Je n’avais pas lu, de longue date, un livre aussi drôle que celui que Mlle Fourest vient de consacrer à Inna Shevchenko, jeune Ukrainienne exfiltrée en France, blonde aux yeux verts, agitatrice professionnelle au mouvement Femen, dont elle est l’une des fondatrices. C’est une aventure amoureuse à la Benjamin Constant, langoureuse, dévastatrice, inaboutie. Caroline Fourest est une redoutable fouine ; elle en a le museau, la curiosité, l’appétit dévorant, les dents appropriées. Ne nous y trompons pas : l’auteur est une femme politique. Avec cette particularité que toute sa politique tourne autour de ses opinions – devrais-je plutôt dire de ses obsessions ? – sexuelles, que personne ne lui conteste, sauf qu’elle voudrait les imposer au monde entier. Son intolérance dénonce celle des autres, son agressivité celle qu’elle produit chez les autres ; c’est en permanence le monde à l’envers. Elle déclare : « La lutte des classes se décline désormais en lutte des sexes ». Il y aurait peut-être d’autres combats à mener, mais c’est le seul qu’elle veuille. Sa belle blonde aux yeux verts lui tourne la tête : « Entrée chez les jeunesses communistes, elle double le nombre de militants de sa cellule en s’intéressant aux questions de genre ». Nous entrons dans le monde du militantisme en ce qu’il a de plus débile. Restée bourgeoise, surtout depuis qu’elle a déménagé, notre auteur voudrait maintenir une distinction subtile entre terrorisme et activisme. Inna et les siennes sombrent malheureusement dans l’excès et multiplient les coups bien connus – exhibitions aux seins nus dans les mosquées et les églises, cela devient gênant.
Ces dames adorent les blasphèmes, qui ne sont certes pas des délits, mais qui montrent le peu de respect qu’on a d’autrui tout en en exigeant pour soi. C’est parfois à mourir de finesse : « Jésus avait deux pères et une mère porteuse ». Passons. Il y a des victoires incontestables : « Le président de la République vient de choisir le nouveau timbre national : … c’est un mélange de plusieurs femmes mais surtout Inna Shevchenko, fondatrice des Femen ». C’est Dieudonné qui doit rigoler. Il y a un chapitre particulièrement hilarant, celui intitulé « le djihad seins nus ». Après avoir poussé une malheureuse Tunisienne à faire scandale à Tunis à l’époque d’Ennahda, ce qui l’a menée en prison, la joyeuse bande organise la lutte. Description : « Au cœur du Topless Jihad, elle [Inna] ne pense qu’à frapper, fort et à la source : l’islam. Tant mieux, si cela met en fuite certaines activistes, ces êtres faibles, incapables d’être Femen. Ce radicalisme, que je déteste tant quand il mène au fanatisme, fait aussi la force du mouvement. » Elle dit d’elle-même : « Comment croire qu’un être aussi modéré que moi puisse avoir tant d’ennemis » ? On la subit sur tous les plateaux de télévision et même le père de la Morandais reste sans voix devant son culot. On apprend quand même que Le Monde l’a virée – sous l’influence des salafistes, sans doute ? C’est le prix de la gloire. Les Femen, ces redoutables « twitteuses » à tout-va, nous dit-elle, sont « des guerrières qui ont changé le monde à 18, 23, 24 et 26 ans. Avec un panache et une bravoure que leurs ennemis communs ne pourront pas salir. (…) Le pouvoir est au bout de leurs seins. L’étendard de nos victoires, partout, va flotter. » Quand on a le nombre…
A lire : Inna, de Caroline Fourest, Grasset, 448 p., 20,90 €.
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