Catherine Corsini, «La belle saison» est-il un film sur vous ou sur le féminisme?
Il y a de moi, dans chacun des deux personnages, notamment cette jeune agricultrice qui monte à Paris parce qu’elle pense, à juste titre, que tout s’y passe. Mais je voulais d’abord parler du féminisme, et de comment ces militantes ont bouleversé nos vies. Cette révolution est peut-être plus importante que celle de 68, parce qu’elle a débordé sur les clivages gauche-droite, et abouti sur la loi en faveur de l’avortement de Simone Veil. Et puis, 68 était une révolution menée par des hommes qui ont tous, ensuite, occupé d’importants postes à responsabilités. Il faut se rendre compte que les femmes, alors, étaient opprimées. Ma grand-mère, par exemple, a dû attendre 70 ans pour avoir un carnet de chèques: chaque matin, elle devait demander de l’argent à son mari.
Le féminisme continue-t-il de progresser, aujourd’hui?
La libération passe parfois par des régressions. Et certains diktats d’aujourd’hui me font parfois un peu peur. Dans les années 70, les féministes se laissaient pousser les poils sous les bras, ne voulaient plus passer pour des poupées. Or, on voit aujourd’hui des femmes qui, en se soumettant aux codes de la mode, ou aux pratiques sexuelles véhiculées par les films pornos, ont le sentiment d’être libres, alors qu’elles ne font que s’avilir et se mettre complètement sous la domination masculine.
Dans ce contexte, que pensez-vous des Femen? Certain(s) disent leurs actions contre-productives…
J’ai lu leur manifeste, écouté leurs prises de position, et la plupart du temps, je suis admirative de ce qu’elles font. Alors, oui, c’est agressif, mais la société est aussi plus agressive qu’avant. Quand on voit ce qu’elles ont fait au défilé du 1er mai du FN… Elles ont un certain courage. Après, est-ce productif? C’est difficile à dire, mais au moins elles osent, elles.
Les femmes sont-elles plus libres dans le monde du cinéma?
Pas vraiment. En 35 ans, et alors que j’avais l’impression qu’on partait sur un pied d’égalité, il n’y a pas tant de femmes que d’hommes qui ont été formés à la réalisation. La proportion augmente, mais de façon dérisoire, un peu comme en politique. Toujours aujourd’hui, nous n’avons pas les mêmes salaires, les mêmes budgets. Et la solidarité masculine est plus forte. Et puis, le milieu est essentiellement masculin: les critiques, les présidents des festivals internationaux, tous sont des hommes.
Via: lavenir.net
Short link: Copy - http://whoel.se/~aH47T$6F8