La justice française veut-elle détruire Femen?

Une militante Femen a écopé de 1.500 euros d'amende, en France, pour «dégradation volontaire» et «exhibition sexuelle», une première. Dans le même temps, une peine de 3 à 4 mois de prison avec sursis, doublée d’une amende similaire, a été requise contre une ex-Femen, poursuivie uniquement pour «exhibition sexuelle». Des décisions pour l’exemple, dénoncent les militantes et leurs soutiens.


Une première mondiale. Une militante Femen a été condamnée mercredi à 1.500 euros d'amende pour avoir endommagé, seins nus, la statue de cire de Vladimir Poutine au musée Grévin le 5 juin dernier, quelques heures avant l'arrivée du président russe à Paris. L’activiste ukrainienne Iana Jdanova (parfois orthographié Yana Zhdanova), armée d'un petit pieu en bois, avait renversé l’avatar du chef du Kremlin, dont la tête s’était brisée sur le sol. Sur son torse était écrit : «Kill Poutine». Le tribunal correctionnel de Paris l'a condamnée pour «dégradation volontaire» et «exhibition sexuelle», une première, comme l'a pointé du doigt son avocate, Me Marie Dosé, citée par Reuters. Outre son amende, Iana Jdanova été condamnée à verser 3.004 euros au Musée Grévin au titre du préjudice matériel et 1.000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que 500 euros de frais de procédure, précise l’agence.

Selon Me Dosé, les poursuites pour exhibition contre les féministes sont souvent même abandonnées avant la tenue des procès. Il est donc clair qu’il s’agit d’une sanction pour l’exemple. «Cette décision tend à empêcher (Femen) de protester», a-t-elle estimé. «Dans une société comme la nôtre où l'exhibition à message commercial est partout, c'est un non-sens», a-t-elle ajouté. «C'est une blague», a elle aussi réagi la jeune femme de 26 ans, réfugiée politique en France depuis deux ans, annonçant son intention d’interjeter appel et même d’aller jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme si besoin. Pendant son procès, le mois dernier, elle avait expliqué son geste par son «étonnement» de voir «dans la capitale de la démocratie», la statue «d'un dictateur qui menace la paix mondiale».  «Qu’est ce qui ne va pas chez toi, La République», a de son côté commenté la chef de file du mouvement, Inna Shevchenko, sur son compte Twitter. Avant de pointer du doigt le fait que les médias russes se délectent de cette nouvelle.

De la prison avec sursis requise contre Eloïse Bouton

Une autre ex-Femen, Eloïse Bouton, a également été jugée mercredi pour «exhibition sexuelle» après avoir mené une action seins nus dans l'église de la Madeleine, le 20 décembre 2013, pour protester contre d'éventuelles restrictions du droit à l'avortement en Espagne. La jeune femme, qui portait un voile bleu, avait mimé un avortement avec du foie de bœuf. Sur sa poitrine figurait le slogan «344e salope», et dans le dos «Christmas is cancelled» («Noël est annulé»). Une action qu’elle avait menée seule, en même temps que d’autres similaires en Europe. Le procureur a requis 3 à 4 mois prison avec sursis et 1500 euros d'amende, c’est à dire une peine encore plus sévère que celle dont a écopé Iana Jdanova. Pour la simple raison, selon elle, que son action a eu lieu dans une église, et a de ce fait «eu plus d’écho», a-t-elle confié à Paris Match.

Elle ne s’attendait d’ailleurs pas à «la clémence du ministère public», qui est à l’origine de l’action à son encontre. Le verdict est attendu le 17 décembre prochain. Elle compte faire appel si elle n’est pas relaxée. Sur Twitter, la veille de son procès, la Française de 31 ans avait commenté : «La #nudité #politique n'est pas érotique #féminisme #MonCorpsMonDroit #IVG». Quant à la condamnation de Iana Jdanova, elle la trouve «ahurissante, car Femen a mené plein d’actions seins nus, dans plusieurs pays, et c’est la première fois que cela donne lieu à une condamnation».  La militante de longue date –avant Femen, elle est passée par Ni putes ni soumises, Osez le féminisme, ou encore La Barbe- estime que la justice veut faire d’elles des exemples. «Même si le procureur, dans son réquisitoire, a bien précisé qu’il ne visait pas Femen, mais moi en tant qu’individu», si cette ou ces décisions fait/font jurisprudence, «l’avenir du mouvement en dépendra», souligne-t-elle.

Eloïse Bouton avait rejoint le groupe anti-patriarcal venu d’Ukraine en juillet 2012, avant même la création de la branche parisienne, mais l’a quitté en février dernier, parce qu’elle estimait «en avoir fait le tour» ; qu’elle n’avait «plus rien à leur apporter, et réciproquement». Ce qui ne l’empêche de continuer le combat «en indépendante». Le 10 septembre, neuf Femen jugées pour avoir dégradé la cathédrale Notre-Dame, en février 2013, ont été relaxées par le tribunal correctionnel de Paris. Elles n'étaient pas poursuivies pour exhibition sexuelle. Le parquet a fait appel.

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Via: parismatch.com


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