Eloïse Bouton, la première Française à avoir rejoint Femen, a publié un livre quelques mois après son départ du mouvement pour tourner définitivement la page de cette aventure, qu'elle ne regrette pas malgré quelques embuches.
Elle a écrit son livre* pour «tourner la page sainement», de manière «presque thérapeutique». Eloïse Bouton, journaliste, traductrice et militante par nature, notamment «ex-Femen», assure ne ressentir aucune amertume vis à vis du groupe féministe qu’elle a quitté après un an et demi d’engagement corps et âme. La jeune femme, à la plume acérée, semble bien, par moments, régler quelques comptes avec quelques militantes, son ex-compagnon -qui lui a causé bien des torts, notamment en propageant l’information biaisée selon laquelle elle était escort-girl- ou encore un «intrus» (Caroline Fourest pour ne pas la citer).
Mais si Eloïse Bouton a décidé d’écrire ce livre, c’est avant tout pour rétablir «(sa) vérité». Tant sur elle, qui a été calomniée, poursuivie en justice, et en a fait les frais, notamment professionnellement parlant, que sur l’organisation qui a fait l’objet de multiples rumeurs et fantasmes. La jeune femme se veut juste et objective. Elle prouve par A + B que le financement de Femen n’est pas opaque, par exemple, et regrette que les membres du groupe n’aient pas fait quelques exceptions à leur stratégie consistant à ignorer les attaques, ce qui aurait pu abréger quelques polémiques, selon elle.
«Femen n’est pas une secte !»
A la lecture de son livre, force est de constater qu’Inna présente quelque similitude avec le «gourou» tel qu’on se le représente. La blonde au regard perçant est une femme forte, charismatique, autoritaire dans ses silences, une icône que nombre de militantes souhaitent satisfaire, à qui elles s'identifient –certaines se mettant à porter des shorts, allant jusqu’à se teindre en platine, et à couper les ponts avec leur entourage... Néanmoins, «Femen n’est pas une secte», affirme Eloïse Bouton. «Inna ne demande rien à personne, souligne-t-elle. Je l’ai même parfois vu étonnée, du moins au début, de l’investissement total et soudain de certaines militantes. Et surtout Femen ne prend pas d’argent aux membres ! ». Selon elle, ce qui a pu créer la confusion est que «les filles qui s’engagent dans ce mouvement ont quelque chose de très "absolu"».
Eloïse Bouton est la première Française à avoir rejoint Femen après avoir rencontré les fondatrices ukrainiennes du mouvement, Anna Hutsol, Alexandra Shevchenko, Oksana Shachko et Inna Shevchenko. Sa première action date de juillet 2012, à Londres, et visait à protester contre la décision de laisser deux athlètes saoudiennes concourir voilées aux Jeux Olympiques. A l’époque, elle est conquise par le «mode d'action génial, ultra-moderne et novateur» du mouvement qui invente le «sextrémisme» -dont elle reconnaît toujours ces qualités. Elle participe à la création de la branche française, aux premiers camps d'entraînement de ces «soldates» -terme qui lui déplaît- seins nus. Passée par Ni putes ni soumises, Osez le féminisme, ou encore La Barbe, elle a jugé cette nudité politique audacieuse et puissante. Et a payé les frais de ce militantisme qui dérange.
Trois procédures judiciaires toujours en cours
Outre les multiples menaces et autres déconvenues que cela lui a causées, elle a écopé de trois procès. Le 10 septembre 2014, elle a été relaxée avec dans l’affaire de dégradations à la cathédrale de Notre-Dame, remontant au 12 février 2013. Mais le parquet a fait appel et la prochaine audience aura lieu le 17 septembre 2015. En revanche, elle a été condamnée en décembre dernier, à un mois de prison avec sursis pour «exhibition sexuelle» à la Madeleine, et à payer 2000 euros de dommages-intérêts ainsi que 1500 euros au titre des frais de justice. Là, c’est elle qui a interjeté appel, mais la date du futur procès n’a pas encore été fixée. Enfin, le procès pour leur happening à la manifestation anti-mariage pour tous organisée par l’institut d’extrême-droite Civitas, le 18 novembre 2012, aura lieu le 15 décembre prochain. L’ex-Femen est confiante pour au moins deux de ces procédures –Notre-Dame et Civitas.
Ce ne sont d’ailleurs pas ces ennuis judiciaires qui l’ont fait prendre ses distances, peu à peu, jusqu’à quitter Femen définitivement, en février 2014. Ni le fait d’avoir été accusée à tort d'être «Alice», cette ancienne membre qui avait «balancé» sous couvert d’anonymat sur le groupe et ses dysfonctionnements. Mais plutôt cette organisation défaillante, justement, qui représente selon elle la limite de l’efficacité Femen. La militante ne leur jette toutefois pas la pierre, puisqu’elle l’avoue : «Je ne pense pas être capable d’éviter mieux que les autres les écueils de leadership ou de fonctionnement». C’est pourquoi l’indépendante a décidé de continuer à vivre son féminisme «en freelance». «Ça me permet de choisir les actions auxquelles je participe, de choisir les gens avec qui je travaille ponctuellement. (…) C’est beaucoup plus enrichissant, et en même temps je peux garder ma liberté de penser.»
Eloïse Bouton n’a pas gardé contact avec ses anciennes acolytes. Pour autant, elle affirme que la rupture s’est faite à l’amiable. «J’ai envoyé un mail à Inna après ce qui s’est passé à Copenhague (une fusillade a éclaté alors que la Femen avait la parole lors d’une conférence sur la liberté d’expression, Ndlr) et elle m’a répondu», nous a-t-elle confié en guise de preuve de cette entente «cordiale». Son expérience chez Femen lui a en revanche appris qu’elle n’était pas «faite pour ce type d’engagement monolithique». Et de conclure, lucide : «Je ne m’étais pas préparée au revers de la médaille qu’implique un militantisme si médiatique».
* "Confession d'une ex-Femen", par Eloïse Bouton. Editions du Moment. 208 pages. 16,95 euros.
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