire du président russe à coup de pieu, les seins barrés d'un "Kill Putin" rageur en lettres rouge, est-il un acte politique pour une activiste ukrainienne de la région de Donetsk ou de l'exhibition, doublée de dégradation?
La justice française se prononcera mi-octobre sur la question, à la suite du procès mercredi à Paris de Iana Jdanova, militante des Femen.
Le 5 juin, la jeune femme de 26 ans, depuis un an en France où elle a obtenu le statut de réfugiée politique, avait acheté un billet pour le musée Grévin avant de s'en prendre dans la "salle des chefs d'Etat" à la statue du président russe, attendu quelques heures plus tard à Paris pour les commémorations du Débarquement.
Sous les yeux de cire impassibles de Barack Obama, François Hollande ou Juan Carlos et les objectifs de quelques photographes, elle l'avait jetée à terre avant se mettre à califourchon sur l'effigie et de lui planter un pieu métallique dans le thorax en criant "Putin dictator" et d'être emmenée sans opposer de résistance par la sécurité, puis la police. L'établissement avait porté plainte.
A la barre, Iana Jdanova, originaire de l'Est de l'Ukraine actuellement en proie à un conflit que les pays occidentaux accusent la Russie d'attiser, a d'emblée revendiqué l'aspect politique de son acte.
Soulignant que sa "famille est actuellement en danger" à cause de cette crise, elle s'est dite "très étonnée que dans la capitale des droits de l'Homme il y ait une statue de ce dictateur qui menace la paix et risque de déclencher la troisième guerre mondiale. Je ne vois pas la statue d'Hitler, pas celle de Mussolini, je m'étonne de voir celle de Poutine".
Soulignant "la violence de cette scène dans un établissement qui reçoit du public", l’avocate du musée, Elisabeth Neidhart, a demandé 10.000 euros au titre du préjudice moral, 3.004 euros pour la réparation de la statue et 8.283,27 euros pour l'installation d'un portique détecteur de métaux à la suite de l'incident.
Quant à la présence de la statue, "c'est la salle des chefs d'Etat, Monsieur Poutine est un chef d'Etat, ce n'est pas une question de sanctifier une dictature, c'est un état de fait".
- Le précédent "Casse-toi pov'con" -
Le procureur a réclamé 1.500 euros d'amende, jugeant que "la liberté d'expression ce n'est pas l'anarchie, on ne peut pas s'exprimer comme on veut mais dans le cadre des lois qui font que nous sommes dans un Etat de droit."
Si la jeune femme était bien militante, sa forme d'expression, a-t-il dit, "porte atteinte à la réputation de Paris, de la France et des droits de l'homme en général". Quant au délit d'exhibition, il est "parfaitement constitué", "on n'est pas à la plage ou à Paris plage" pour y bronzer seins nus.
Mais pour Marie Dosé, avocate de la jeune Femen dont elle demande la relaxe, sa cliente n'a fait qu'"adresser publiquement une critique de nature politique" et "la violence s'arrête à l'acte politique qui est commis".
Et de citer un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme qui a jugé en 2013 que la France avait violé la liberté d'expression en condamnant à une peine, même symbolique, un homme qui avait brandi une affichette "Casse-toi pov'con" lors d'une visite de Nicolas Sarkozy en 2008 à Laval et avait été poursuivi pour outrage au chef de l'Etat.
La CEDH avait estimé que l'interpellation relevait de "l'impertinence satirique" soit "une forme d'expression artistique" qui "vise naturellement à provoquer et à agiter". Très exactement la démarche Femen, selon l'avocate. Quant à l'exhibition, "les seins, c'est le support du message politique".
Le tribunal a mis l'affaire en délibéré au 15 octobre.
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