L’épaule d’agneau attendra cinq minutes. Le boucher hallal de la rue des Poissonniers, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, n’en revient pas. Le poissonnier, les mains dans la glace, en a perdu sa gouaille. Face au métro Château Rouge dans le nord-est parisien, une douzaine de femmes manifestent poitrine à l’air. Les militantes féministes de Femen, un groupe d'origine ukrainienne dont les membres sont connues pour leurs performances topless aux quatre coins de l’Europe, ont encore tombé le haut.
Ainsi dépoitraillées, elles défilent perchées sur des stilettos, fleurs dans les cheveux, aux cris de "Nudité, Liberté !", sous les regard médusés des habitants du quartier populaire de la Goutte d’Or, plus connu dans les médias pour ses prières de rue, son marché à la sauvette et son trafic de cigarettes.
"Jusqu’à ce matin, on nous avait dit de ne pas manifester ici, que c’était trop dangereux. Mais ici, c’est chez nous, c’est notre quartier ! On savait qu’on ne choquerait personne", insiste Safia Lebdi, l’une des Femen françaises, avant d’ajouter, coquine : "En plus, on est jolies, les gens aiment bien nous regarder !". Effectivement, les Dames Nature se sont mues dans les rues pavées comme portées par la grâce, disséminant sur leur passage sourires et sifflements.
Au départ habillées, elles ont découvert leur méthode choc au hasard d’une bretelle de soutien-gorge qui a glissé sur l’épaule de la pétulante Sacha Chevtchenko. Pour la première fois, les filles parvenaient à faire parler d’elles et les médias se sont fait une joie de leur donner de la voix.
Aujourd’hui, elles sont venues porter la bonne parole en France, restée bloquée, à les en croire, à l’âge de pierre du féminisme. "L’heure d’un nouveau féminisme et de la révolution a sonné. Je ne pensais pas que les Françaises auraient besoin de nous, mais maintenant que nous sommes là nous allons former une armée pour défendre les femmes du monde entier", lance Inna Chevchenko, l’une des leaders ukrainiennes du mouvement, dans son anglais aux accents slaves.
"On veut former les femmes pour avoir une posture et faire face à la violence des flics, des maris violents, etc.", explique la militante française Safia Lebdi, dont le buste affiche l’injonction "Muslim, let’s go naked" (Musulmans, déshabillons-nous). C’est un "No Sharia" (Non à la charia) qui enlace de lettres noires les seins de l’écrivaine et metteure en scène libanaise Darina Al-Joundi. Alors qu’elle croyait avoir laissé derrière elle le monde du voile intégral quand elle s’est installée en France en 2005, elle découvre que l'oppression des femmes n’a pas épargné son pays d’accueil. Se mettre à nu s’est imposé à elle comme le seul moyen de protester contre la dictature religieuse, mais également la dictature politique ou patriarcale. Comme ses consœurs ukrainiennes, elle estime que si la France est un pays de droit, "il reste du travail : tous les jours des femmes meurent sous les coups".
Via: france24.com
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