"Tout à coup, tout se précipite. je déboutonne ma veste. Je la jette au sol. Je dégaine ma couronne de fleurs. Je l’enfonce sur ma tête. Je marche à grand pas vers un attroupement de journalistes”. Eloïse Bouton a 29 ans. Elle est à Londres, pour les Jeux Olympiques. Ce jour-là, elle fait pour la première fois une action avec les Femen. "Je cours. Des journalistes partout. Des flashs qui crépitent. Des cris. Une cohue incroyable (...) Sans but, sans comprends, je cours du plus vite que je peux, les policiers à mes talons."
Avec ses cheveux rouges et un tatouage qui lui recouvre le bras, la silhouette d'Eloïse était devenue familière lors des actions françaises de Femen. À Londres, elle finira en garde à vue et sera relâchée au bout de quelques heures. La jeune femme, qui a intégré la formation dès son implantation en France, à l'été 2013, devient très vite coutumière des happenings, des arrestations, des gardes à vue, des procès.
SON INTERVIEW À METRONEWS "Chez les Femen, les actions manquent de sens"
Divisions
Mais son expérience au sein des Femen la meurtrit également. Dans son livre témoignage, elle donne une foule d'anecdotes sur le mouvement. Comme quand, en garde à vue, "des croutes de peinture séchée se décrochent" de son "torse gluant" et la "démangent". Mais elle décrit aussi des aspects méconnus de la vie quotidienne des militantes et les divisions intestines qui les fissurent.
Divisions qui commencent dès l’arrivée d’Inna, la leader des Femen, en France. À la veille de l’ouverture très médiatique du QG, les tensions sont maximales entre nouvelles recrues et l’écologiste Safia Lebdi qui tente, avec son compagnon, de s’approprier le mouvement, écrit Eloïse Bouton. Elle le quittera quelques mois plus tard, voyant que l’Ukrainienne garde le contrôle sur tout.
Séances d'entraînement "à la GI Jane"
Eloïse Bouton aborde aussi la question du recrutement des nouvelles adhérentes qui se mesurent lors de séances d'entraînement "à la GI Jane". Quand une militante démissionnaire se plaint d'être traitée "comme de la merde", les autres lui reprochent son manque de "flamme”. "Il faut être des personnes enragées qui renvoient une certaine agressivité” lui objecte l’une d’elle. Car il y a bien des "castings" chez les Femen, mais ils sont plus "psychologiques" que physiques, pour Eloïse Bouton : une armée ne s’encombre pas de sentiments. "Certaines sont plus résistantes, plus aptes à crier, réagissent mieux sous la pression, proposent de meilleures idées, écrit-elle. Seules les plus fortes subsistent, comme des animaux dans la nature."
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"Les caisses sont vides"
Celle qui avait déjà critiqué dans nos pages le manque de "sens" des actions en rajoute une couche. "Elles le disent avec un sourire jubilatoire, elles sont prêtes à tout, à n'importe quoi, elles ne savent pas vraiment pourquoi, si ce n'est pour être adoubées par la cheffe”, écrit Eloïse. La cheffe, c’est Inna, cette jeune Ukrainienne pour qui les insultes, les menaces de viol et de mort "sont quotidiennes". Une ambiance pesante, qui entraîne une "paranoïa” extrême chez les militantes. Eloïse elle-même a été accusée d’être une "taupe", raison qui l’a poussée à quitter l’association.
Une petite dizaine de Femen habite désormais dans un squat de Clichy-la-Garenne, “dans des conditions à la limite de la décence", écrit Eloïse Bouton qui martèle : "Les caisses de l’association sont vides", récusant par là les accusations qui pointent un financement douteux de l'association.
Si aujourd’hui Eloïse Bouton se dit "féministe en freelance", elle ne regrette cependant pas son passage chez les “sextrêmistes”. “Femen a réussi un tour de force : inspirer les thématiques fémnistes dans les débats publics, écrit-elle. Car, quoi qu'on en pense, la France n'a jamais autant parlé de féminisme”.
Via: metronews.fr
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