Le torchon brûle entre David Kawena et Olivier Ciappa, tous deux crédités comme co-auteurs du timbre Marianne, choisi par un jury de lycéens le 14 juillet dernier et dévoilé par François Hollande. David Kawena, dessinateur israélien qui vit actuellement à New York, affirme en effet être le seul auteur de la “Marianne”.
Contacté par Yagg, l’avocat de David Kawena, Yotam Werzansky, du cabinet Drori-Werzansky-Orland, basé à Tel Aviv, nous a répondu ceci:«M. Kawena a engagé des poursuites contre M. Ciappa devant une cour israélienne pour de nombreuses infractions au droit d’auteur, y compris celle où M. Ciappa a revendiqué la paternité exclusive du timbre Marianne, qui est en fait le travail exclusif de M. Kawena. M. Kawena est en effet l’unique responsable du dessin du timbre Marianne et il est l’unique créateur et artiste du timbre.»
“MA MARIANNE”
Dans la communication d’Olivier Ciappa autour du timbre, David Kawena disparaît très vite du champ (avant d’y revenir tout récemment, comme nous le verrons plus tard). Dans les deux tribunes publiées les 15 et le 20 juillet sur le Huffington Post, le dessinateur israélien n’est plus mentionné. Et Olivier Ciappa évoque désormais”[sa] Marianne”, en expliquant les différentes étapes qui ont mené au résultat final. Autre exemple: sur l’appel à dons pour une exposition des “Couples imaginaires”, on peut recevoir des timbres “dessinés par Olivier”.
Au delà de la question de savoir qui a créé le timbre, il y a aussi le problème de son inspiration. Du côté d’Olivier Ciappa, il y a eu deux versions. La première, à l’AFP, le 14 juillet:
«Notre Marianne se veut un message symbolique d’égalité, de parité et de mélanges qui sont, pour nous, des valeurs essentielles de la France d’aujourd’hui et de la République (…) Nous avons voulu lui donner un côté international et intemporel, en mélangeant les mains réalistes et gracieuses spécifiques à la Renaissance, les yeux qui sont un mélange du réalisme de la bande dessinée française d’aujourd’hui, du manga asiatique des années 1980 et de l’animation américaine des années 1950.»
Dans la tribune du Huffington Post, les “mains réalistes et gracieuses spécifiques à la Renaissance” deviennent un geste commun à Christiane Taubira et Roselyne Bachelot:
«Au départ, je voulais dessiner un visage mélangeant les traits de Roselyne Bachelot et de Christiane Taubira. Mais mes croquis n’ont pas fonctionné. J’ai alors remarqué qu’elles faisaient toutes deux un geste très gracieux de la main, lorsqu’elles s’exprimaient longuement, en monologue. J’ai gardé ce geste dans ma Marianne.»
Mais ce qui a surtout fait polémique, c’est l’affirmation selon laquelle la nouvelle Marianne était en partie inspirée d’Inna Shevchenko, la très controversée leader des Femen en France.
Pour tous ceux qui demandent le modèle de Marianne, c'est un mélange de plusieurs femmes mais surtout Inna Shevchenko, fondatrice des FEMEN.
— Olivier Ciappa (@OlivierCiappa) July 14, 2013
Affirmation reprise ensuite dans les deux tribunes signées Olivier Ciappa et intitulées «Pourquoi j’ai choisi une Femen pour Marianne» et «Le nouveau timbre Marianne: autopsie d’une fausse polémique». Olivier Ciappa y précise toutefois qu’il ne s’agit que d’une influence parmi d’autres. Mais, médiatiquement, c’est l’image d’Inna Shevchenko qui sera retenue. Cette dernière se félicite même, avec la délicatesse qu’on lui connaît, que «les homophobes doivent maintenant lui lécher le cul avant d’envoyer une lettre» (dommage pour elle, les timbres sont désormais autocollants).
Quoi qu’il en soit, David Kawena conteste vigoureusement le fait qu’Inna Shevchenko ait inspiré, même partiellement, la création du timbre. Toujours selon son avocat:
«M. Kawena souhaite lever tout doute et clarifier le fait que le timbre Marianne, n’était pas, de quelque manière que ce soit, inspiré par ou lié à Mademoiselle Inna Shevchenko. De plus, M. Kawena ne connaissait absolument pas Mademoiselle Shevchenko avant cette histoire. M. Kawena tire son inspiration des œuvres de Michel-Ange et des personnages de dessins animés, comme Disney, pour qui M. Kawena a travaillé par le passé, et l’œuvre finale témoigne de son propre style. Tout lien entre le timbre et Mademoiselle Shevchenko est uniquement le fait de M. Olivier Ciappa, dont le seul lien avec M. Kawena était en sa capacité de représenter les intérêts et les affaires de M. Kawena en France. À un moment donné de leur relation professionnelle, M. Ciappa a décidé de s’arroger le crédit des œuvres de Monsieur Kawena, en particulier quand il a réalisé la célébrité et la popularité du timbre Marianne dévoilé par le Président français.»
Le fait qu’Olivier Ciappa se soit mis à évoquer «sa» Marianne, ne résulte d’aucun accord préalable entre les deux parties, insiste l’avocat, ajoutant que M. Kawena exprime ses «regrets» et son «étonnement» devant les tentatives d’Olivier Ciappa de le «déposséder de son œuvre».
Si les poursuites ont lieu en Israël, c’est parce que, selon l’avocat de David Kawena, «ces violations ont eu lieu sur internet» et que l’affaire a à voir avec un différend ou litige transfrontalier, «qui peut être déposée dans n’importe quel endroit où le plaignant a subi des dommages».
LA RÉACTION D’OLIVIER CIAPPA
Nous avons contacté Olivier Ciappa pour connaître sa réaction face à ces poursuites. Pour toute réponse, il nous a renvoyé vers le texte qu’il a publié hier soir (après notre mail) sur Facebook. Ces quelques lignes se veulent un hommage à David Kawena, dont il révèle au passage le véritable nom et le visage. Olivier Ciappa ne fait plus référence à «[sa] Marianne». Il rappelle d’abord que leurs deux noms figurent sous le timbre, puis il y explique leur méthode de travail: il apporte les idées, David Kawena les couche sur le papier (ce qui remet en cause, d’ailleurs, la description des timbres «dessinés par Olivier»). Tout en prétendant le contraire, il y dépeint le dessinateur comme un simple exécutant. Une manière de réaffirmer, sans en avoir l’air, que l’auteur, c’est lui.
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Via: yagg.com
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