Amina Sboui, un nom qui n’est pas prêt d’être oublié en Tunisie. En mars 2013, elle crée le buzz en publiant ses photos seins nus sur Facebook avec l'inscription “mon corps m’appartient et n’est l’honneur de personne” et puis “Fuck your morals”. Visiblement gênée et contrariée, sa famille décide de la couper du monde extérieur, en l’emmenant chez des proches dans une ville à l’intérieur du pays. Accusée de l’avoir “kidnappée”, sa mère se justifie dans les médias: “C’est pour la protéger”. Quelques jours plus tard, Amina fugue, revient à Tunis et reprend son engagement. La jeune femme intègre les FEMEN, un mouvement féministe né en Ukraine en 2008 pour défendre les droits des femmes, avec une particularité: des actions seins nus.
Le 19 mai, Amina est arrêtée après avoir tagué le mot FEMEN sur le muret d’un cimetière à Kairouan. Le mouvement la soutient avec des actions un peu partout dans le monde, mais aussi à Tunis où trois militantes (deux françaises et une allemande) sont allées crier, seins nus, “Free Amina” et “Fuck your morals” devant le Palais de Justice. Accusées “d’attentat à la pudeur et atteinte aux bonnes mœurs” elles passent près d’un mois en prison avant d’être condamnées à 4 mois et demi en sursis et de quitter la Tunisie.
Une insoumise
Libre dans son corps et dans son esprit, Amina n’hésite pas à dire “non” à ce qui ne lui convient pas, peu importe les conséquences. Après s’être rebellée contre l’autorité parentale et contre la société, elle se rebelle contre les Femen, mouvement dont elle était pourtant devenue l’un des symboles. “Je ne veux pas que mon nom soit associé à une organisation islamophobe”, déclare-t-elle dans une interview accordée au HuffPost Maghreb. Deux actions des Femen l’ont embêtée: brûler le drapeau du Tawhid devant la mosquée de Paris et simuler une prière, seins nus devant l’ambassade de Tunisie en France avec “Femen Akbar, Amina Akbar”. Des actions de soutien mais qui la dérangent. Amina est certes féministe, mais pas “religiophobe” comme s’en revendiquent les Femen. “Il faut respecter la religion de chacun”, dit-elle. Ce n’est pas les Femen qui le feront. Le 9 juiller dernier, sur son compte Twitter, Inna Shevchenko, leader ukrainienne du mouvement réfugiée en France avait écrit puis supprimé “qu’est-ce qui peut être plus stupide que Ramadan. Qu’est-ce qui peut être plus effroyable que cette religion?”
Le respect de la religion des autres, un premier point de désaccord avec le mouvement féministe, mais pas le seul. La jeune fille pointe du doigt l’opacité du financement des Femen. “Je ne connais pas les sources de financement du mouvement. Je l’ai demandé à plusieurs reprises à Inna (Inna Shevchenko, ndlr) mais je n’ai pas eu de réponses claires. Je ne veux pas être dans un mouvement où il y a de l’argent douteux”, explique-t-elle. Si les Femen ne veulent pas s’attarder sur leur financement, pour Amina, c’est important.
Forte et engagée
Amina laisse tomber les Femen mais pas la cause féministe. La jeune femme n’est pas une suiveuse et milite encore pour ses idées. Pour Inna Shevchenko, Amina a “cédé à la pression” et “joue le jeu des islamistes”. Des conclusions hâtives qu’avance la leader ukrainienne du mouvement sous le coup de la déception. La jeune femme n’a pas cédé pas à la pression mais venait de confirmer ses engagements, en publiant une photo choc: seins nus, cocktail molotov à la main et avec l’inscription “We don’t need your dimocracy”. Ce n’est pas une erreur d’orthographe. “Leur dimocratie n’est pas une démocratie” précise-t-elle sur sa page Facebook plus tard. Autre nouveauté avec cette photo: l’inscription sur son corps du A encerclé, symbole de l’anarchisme. Nouveau combat pour Amina qui réfléchit désormais à intégrer Feminism Attack, un mouvement qui milite pour les droits des femmes mais aussi pour l’anarchie. “L’anarchie ne veut pas dire tout casser, mais casser le système” affirme-t-elle au HuffPost Maghreb. Et “le système”, elle semble bien décidée à le casser, après avoir déjà fait de même avec les codes.
A à peine 19 ans, Amina peut donner l’impression de se chercher encore, comme on peut le faire à son âge. Mais personne ne peut douter de son fort caractère. Après deux mois et demi passés en prison, des procès qui se multiplient s’apparentant même à un acharnement judiciaire, la jeune fille retrouve sa liberté... et son engagement. Courageuse, elle ne veut montrer que son côté fort et combatif. “Je pensais que j'allais rester sept ans en prison! J’ai essayé de créer mon propre monde. J'ai vécu en internat, donc je ne voyais pas trop de différence.” répond-elle au HuffPost Maghreb quand on l’interroge sur sa détention. Il y avait bien une différence pourtant, et les conditions n’étaient sans doute pas faciles. La preuve, elle avait été accusée d’outrage et diffamation de fonctionnaire, après avoir dénoncé des mauvais traitements subis par sa codétenue dans la prison où elle était incarcérée à Sousse.
En attendant son dernier procès pour “profanation de sépulture” pour lequel elle risque jusqu’à deux ans de prison, Amina n’est plus une Femen mais reste résolument féministe. Une cause pour laquelle elle a choisi de militer avec ardeur.
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Via: huffpostmaghreb.com
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