Samedi 14 février, au centre culturel Krudttønden, dans le quartier nord de Copenhague. Inna Shevchenko, leader des Femen, discourt sur la liberté d’expression dans le cadre d’une conférence sur “l’Art, le blasphème et la liberté”. Elle explique que parfois, même dans les pays occidentaux, la liberté d’expression n’est qu’une illusion, et prend pour exemple le fait que lorsque l’on parle des caricaturistes de Charlie Hebdo, on entend souvent des gens dire “oui je suis pour la liberté d’expression, mais…“. “Le tournant c’est ce “mais”. Pourquoi toujours ajouter ce “mais”...” explique-t-elle, avant d’être interrompue par une série de coups feu, comme on peut l’entendre dans cet enregistrement que s’est procuré la BBC:
“Plein de pensées m’ont traversé l’esprit l’espace d’une seconde, nous raconte-t-elle, est-ce une blague ? Des pétards? Par quoi d’autre ce bruit pourrait-il être provoqué?” Puis, elle comprend qu’il s’agit de coups de feu. “Je m’attendais à ce qu’une chose pareille se produise à tout instant, donc je me suis soudain dit, “oui, c’est une arme“”. Inna plonge sous l’estrade sur laquelle elle était perchée, voit tout le monde “courir et se cacher”, a l’impression que “les coups de feu ne s’arrêtent jamais”. Elle s’enfuit par une porte arrière: “Je courais et j’ai vu quelqu’un entrer dans le bâtiment d’à côté. Je me suis engouffrée à l’intérieur. Nous sommes restés cachés un moment dans l’appartement de cet inconnu, qui nous a recueilli, avant d’être évacués par la police.”
L’attentat fait un mort, Finn Nørgaard, un réalisateur de documentaires de 55 ans, et trois blessés parmi les policiers. Le soir-même, le tueur rouvre le feu devant une synagogue, faisant un nouveau mort et deux blessés. Pour Inna, s’il n’y avait pas eu des forces de police à l’extérieur de la salle où avait lieu l’événement, “nous aurions tous été tués”.
“Nous devons faire plus de bruit que les kalachnikovs”
L’attaque n’a pas eu raison de la détermination, que l’on savait déjà inébranlable, d’Inna Shevchenko. Lorsqu’on lui demande si elle compte organiser de prochaines actions, la Femen répond: “Dans de nouvelles conditions comme celles-ci? Bien sûr, nous le ferons toujours!”, et ajoute:
“Malgré la peur que je ressens, je ne me cacherai pas. Après avoir reçu des menaces de mort, avoir perdu des amis et des frères idéologiques comme Charlie Hebdo, avoir si peu de protection, vous attendez que le pire se produise, la peur au ventre. Mais l’idée d’abandonner devant le dogmatisme et la violence ne me parait pas satisfaisante. C’est à notre tour, les libertaires, de faire du bruit. Nous devons être plus bruyants que les kalachnikovs. Nous avons besoin de plus de caricatures, de manifestations, de slogans, de discours, d’événements, de livres au sujet de la liberté d’expression sans aucun “MAIS”".
Pourtant, les JT de France 2 et de France 3 qui ont diffusé l’enregistrement de la BBC n’ont pas pris la peine de traduire les propos tenus par Inna au centre culturel danois. L’intéressée rétorque : “Nous ne devons pas écrire des hommages aux caricaturistes sans publier leurs dessins, nous ne devons pas parler de cette conférence sur les attaques à la liberté d’expression sans retranscrire ce que les gens y disaient. Sinon, nous faisons le jeu des terroristes.“
Via: lesinrocks.com
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