Sur le vif
L’Eglise du contraire
Face au trou béant de sa doctrine creusé par ses continuelles incohérences, le PS croit pouvoir renaître en revenant au mantra fondamental: "il faut adhérer à l'Union européenne." Ce n'est pas tant l'UDC que cette gauche du réflexe, têtue, obtuse, qui est née au lendemain du 6 décembre 1992, date historique à partir de laquelle le socialisme n'a cessé de se considérer victime de la démocratie. Devant la terreur de disparaître, l'on en revient aux cantiques premiers, aux hymnes des partisans qui emportaient les coeurs à l'heure des lendemains qui chantent. Mais ces lendemains sont déjà d'hier. Cet appel à rejoindre l'Union européenne est moins un cri d'espoir que la solution proposée par le parti socialiste au problème que lui pose la démocratie directe. Comme il sait qu'un appel à supprimer la démocratie ne passerait pas, il dit "adhérons à l'Europe", mais le résultat est le même, pouvoir continuer de poursuivre le dogme sans avoir à craindre la sanction du vote populaire.
Hasard subtil, cet appel à rejoindre l'Europe tombe le même jour que celui à ne pas soutenir l'initiative contre les pédophiles - les enfants ou les pédophiles, un choix pourtant simple auquel le socialisme ne parvient cependant pas à se résigner -, preuve s'il en est de la nature profondément dogmatique et sectaire de ce qui s'apparente de plus en plus comme une sorte de courant religieux que comme un parti politique. On espère, on croit, on impose, on excommunie comme dans la variante d'un mennonisme effréné.
Le socialisme est avant tout l'hérésie du contraire. Si, à droite, l'on a le malheur de regretter l'issue d'une votation, la condamnation tombe sans attendre: "Réactionnaires". Si, à chaque nouvelle défaite devant les urnes, à chaque nouvelle manifestation volontaire d'indépendance du peuple suisse contre le conglomérat euro-mondialiste, la gauche entonne le canon de l'européisme, c'est de l'"ouverture", "sociale et prospère". Ce que tout le monde sait pertinemment être faux, l'Europe est tout sauf sociale et prospère. Si les faits nous contredisent, et bien les faits ont tort, c'est la religion du contraire.
Mais le schisme menace au sein du parti. Aux rares élus suffisamment conscients pour sentir venir de France le formidable vent du boulet, la RTS - qui n'est autre que la chaire de cette étrange confession -, oppose le clergé patristique, François Chérix... François Chérix, grand-prêtre au saint des saints de la doctrine socialiste, qui, sur un ton où l'afféterie le dispute au suranné, définit son rôle comme suit (dès 07:50):
"Nous avons toujours devant les yeux l'intérêt général du pays [...] Moi, je fais mon métier, qui est de réfléchir dans une perspective historique à moyen terme [...] Les vingt dernières années nous ont amené dans une impasse."
Invocation, l'intérêt du pays, liturgie, la réflexion, condamnation, les vingt dernières années... La religion du contraire. Au-delà de ce catéchisme de l'oxymore, la réalité. Dans un article du Temps du 19 février dernier, François Chérix expliquait en détail ce qu'il entend par "intérêt du pays".
Il fustige pour commencer l'internet, qu'il juge coupable d'avoir favorisé une "démocratie d’opinion", qu'il qualifiera plus loin de "démagogie directe." Il assène:
"Le recours croissant à la démocratie directe discrédite toute autre forme de gouvernance et stimule d’autant le populisme."
La voix du peuple, la démocratie directe n'est plus ce bien ultime que le vrai socialiste appellerait de ses voeux contre le pouvoir des dictateurs. Au contraire, la démocratie directe c'est la dictature, et la dictature d'un parti unique contre l'opinion populaire c'est la nouvelle vertu "démocratique"... La religion du contraire.
C'est la démocratie directe qui réalise sans doute le mieux ce fantasme historique de la dictature du prolétariat. Le socialisme n'a jamais voulu le gouvernement du peuple, il veut devenir le peuple, c'est cela qu'ils entendent quand ils chantent: "L'Internationale sera le genre humain" et c'est pour cela qu'ils continuent d'appeler leurs dictatures des "démocraties".
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Via: lesobservateurs.ch
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