Amina Sboui ne mâche pas ses mots. Dans une interview au Huffington Post Maghreb mise en ligne le 20 août, la jeune femme tunisienne annonce son départ du mouvement Femen, accusant notamment l’organisation d’être “islamophobe“. Elle reproche aux militantes d’avoir brûlé le drapeau du Tawhid [drapeau musulman, ndlr] le 2 avril dernier devant la mosquée de Paris et d’avoir crié “Amina Akbar, Femen Akbar” devant l’ambassade de Tunisie en France le 5 juin. “Cela a touché beaucoup de musulmans et beaucoup de mes proches. Il faut respecter la religion de chacun”, estime-t-elle.
Comme le précise la journaliste du Huff Post, ces actions avaient pourtant été organisées en soutien à Amina, emprisonnée en Tunisie pour avoir peint le mot “Femen” sur le mur d’un cimetière à Kairouan. Si la Tunisienne remercie les militantes pour leur soutien (“surtout Joséphine, Marguerite et Pauline qui ont dû faire de la prison ici [en Tunisie - ndlr])”), elle estime qu’”elles auraient dû se renseigner auprès de [ses] avocats avant de faire certaines actions”, assurant que “cela a aggravé [son] cas“. Une référence à sa comparution (suivi d’un non-lieu) en juillet pour “outrage” et “diffamation” à l’encontre de gardiennes de prison, en Tunisie.
“Et si c’était Israël qui les finançait ?”
Autre point de désaccord : le financement des Femen. “Je ne connais pas les sources de financement du mouvement. Je l’ai demandé à plusieurs reprises à Inna [Shevchenko, leader du mouvement - ndlr] mais je n’ai pas eu de réponses claires. Je ne veux pas être dans un mouvement où il y a de l’argent douteux. Et si c’était Israël qui finançait ? Je veux savoir“, explique Amina. Ce n’est pas la première fois que le financement de l’organisation est critiqué pour son opacité. Comme nous l’expliquions dans un article datant de 2012, les Femen compteraient sur les dons, la vente de produits dérivés mais aussi sur des mécènes pour faire vivre leur mouvement. L’identité de ces derniers n’ayant jamais été révélée, plusieurs sites d’extrême droite (dont celui de l’Institut Civitas) ont assuré par le passé que les Femen recevaient de l’argent de George Soros, milliardaire et philanthrope américain d’origine hongroise. Ce que les activistes ont démenti mardi dans un post Facebook :
“Pour continuer à défendre l’idéologie Femen et à étendre notre mode d’action partout dans le monde, et comme nous ne sommes pas financées par des gens comme Soros, nous avons besoin de votre soutien financier !”
Contactée par téléphone, la leader du mouvement Inna Shevchenko assure qu’Amina “connaissait les difficultés financières rencontrées pour organiser une action en Tunisie” et ajoute : “notre mouvement reçoit de l’argent du femenshop.com et des donations effectuées sur Internet“. Est-ce vraiment tout ? Quand on lui demande clairement par message s’il n’y a donc bien aucun mécène impliqué dans le financement de l’organisation, l’activiste ne répond plus.
Concernant le départ d’Amina, si elle dit le comprendre (“c’est une situation classique dans laquelle une personne sous pression abandonne. Certaines femmes qui viennent dans les Femen n’y restent pas après leur première arrestation”), elle n’en déplore pas moins son argumentaire :
“Ses commentaires me semblent être une trahison. Non pas de moi personnellement ou de notre groupe mais des milliers de femmes qui lui ont apporté leur soutien dans le monde entier dans le cadre de la campagne “free Amina” (…). Je suis triste pour la seule raison qu’avec sa déclaration, elle joue le jeu des Islamistes, qui vont présenter sa décision comme le regret de toute son action et s’en serviront comme exemple auprès des femmes dans les pays musulmans.”
Féminisme + anarchisme
La décision d’Amina Sboui a de quoi surprendre puisqu’il y a seulement quatre jours, la jeune femme postait une photo d’elle, seins nus, allumant une cigarette à l’aide d’un cocktail molotov, sur le Facebook des Femen puis sur leur compte Twitter. Amina, elle, n’y voit aucun paradoxe : “Une photo seins nus avec le A cerclé, symbole anarchiste. C’est différent.” Car si la Tunisienne quitte les Femen, elle n’en continue pas moins l’activisme et se revendique haut et fort de l’anarchisme :
“L’anarchie, ce n’est pas le désordre comme le pensent certains. L’anarchie ne veut pas dire tout casser, mais casser le système. Bien entendu, si un policier tire sur quelqu’un, je ne vais pas réagir en lui offrant un livre. L’usage de la violence est obligatoire des fois.”
La jeune femme hésite pour l’instant à intégrer une nouvelle organisation baptisée “Feminism attack”, qui se définit sur sa page Facebook comme “un mouvement féministe libertaire anarchiste (…) qui a pour but d’établir une culture autogestionnaire, et croit en l’obligation de la révolte de la femme contre toute sorte d’exploitation“. Tout(e) citoyen(ne) tunisien(ne) âgé(e) de 16 ans minimum peut y adhérer contre une cotisation annuelle de cinq dinars (environ deux euros). Au vu des photos publiées sur sa page Facebook, Feminism Attack agit principalement en taguant des slogans sur les murs en Tunisie, ce qui vaut à ses membres de nombreuses arrestations. Sortie de prison le 1er août, Amina attend justement une deuxième comparution pour l’affaire du tag du cimetière de Kairouan.
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Via: lesinrocks.com
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