Voilà que l’homosexualité vient de rebondir dans l’actualité nationale avec ces deux Femen s’embrassant sur l’esplanade de la Tour Hassan à Rabat, le 2 juin 2015, puis ce guitariste du groupe anglais Placebo, lors d’un concert à Mawazine, le même jour, puis encore deux jeunes Marocains cédant, eux aussi, à cette posture. Ce qui est en cause, c’est l’article 489 du code pénal aux termes duquel des peines de prison de six mois à trois ans et une amende de 120 à 1.000 DH sont prévues contre «quiconque commet un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe».
Un certain nombre de condamnations prononcées par les tribunaux du Royaume pour sanctionner ce délit nourrissent des prises de position de réseaux et d’associations. Ainsi, Human Rights Watch s’obstine, de manière récurrente, à demander la dépénalisation de l’homosexualité en arguant qu’il s’agit d’un droit humain fondamental protégé par le droit international. Et d’ajouter que cet article 489 devait être aboli en ce sens qu’il est discriminatoire et qu’il n’est pas conforme avec le préambule de la Constitution de juillet 2011, le Maroc s’engageant à «bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe.
.». Qu’en est-il, pour commencer, ailleurs dans le monde? Si on relit les principaux instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, force est de faire ce constat: aucun d’entre eux ne fait mention, du moins expressément et explicitement, de sexualité ou d’orientations sexuelles (Déclaration universelle des droits de l’Homme, 10 décembre 1948; Convention européenne des droits de l’Homme, 4 novembre 1950; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966). Pour autant, ces textes ont un lien direct avec l’homosexualité dans deux domaines: celui de l’interdiction de l’immixtion dans la vie privée et celui d’une clause d’égalité ou de non-discrimination stipulées par ces mêmes instruments internationaux.
La jurisprudence de la Commission européenne des droits de l’Homme est intéressante à relever à cet égard. Les principaux enjeux en la matière peuvent être ramenés pratiquement à des questions de discrimination. Aux termes des dispositions de l’article 14 de la Convention intitulée “Interdiction de discrimination”, il est proclamé le respect des droits «sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation». Cet article a été complété par le protocole additionnel n°12 qui prohibe toute discrimination, même en dehors des droits protégés par la Convention.
Par ailleurs, l’argument de la vie privée, également invoqué pour faire prévaloir le droit des homosexuels, a connu une évolution jurisprudentielle. Aux termes de l’article 8, le droit à la protection et au respect de la vie privée a été défini. Si une interprétation limitée et restreinte en est faite, c’est parce que des obligations pèsent sur l’Etat quant au respect de la “vie privée” de ses citoyens: l’une est “négative” en ce sens qu’il doit prémunir l’individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics ; l’autre est positive dans la mesure où l’abstention de l’Etat peut constituer une violation de l’article 8 précité instituant la protection, mais aussi la prise en compte juridique de certains attributs de la personnalité d’un groupe donné.
Le débat s’est élargi dans le sens suivant: faut-il ou non n’accorder aux homosexuels qu’un droit à contenu exclusivement sexuel? La Cour européenne de Strasbourg ne veut voir dans les rapports homosexuels aucune dimension affective ni familiale. Elle a ainsi constamment refusé d’appliquer aux gays européens le volet “respect de la vie familiale” garanti par l’article 8 (paragraphe I). Et, au final, la liberté d’appréciation des critères de discrimination est laissée aux gouvernements sur la base d’un «but légitime» ou d’une «justification objective et raisonnable», autrement dit des considérations dérivant de l’intérêt public.
C’est précisément dans cette équation que l’on se trouve aujourd’hui au Maroc. Faut-il un “statut pour l’homosexuel” qui serait intégré dans le bloc des droits de l’Homme dont le référentiel a été consacré dans la Constitution de 2011? Aujourd’hui, plus de 70 Etats condamnent l’homosexualité. Dans une dizaine d’entre eux, la sanction encourue est la peine de mort. Elle est un crime dans la plupart des pays à majorité musulmane. L’homosexualité au Maroc? Une morale publique est à préserver, des valeurs religieuses aussi. Le législateur a en charge ces attributions et cette mission d’ordre public. Il y a encore tant à faire pour la consolidation des droits de l’Homme! Et une cause aussi marginale que celle de la dépénalisation de l’homosexualité est-elle prioritaire? Cela ne semble pas être le cas pour l’heure, l’enquête du département de la Santé, ALCS et Onusida sur la dépénalisation de l’homosexualité n’ayant pas encore été rendue publique.
. Embarras!
Ordre public international et religions
Dans une affaire jugée par la Cour de cassation française, s’est posé le problème de l’application de la convention judiciaire franco-marocaine du 10 août 1981 à propos de la validité du mariage homosexuel d’un Français et d’un Marocain résidant dans l’Hexagone. Cette haute juridiction a décidé dans un arrêt du 28 janvier 2015 que ce mariage est une liberté fondamentale à laquelle la convention bilatérale ne peut faire obstacle. A été retenu ici le mécanisme de l’exception d’ordre public international qui a eu pour conséquence d’évincer la loi nationale normalement applicable selon la convention bilatérale -à savoir celle du Maroc- au profit de la loi française. Le Coran condamne l’homosexualité (sourate 7, verset 80-81) et toute relation sexuelle hors du cadre “sacré et divin” du mariage hétérosexuel est interdite dans tous les ouvrages de jurisprudence islamique. Les différentes Eglises chrétiennes condamnent également les actes homosexuels comme étant des pratiques contre-nature. Dans le judaïsme, l’homosexualité masculine est également condamnée dans la Torah (Lévitique 18, 13 et 18, 22).
Via: leconomiste.com
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