FEMEN : « Les joueurs de foot sont comme des spermatozoïdes …

Le groupe féministe ukrainien FEMEN s’est fait connaître depuis 2008 par ses actions « décolletées » dans de nombreux pays. Aujourd’hui, c’est sur fond de Coupe d’Europe de football, dont leur pays est co-organisateur avec la Pologne, que ces activistes luttent contre la prostitution et pour le droit des femmes en Ukraine. Quelle est leur vision de l’Euro 2012 ? Quelles sont les fondements, la composition et le but de leur mouvement ? Alexandra Chevtchenko, l’une des figures de proue du groupe, répond à ces questions dans une interview accordée dans leurs locaux de Kyiv.

Photo : Femen

Gazeta : La police n’a pas encore fait irruption dans vos locaux ?

Alexandra Chevtchenko : Pas encore. Peut-être ne connaissent-ils pas cette adresse, sachant que nous ne sommes installées ici que depuis un mois ou peut-être bien qu’ils nous surveillent en ce moment même… Qui sait, on pourrait également avoir été mises sur écoute car il arrive souvent que les policiers nous tombent dessus lorsque nous nous rendons dans un café afin de nous questionner sur certains de nos membres.

G : Pensez-vous qu’il serait possible d’ouvrir des locaux en Russie ?

A C : Impossible. La situation actuelle en Russie est pire qu’en Iran.

G : Pourquoi avez-vous choisi de vous déshabiller ainsi ?

A.C : Initialement, il n’était pas prévu de se dénuder pour protester. C’est quand on a vu à quel point c’était le foutoir lors de l’élection présidentielle ukrainienne de 2010, période durant laquelle nous commencions vraiment à agir activement, qu’il nous a semblé nécessaire de nous déshabiller, puisque nous considérons qu’une femme nue est une femme libre ! De plus, en Ukraine, on a le droit d’être nu dans la rue, alors qu’en Russie c’est directement 12 jours de prison et une amende de plusieurs milliers de dollars…

G : Vous avez désormais des partisanes dans le monde entier ?

A.C : En effet, une Française nous a récemment rejoint, suivie d’une Canadienne et nous attendons très prochainement l’arrivée d’une jeune Brésilienne.

G : Vous ne portez pas vraiment le football dans votre coeur, n’est-ce pas ?

A.C : C’est un jeu idiot… Pour nous, les joueurs sont comme des spermatozoïdes courant derrière un ovule pour le féconder.

G : Qu’est-ce qui ne vous convient pas dans ce championnat ? Pourquoi avoir renversé la coupe [incident intervenu lors de la présentation d’une réplique de la coupe d’Europe à Dniepropetrovsk, ndlr]?

A.C : Le problème majeur est que la prostitution est devenu un élément central des grands tournois sportifs. Par exemple, à la veille de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, le gouvernement a voté une loi légalisant la prostitution. Il était évident qu’en Ukraine, le tourisme sexuel exploserait. Il n’y a qu’à jeter un oeil sur le nombre de clubs réservés aux hommes qui ont ouvert leurs portes récemment autour des stades. Ces derniers fonctionnent comme des bordels, sauf qu’ils sont couverts par la police.

G : D’un autre côté, le championnat permet aussi de faire des bénéfices…

A.C : Aucun bénéfice ne sera fait lors de cet Euro. Le président Ianoukovitch a déclaré lui-même que les rentrées d’argent durant la coupe d’Europe ne couvriront pas les dépenses occasionnées par son organisation.

G : Pensez-vous que vos actions pourraient causer la fermeture de certains de ces clubs ?

A.C : Bien sûr, c’est pour cela que nous avons fait tomber la coupe. De plus, cela exerce une pression sur les supporters. Sur Facebook, par exemple, de nombreuses personnes m’écrivent pour me demander s’ils peuvent venir à Donetsk, promettant qu’ils ne coucheront avec aucune Ukrainienne, qu’ils veulent juste venir assister à des matches. C’est bien la preuve que nos actions font de l’effet. L’UEFA nous craint également. Ils forment les stadiers sur les techniques à utiliser afin de nous évacuer. En Pologne, tous les policiers nous avaient dans le collimateur, ils connaissaient nos informations personnelles, nos numéros de passeport, nos photos… et pourtant aucun n’est parvenu à nous mettre la main dessus avant notre action, le 8 juin dernier. Nous avons gagné une nouvelle fois. Vous savez, quand nous protestons, nous faisons face à une brigade entière de policiers. Vous vous imaginez, 5 jeunes filles contre 100 policiers ? Ils ont peur de nos seins nus, c’est fou mais c’est la réalité.

