Amina n’en a pas terminé avec ses déboires judiciaires. Tandis que les trois Femen européennes venues la soutenir seins nus ont été libérées quelques jours avant la visite de Hollande, la jeune Tunisienne vient de dépasser les deux mois de détention provisoire. La militante, qui se revendique du mouvement «sextrémiste», est de nouveau convoquée aujourd’hui devant le juge, pour «outrage à un fonctionnaire» et «diffamation», suite à une plainte du directeur de la prison de Messadine, où elle est incarcérée.
Selon ses avocats, la jeune femme aurait pris la défense d’une autre prisonnière lors d’une altercation avec des gardiens. Le directeur assure qu’elle a proféré des insultes, ce que nie Amina. «C’est de l’acharnement, on essaie à tout prix de la maintenir en prison», dénonce l’un de ses avocats, Ghazi Mrabet, qui promet «de grandes surprises» à l’audience, suggérant que la preuve de la manipulation du système judiciaire y sera apportée.
Profanation. Venue le 19 mai à Kairouan, le jour où les jihadistes d’Ansar al-Charia devaient y tenir leur congrès, Amina avait tagué «Femen» sur le mur du cimetière, au pied de la grande mosquée. Arrêtée, elle a d’abord été poursuivie pour le port d’un aérosol lacrymogène, retrouvé dans son sac ce jour-là, ce qui lui a valu 150 euros d’amende. De plus lourdes charges ont ensuite été émises : «outrage à la pudeur», «profanation de cimetière» et «association de malfaiteurs». Une «disproportion flagrante entre la réalité des faits et les chefs d’accusation», dénoncent les ONG, à l’image de l’Organisation mondiale contre la torture. Finalement, le juge d’instruction vient de clore son enquête et seule la «profanation» a été retenue, faute de preuves. Mais le parquet a fait appel de cette décision, repoussant encore la tenue du procès.
Malgré l’abandon de deux charges, Amina est restée en prison. Toutes les demandes de remise en liberté provisoire formulées par la défense, et appuyées par Human Rights Watch, ont été rejetées. En Tunisie, la détention préventive peut durer légalement jusqu’à quatorze mois. «On veut la faire craquer», accuse son père, Mounir Sboui, qui dénonce les tentatives «de faire taire les gens qui demandent plus de libertés».
Amina, elle, se montre combative. Lors de son audience en appel, pour le port de la petite bombe lacrymogène, elle a ôté le sefsari, ce voile blanc traditionnel que la coutume impose aux femmes justiciables. «Elle s’est mise en colère quand sa mère lui a demandé de présenter ses excuses et lui a dit avoir rencontré Meherzia Labidi [la vice-présidente de l’Assemblée, membre d’Ennahda, le parti religieux au pouvoir, ndlr]. Elle refuse tout ça», rapporte aussi la blogueuse Lina Ben Mhenni, porte-parole de son comité de soutien, qui s’étoffe peu à peu.
«Folle». Lors de cette rencontre, la députée avait aussi souligné l’importance de présenter au juge le dossier médical d’Amina, qui a été suivie par un psychiatre, ce à quoi les avocats se refusent depuis le départ. «Nous redoutons qu’elle soit libérée de prison pour être envoyée en hôpital psychiatrique», explique l’un d’eux, Halim Meddeb. «Je ne suis pas folle, je suis libre», a réagi Amina dans un message adressé vendredi, via son avocat, à l’opinion. «Je n’ai pas peur. Que je sois gardée en prison pour longtemps, cela ne m’importe pas. […] Je suis derrière les barreaux mais je me sens plus libre que beaucoup de gens à l’extérieur», y écrit encore la jeune femme.
Via: liberation.fr
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