Femen, tant qu’il le faudra

Quiconque s’intéresse aux actions des Femen pique la curiosité de leurs adeptes comme de leurs détracteurs. Le film d’Alain Margot, Je suis Femen, en salle vendredi, offrait d’emblée une énième occasion de satisfaire la soif d’en connaître davantage sur les ingénues ukrainiennes.

 

Ici, l’oeuvre s’entiche moins des blondes amazones auxquelles on nous a habitués que d’Oxana Shachko, qui se distingue des autres par son côté artistique. Celle qui serait à l’origine des premières manifestations aux seins nus à Kyiv en 2008 fabrique avec entrain couronnes, masques et pancartes.

 

Le film débute cependant avec le cas d’Oxana Makar, violée, étranglée et brûlée vive par trois hommes qui sont arrêtés puis relâchés. On comprend difficilement pourquoi le cinéaste ouvre sur cette tragédie, si ce n’est pour souligner le caractère misogyne du crime et le fait que les Femen ont appelé à l’inculpation des meurtriers. Ce qui fut fait.

 

S’enchevêtre ensuite une série d’actions similaires des militantes qui expliquent plus ou moins qu’à 27 ans, Oxana Shachko cumule une centaine d’arrestations. Slogans sur les seins, auréoles fleuries, postures conquérantes, arrestations en hurlant constituent l’agit-prop pop de ces nouvelles féministes qui affirment d’emblée ne pas lire de livres.

 

Dérangeantes, ultramédiatisées et courageuses, les Femen font parler d’elles davantage que de leur lutte contre le patriarcat. Alain Margot se joint aux regards souvent complaisants des Européens de l’Ouest en nous offrant de pénibles scènes surjouées où Oxana Shachko se promène, peint, part en vacances… et prend son bain.

 

Encore une fois, il s’agit de montrer comment on a eu accès à une Femen, à ce cocon célèbre qui, au final, semble ne pas avoir grand-chose à cacher. Comme dans l’aride Inna, de Caroline Fourest (Grasset), la Femen apparaît comme une icône dont on s’amourache sans la questionner réellement. Avec pour résultat des oeuvres justifiant l’impossibilité de transformer les sociétés patriarcales dans leur totalité. Fixée dans ce rôle iconique, la militante perd la mince radicalité qui la sous-tend.

 

Alors que le documentaire de Kitty Green, Ukraine Is Not a Brothel, nous apprenait au moins l’existence de Viktor Sviatski en tant que maître à penser halluciné du groupe, on le voit à peine ici. Margot insiste plutôt sur le caractère artistique singulier des manifestations à travers Oxana, sans pour autant que la militante les théorise davantage.

 

Film partisan qui ne met pas le contexte ukrainien en perspective — et qu’est-ce qu’on aurait aimé, vu la tournure des événements depuis ! —, l’oeuvre de Margot nous montre des militantes peu révolutionnaires eu égard à leur traitement superficiel, mais déterminées à continuer leurs happenings malgré les arrestations, la brutalité policière et l’exil.

 

Avec tout ce spectacle complaisant autour des Femen, nous aimerions bien, sans aller aussi loin que l’une des militantes à la fin de ce film-ci — « nous sommes en train de nous suicider lentement » — que leurs admirateurs passent à autre chose.

Via: ledevoir.com


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