Des débats sur les moeurs secouent le Maroc

Film polémique sur la prostitution, action militante contre la pénalisation de l’homosexualité, critiques d’un concert brûlant de Jennifer Lopez : le Maroc, tiraillé entre conservatisme et ouverture sur l’Occident, est secoué par une série de controverses sur les moeurs.

 

Dans ce pays touristique de 34 millions d’habitants où l’islam est religion d’État, le vif débat du début d’année sur l’avortement, consécutif à un reportage de France 2, a fait office de signe avant-coureur.

 

Face à l’ampleur des avortements clandestins — jusqu’à 800 quotidiennement selon des ONG —, le roi Mohammed VI s’est lui-même saisi du dossier. Il a annoncé, après plusieurs semaines de « consultation élargie », que l’IVG serait autorisée dans « quelques cas de force majeure », notamment de viol ou de graves malformations. Pour le reste, « l’écrasante majorité penche pour la criminalisation de l’avortement », a souligné le souverain chérifien.

 

Après une brève accalmie, une polémique bien plus virulente a émergé fin mai, à la suite de la présentation à Cannes d’un film du Franco-Marocain Nabil Ayouch sur la prostitution, tourné à Marrakech.

 

Les extraits de Much loved diffusés sur Internet, comportant des danses suggestives et propos à connotation sexuelle, ont suscité de violentes attaques contre l’équipe du film.

 

Si d’autres voix ont défendu le travail du réalisateur et appelé à un débat de fond apaisé, le gouvernement emmené par le parti islamiste Justice et développement (PJD) a rapidement pris position. Il a interdit le film, évoquant « un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine ».

 

La controverse, loin d’être ainsi étouffée, n’a fait que redoubler, avant de se déplacer sur un autre terrain, avec l’ouverture du festival de musique Mawazine à Rabat.

 

Vitrine de l’ouverture et du dynamisme culturel du royaume, ce rendez-vous présidé par le secrétaire particulier du roi bat chaque année des records d’affluence, malgré les critiques récurrentes de figures islamistes.

 

La diffusion, le 29 mai, sur la chaîne publique 2M du concert inaugural de la vedette américaine Jennifer Lopez a fait sortir de ses gonds le ministre PJD de la Communication, Mustapha Khalfi, outré par les tenues et danses de la «bomba latina».

 

Des sit-in de protestation ont été organisés devant le siège de 2M par les mouvements de jeunesse de l’Istiqlal (opposition), mardi, puis du PJD, jeudi. Une nouvelle mobilisation du PJD est prévue vendredi.

 

Une plainte, qui n’a toutefois aucune chance d’aboutir selon les médias, a même été déposée contre « J-Lo » par un particulier pour atteinte à la pudeur.

 

La diffusion de ce concert « vise de façon préméditée les valeurs et les moeurs de la société », a fustigé le quotidien Attajdid, proche du PJD.

 

Homosexualité

 

Alors que cette controverse n’est toujours pas close, c’est la question de la pénalisation de l’homosexualité qui, à son tour, s’est invitée sur le devant de la scène.

 

Mardi, deux militantes françaises des Femen ont été expulsées pour avoir posé seins nus et s’être embrassées devant un monument historique de la capitale. Le lendemain, deux Marocains ont échangé un baiser sur ce même site, avant d’être arrêtés.

 

« De tels actes de provocation sont jugés inadmissibles par la société marocaine », ont affirmé les autorités. Jeudi, plus d’un millier de personnes a manifesté devant l’ambassade de France, arborant des pancartes « Pas de ça chez nous ».

 

Toute « cette séquence est assez inquiétante », « dans un pays traversé par les clivages sur les valeurs », a jugé vendredi Abdellah Tourabi, le directeur de la publication de Tel Quel, hebdomadaire bien connu parmi les quatre millions de Marocains résidant en Europe.

 

« Elle nous renseigne sur […] notre incapacité à gérer les désaccords de manière sereine », a-t-il écrit.

 

Faut-il aussi voir dans cette succession de polémiques des relents de précampagne ?

 

« Le PJD est la seule composante du gouvernement à s’exciter autant », a critiqué le quotidien L’Economiste, dénonçant des « coups des islamistes à des fins électorales ».

 

À la tête d’une coalition hétéroclite, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, remettra son mandat en jeu l’an prochain lors des législatives.

 

Toujours populaire dans l’opinion mais récemment ébranlé par un projet de mariage polygame entre deux de ses ministres — qui ont dû démissionner —, le leader du PJD est jusqu’ici resté mutique face aux controverses.

Via: ledevoir.com


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