G : Comment faites-vous pour parvenir à faire vos actions, alors que toute l’Europe de l’Ouest vous connaît ?

A.C : Nous les préparons avec beaucoup d’attention, nous étudions les lieux, les villes… La composition de « notre équipe » est pratiquement toujours la même, il est donc facile d’agir. Ensuite nous nous camouflons, nous nous coiffons différement afin d’atteindre notre objectif. Quand nous nous déplaçons, nous marchons généralement main dans la main avec des amis journalistes ou photographes, pour donner l’illusion d’un couple. De plus, nous sommes toujours en contact téléphonique avec une personne qui est chargée de nous transmettre les informations concernant les déplacements des policiers.

G : Pouvez-vous revenir sur ce qu’il s’est passé en Biélorussie en décembre 2010 ?

A.C : Trois activistes, Oksana, Inna et Sacha, venaient de terminer un happening en face du bâtiment du KGB à Minsk, pour lequel elles étaient vêtues à l’image du président Loukachenko et arboraient des pancartes. C’est à ce moment qu’un groupe d’hommes est sorti du bâtiment et a couru dans leur direction. Tous les journalistes et photographes ont été interpellés, leurs appareils confisqués. Les filles ont alors pensé qu’elles feraient mieux de quitter le pays.

En début de soirée, alors qu’elles achetaient des billets de train pour Gomel, un groupe d’hommes en civil a surgi et les a transportées dans un minibus vers une destination inconnue. S’en est suivie une balade de plusieures heures en pleine nuit durant laquelle les hommes n’ont cessé de répéter qu’ils attendaient des ordres quant au sort qu’elles méritaient. Ce n’est que le lendemain matin, vers 7 heures, que les filles ont été confiées à un autre groupe d’hommes, masqués. L’un d’eux a dit : « Nous allons vous tuer. Ce sont les dernières minutes de votre vie. Souvenez-vous à quel point votre vie était bien en Ukraine, gardez en mémoire vos amis et vos parents ». Les filles ont été emmenées dans la forêt et derrière elles, les hommes ricanaient. Ensuite, on les a sommées de se déshabiller en trois secondes, une seconde de plus et ils les tuaient. Une fois terminé, ils leur ont mis dans les mains des pancartes avec des croix gammées. Ils se sont revendiqués par la suite membres d’un groupuscule nazi. Dernière étape : baisser de culottes. Aucun viol n’a été perpétré, les hommes ont frappé les fesses des filles à l’aide de bâtons, puis les ont aspergées de peinture verte et enfin conduites à la rivière. Là, les filles se sont imaginées le pire : « Ils vont nous noyer ». Finalement, les hommes leur ont dit que l’Ukraine était de l’autre côté de la rivière et qu’elles étaient libres. Leurs passeports et leur argent ont été confisqués, seuls les vêtements traînaient encore par terre.

G : Quelle a été la réaction des autorités ukrainiennes ?

A.C : Aucune. Quant à la Biélorussie, ils disent que nous avons tout inventé.

G : Soutenez-vous les Pussy Riot ?

A.C : Bien sûr. Pussy Riot est d’une certaine façon le FEMEN russe. Ses membres ne le reconnaissent pas mais on partage les mêmes idées. Leur caractéristique est qu’elles ne se déshabillent pas et ce, à cause de la patriarcalisation extrême de la société russe, elles se cachent même le visage avec des cagoules.

G : Vous faites des actions dans de nombreux pays. Où trouvez-vous les fonds nécessaires ?

A.C : Premièrement, nous vendons des t-shirts et de nombreux accessoires, ce qui nous procure d’importantes rentrées d’argent. Deuxièmement, nous recevons de nombreux dons en provenance de l’étranger.

G : Vous ne soutenez aucun parti politique ukrainien, n’est ce pas ?

A.C : En effet, aucun. Nous avons déjà pensé à créer un parti politique pour marquer notre opposition au gouvernement mais, finalement, nous n’avons pas réellement envie de constituer un « parti d’opposition », d’être aussi minables que les autres.

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Via: lecourrierderussie.com


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The mission of the "FEMEN" movement is to create the most favourable conditions for the young women to join up into a social group with the general idea of the mutual support and social responsibility, helping to reveal the talents of each member of the movement.

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