"J'assume complètement". Qu'elle se montre seins nus sur l'autel d'une église, accrochée aux fenêtres du ministère de la Justice ou attablée dans un café du 14e arrondissement de Paris, le regard vert d'Eloïse Bouton, 31 ans, reste ferme, planté dans les yeux de son interlocuteur. Comme il l'était, face aux appareils photos, le 20 décembre 2013. Ce jour-là, entourée de quelques journalistes, cette militante française s'introduit dans l'église de la Madeleine (8e), grimpe sur l'autel, enlève son haut et brandit des foies de veau. Comme ses camarades à Berlin, Madrid ou au Vatican, elle entend dénoncer le recul du projet de loi espagnol contre l'avortement, encouragé par "les lobbys catholiques".
Depuis, le curé de l'église a porté plainte. Le tribunal sera chargé demain de dire si sa performance relève de "l'exhibition sexuelle". "C'est très malin, estime-t-elle. On nous fait passer pour des folles avec cette accusation. On n'écoute pas le message qu'il y a derrière". Eloïse est désormais une habituée des tribunaux. En septembre dernier, elle et huit autres militantes avaient été relaxées pour leur intervention à Notre Dame de Paris, quelques mois plus tôt. Le parquet et la paroisse ont fait appel.
"Grâce aux Femen, on n'a jamais autant parlé de féminisme"
Ces deux actions avaient été largement condamnées par les politiques, de droite comme de gauche. "Avec le recul, j'ai compris, avoue Eloïse. Les Femen raisonnent à l'international. L'image prime sur le sens. En France, on vise Notre-Dame parce que tout le monde connaît. Même si maintenant, c'est surtout un lieu touristique. À l'époque, déjà, je plaidais pour qu'on aille à Saint-Nicolas du Chardonnet [considéré par certains comme le siège des intégristes ndlr]. Ça aurait eu plus de sens. Mais à part à Paris, personne ne connaît".
Des divergences qui ont poussé Eloïse à quitter le mouvement en début d'année 2014. "J'étais allée au bout de mon expérience militante", estime-t-elle. Elle était pourtant l'une des premières à intégrer le mouvement à son lancement en France. "Je militais pour un modèle 'à la Greenpeace', avec des actions chocs, couplées avec des reflexions, des conférences, pourquoi pas une bibliotheque, détaille-t-elle. On aurait pu convaincre plus d'adhérentes, et prétendre à des subventions. En se limitant aux performances, on se tire une balle dans le pied".
Aujourd'hui, elle se voit comme une "féministe en freelance", participe ponctuellement à des actions, des marches, des débats, "mais je n'utiliserai probablement plus mon corps pour faire parler", avance-t-elle. Et si ses ex-amies sont désormais loin, elle ne regrette rien. Car, pour Eloïse Bouton, l'objectif est atteint : "depuis les Femen, on n'a jamais autant parlé de féminisme".
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Via: metronews.fr
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