Une opinion de Jacqueline Galant, Députée fédérale MR et Présidente des Femmes réformatrices.
Dorénavant, le très fidèle monseigneur Léonard a au moins un point commun avec les turpides Dominique Strauss-Kahn et Silvio Berlusconi. Chacun d’entre eux a été pris à partie et agressé, à des degrés divers, par des représentantes des Femen. Plus personne ne l’ignore : le mouvement contestataire Femen a vu le jour en Ukraine en 2008, sur les ruines de la Révolution orange. A l’heure de Youtube et des réseaux sociaux, ces "sextrémistes" qui défendent le droit des femmes les seins nus ne pouvaient que devenir populaires et s’internationaliser à marche forcée. Et cette internationalisation a été de pair avec une théâtralisation croissante des actions des Femen.
Happenings drôles pour les uns, pathétiques pour les autres. Hystériques, souvent. "Hystérique", l’adjectif est lâché. Cet adjectif névrotique et machiste qui colle à la peau de la psychologie freudienne, de la misogynie crasse et de chaque femme si peu qu’elle élève la voix. Force est de le constater : si l’on sait facilement répondre à la question "qui sont les Femen ?", le "que veulent-elles ?" reste en revanche des plus flous. Une chose est sûre : les Femen cherchent les journalistes, les internautes, les photographes, les caméras et tous les vecteurs qui leur permettront de s’exhiber, le torse nu et peinturluré de slogans abscons où s’entrechoquent, selon l’humeur du jour, la dénonciation des différents instruments qui avilissent la femme : la crise économique, l’industrie du sexe, les religions, le machisme, la prostitution, le capitalisme, etc. A la carte, on se sert.
Peu importe le manque de fond tant qu’il y a la forme. Ou plutôt les formes. Avez-vous remarqué ? Hasard ou coïncidence, ce sont toutes de très jolies silhouettes, jeunes, des corps fermes sans vergetures et de préférence minces. Dans le monde des Femen, l’obésité, la laideur, la maternité ou encore la vieillesse ne semblent pas exister. Elles luttent contre le corps-objet et la femme-objet, mais au final, ne confirment-elles pas le modèle "taille mannequin" et les stéréotypes dans chacun des pays où elles manifestent?
Se mettre nue dans la rue pour consacrer le féminisme, après tout pourquoi pas ? Mais pour y dire quoi ? Et à qui ? Pour être vues mais pas entendues ? Quel est leur combat ? Féministes ou pas, les nouvelles amazones aux seins nus ? Les avis sur la question divergent Soyons de bon compte et reconnaissons-leur au moins qu’elles n’ont rien à voir avec les organisations "normales" qu’elles traitent d’ailleurs avec condescendance de "féminisme classique, vieille femme malade, coincée dans le monde des conférences et des livres [ ] Femen incarne l’image d’une femme nouvelle : belle, active et totalement libre [ ]" pour reprendre Anna Hutsol, idéologue doctrinaire du mouvement.
Les tenantes d’un féminisme plus classique et de longue lutte qui ont obtenu des droits essentiels pour les femmes en matière de mœurs, de respect du corps ou de droit du travail apprécieront le tacle. Toujours est-il qu’au-delà de l’auto-proclamation de leur existence, le discours Femen reste très laconique. Connaît-on leurs revendications ? Non. N’en déplaise à madame Hutsol, une accumulation de slogans ne suffit pas à établir un corpus idéologique. Les Femen sont-elles exportables aux quatre coins du monde ? Difficile à croire
Le vrai problème c’est que le féminisme, c’est avant tout un combat pour chaque femme, pour le respect de toutes les femmes, de leurs choix et de leurs modes de vie. La situation des femmes en Belgique et ailleurs en Europe n’a rien à voir avec la situation de la femme ukrainienne. La doctrine communiste a été remplacée par la dogma de l’Eglise orthodoxe et ses rigidités idéologiques. Dans l’imaginaire stéréotypé, la femme ukrainienne est filiforme, blonde et souvent prostituée aguichant les touristes occidentaux. La vérité est toute autre : plafond de verre, écart salarial écrasant, société fièrement phallocrate, violence, faible taux de participation politique des femmes (8 % seulement de représentation féminine au Parlement). Alors oui, dans ce pays ravagé par le sexisme décomplexé et qui s’est transformé en lupanar géant le temps d’un Euro 2012, on peut davantage comprendre et justifier les actions "coup-de-poing" des Femen.
Mais la situation des femmes en Belgique, en France, en Italie, même si elle est toujours perfectible, est-elle comparable à celle de la femme ukrainienne ? Choquer pour le plaisir de choquer peut-il constituer en soi un message politique viable ? Peut-on légitimement s’attaquer de la même manière aux discours du Patriarche russe Kirill estimant que le féminisme est dangereux et que les femmes sont faites pour rester à la maison et à ceux du Primat de Belgique ou des imams parisiens ?
La religion. Le mot est lâché. Le dernier cheval de bataille des Femen. Religion orthodoxe, catholique, musulmane, patriarche et archevêque, sans distinctions, sont victimes de leurs borborygmes mammaires. Cette lutte contre les religions et ses méfaits supposés semble provoquer chez les Femen une créativité à toute épreuve qui se confond parfois avec des phénomènes de foire : tronçonnage de croix orthodoxes, opérations "topless Djihad" devant les mosquées et des croyants indignés, interruptions d’offices religieux aux cris lapidaires de "Crise de la Foi, no more pope ou le féminisme et la religion ne sont pas deux choses qui peuvent coexister".
Que les religions du Livre n’aient jamais été de grands vecteurs d’émancipation féminine ni des avant-gardistes en matière de mœurs ou de recherche médicale, tout le monde le sait. Mais de là à traiter les croyants de créatures asservies et de pantins, il y a une nuance ! Attaquer monseigneur Léonard, venu courageusement débattre du blasphème dans un temple franc-maçonnique comme l’ULB relève de la caricature grotesque. Et, au final, se retourne contre les auteurs qui, en prétendant dénoncer son homophobie, donnent une image plutôt sympathique du Primat de Belgique face à un auditoire qui, sinon, ne lui aurait probablement jamais été acquis.
Ne nous y trompons pas. Les Femen, du moins dans notre pays, c’est un phénomène médiatique et rien de plus. Ce ne sont pas elles, les féministes actives. Les féministes sont souvent des femmes de l’ombre. Elles accomplissent des petits miracles dans les centres d’aide, dans les structures médicales, dans les quartiers difficiles et paupérisés, dans les écoles de devoirs, aux côtés d’une jeunesse désœuvrée et de mères célibataires souvent déboussolées. Les féministes peuvent être des philosophes ou des écrivains. Elles sont aussi présentes à l’université, dans les centres d’études et les think tanks. Elles sont enfin à l’œuvre dans le monde politique, comme mandataires locales, députées ou ministres, où elles font et votent les lois qui changeront durablement et inévitablement la vie de leurs concitoyennes et de leurs compatriotes.
Ce sont aussi toutes les femmes qui, tous les jours, jonglent avec les obstacles de la vie et le délicat équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ces sont elles, les féministes actives. Et n’en déplaise aux Femen, elle n’ont pas attendu que quatre Ukrainiennes engagées viennent leurs donner le "La" du Féminisme militant!
Via: lalibre.be
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