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Sur le vif

Médias : qui fait du « médias bashing » (lynchage des médias)?

 

Ces médias qui crient à la censure tout en empêchant en permanence un vrai pluralisme !

Qu’il y ait à redire à propos des mesures superprovisionnelles dans l’affaire Giroud-vins et de la justice neuchâteloise vis-à-vis L. Rocchi qui enquêtait sur un cas de plagiat à UNINE peut se comprendre, mais de là à parler de « Retour de la censure », de « médias bashing », de « grave atteinte à la liberté de la presse », il y a un pas que nous refusons totalement de franchir.

L’occasion est trop belle pour certains médias de tenter de nous faire croire que les journalistes sont de pauvres victimes en Suisse, qui doivent même s’autocensurer à l’intérieur de leur propre média tant ils ont de multiple craintes.

Evoquons rapidement quelques affirmations totalement contraires à la réalité de certains acteurs, et non des moindres, de nos médias.

Alain Jeannet, rédacteur en chef du l’Hebdo, termine son dernier éditorial de la manière suivante : « Une société qui affaiblit et muselle ses médias ne peut, à terme, que s’affaiblir elle-même ». Rien que cela. On croit rêver. Mais dans quel monde vivent ces journalistes, en plus des chefs, pour jouer aux persécutés. Ont-ils déjà vécu la situation de pays où les journalistes ne peuvent pas faire leur travail au risque de leur vie. Oui il y a une centaine de journalistes qui sont tués par an dans le monde, mais pas en Suisse !

On saute sur deux cas pour généraliser et jouer aux journalistes persécutés, et sans doute aussi avec l’idée de pouvoir faire encore davantage ce que bon leur semble.

Dominique von Burg, président du Conseil de la presse suisse, un Conseil très largement bien-pensant et politiquement correct (même si cela est immédiatement démenti), vient nous dire à la radio dans une émission de En ligne directe, le 23 mai 2014, qu’il est totalement faux de prétendre que les médias suisses sont « infestés de gauchistes ». C’est lui qui le dit en ces termes, pas nous. Nous disons autre chose, comme l’a montré concrètement et empiriquement un sondage initié par le journal Le Temps, il y a déjà quelques années : Oui, la très grande majorité des journalistes sont de gauche et politiquement corrects et votent très largement de manière opposée au peuple suisse sur des sujets de société déterminants. Et d’un.

Ensuite, étant donné cette situation, ce qui manque en Suisse et encore davantage en Suisse romande, comme nous le montrons régulièrement, c’est un vrai pluralisme médiatique, à savoir des journaux et des médias audio-visuels de tendances réellement différentes, opposées. Une diversité, souvent géographique, même très grande, n’est pas encore le signe d’une vraie pluralité, loin de là et c’est le cas en Suisse.

Les médias sont un pouvoir sans réel contre-pouvoir, voilà une autre réalité suisse. Si on ajoute à cela un Service public monopolistique, à savoir aucune vraie concurrence réelle dans le domaine audio-visuel, on met le doigt sur une autre réalité, à peine croyable dans un pays qui se vante en permanence d’être démocratique et pluraliste. Oui, la Suisse l’est, en matière politique, grâce à la démocratie directe, elle-même de plus en plus critiquée par ces mêmes médias. Mais elle ne l’est en aucun cas dans le domaine des médias. Peu de gens sont encore conscients de cette situation même s’ils passent volontiers d’une chaîne de TV ou de radio à une autre sur la France, qui en compte, elle, des dizaines.

A ce propos, on nous fait rituellement le coup d’affirmer que sans ce monopole du Service dit public, la Suisse s’effondrerait ! Quelle blague ! Mais ça prend encore auprès de quasiment tous les partis politiques car ils ont tous un accès, tout aussi rituel, à ces médias du Service dit public. Donc tout va bien, ou presque, n’était-ce la couleur trop fortement monochrome de la grande majorité des journalistes. Cela est de plus en plus reconnu et par tous et c’est ce qui est insupportable pour les journalistes

Dans les principales institutions suisses les postes sont répartis en fonction de la force respective des différents partis politiques, du moins théoriquement, et l’on s’en rapproche dans un assez grand nombre de domaines. Mais pas du tout dans le domaine médiatique. Qui a dit que dans les médias, du moins dans ceux du Service dit public, il devrait en aller de même ? Une telle proposition crée la surprise ; elle montre en tout cas que l’on est loin de d’une telle représentativité.

Sans aller aussi loin et sans contester l’utilité d’un vrai Service public, nous affirmons, rituellement aussi, qu’il est urgent d’arriver à une plus grande pluralité des acteurs des médias et à une varie concurrence entre les différents médias.

Pour ceux qui nieraient cette très faible pluralité, exceptionnelle encore une fois dans un pays démocratique, il suffit de souligner par ailleurs les décalages, en fait le fossé constant, lors des votations populaires, entre les médias et les résultats de ces votations. Une preuve que d’autres pays ne peuvent pas avancer ; nous oui. Il ne suffit pas de vouloir caricaturer la situation en parlant de « médias infestés par les gauchistes » (nous ne disons pas non plus cela) pour tenter de ridiculiser une réalité prouvée et certifiée en permanence.

Il y a bien sûr encore le problème de la responsabilité et de l’éthique des journalistes. Les journalistes peuvent se permettre les pires erreurs sans sanction aucune, soit un pouvoir sans contre-pouvoir. La plupart des plaintes sont longuement diluées, minimisées, justifiées par des arguments auxquels personne ne croit.

Il n’est pas nécessaire de convoquer l’exemple français d’Outreau où des personnes accusées de manière anticipée par les médias sont mortes ou ont fait des années de prison, en étant innocentées par la suite, mais seulement des années plus tard, avec des dégâts irréparables sur les personnes, les familles séparées, les enfants enlevés aux parents faussement accusés, etc.

Pour ne citer qu’un seul exemple suisse (février 2009), nous aimons prendre l’exemple extrême mais bien réel de la femme brésilienne qui prétendait avoir été lacérée sur son corps au moyen de sigles SVP (UDC, en français !) et avoir perdu des jumeaux, histoire totalement inventée et immédiatement relayée par certains médias. Le monde entier à parler du racisme des Suisses au point où même le président du Brésil est venu protester à une TV nationale de son pays contre le prétendu racisme des Suisses. De gigantesques dégâts irréparables causés par les médias.

Quelles ont été les sanctions, les excuses, les colloques d’éthique, qui ont suivi ces cas très graves ? La question reste toujours sans réponse.

Non, ce n’est pas le retour de la censure que veut la population suisse mais une vraie pluralité, de la concurrence, une diversité non seulement géographique mais politique, moins d’arrogance, plus d’autocritique, de vrais contre pouvoirs, et surtout des journalistes qui cessent de mépriser le peuple et la démocratie, notamment lorsque ce peuple vote autrement que ne le souhaiteraient les médias.

 

Uli Windisch, 25 mai 2014

Via: lesobservateurs.ch


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