Les Pussy Riot ne sont pas les seules à être récupérées de la sorte par le merveilleux monde des communications. Les Femen, un groupe féministe né en Ukraine en 2008, est lui aussi victime d'une forme de récupération. Commandos de jeunes et jolies filles qui manifestent les seins nus dans les lieux publics, les Femen utilisent la nudité comme une arme dans un pays, l'Ukraine, où la situation de la femme est pas mal moins enviable qu'au Québec. «On utilise notre corps comme un manifeste», disent-elles.
Implantées en France depuis l'an dernier, les Femen y sont très populaires et jouissent d'une excellente couverture médiatique même si les raisons qui expliquent cet intérêt ne sont pas les mêmes qu'en Ukraine. Dans un pays où on n'hésite pas à présenter une femme en lingerie sexy pour vendre des petits pois ou une marque de détergent à lessive, la nudité n'a absolument pas le même pouvoir subversif. Résultat: en feuilletant les journaux et les magazines français, on a souvent l'impression que les Femen sont une occasion de plus de montrer des filles nues à la une. En d'autres mots, en voulant utiliser la nudité pour attirer l'attention des médias, les Femen voient leur image exploitée par ces mêmes médias.
«C'est vrai qu'il y a une récupération. Nous vivons dans une époque hypersexualisée et dans ce contexte, la nudité risque de détourner l'attention du message qu'on voulait faire passer, observe la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne. Cela dit, je trouve la nudité des Femen plutôt sympathique. Leur tactique est radicale, elles ne sont pas dans la rectitude politique. On peut dire qu'elles ont réussi, car elles ont attiré l'attention sur certains enjeux qui seraient passés dans le beurre autrement.»
Est-ce que les médias s'intéresseraient autant aux Femen et aux Pussy Riot si elles pesaient 250 livres et avaient une moustache? Sur Twitter, la chroniqueuse française Gaëlle-Marie Zimmermann écrivait récemment: «Wanted: des Femen avec des nichons mous. Des culs flasques. Du gras. Et des vergetures. Eh ouais, ça vend moins de rêve hein. #imposture.» Dans un tel contexte, la nudité de belles jeunes femmes est-elle une arme à double tranchant?
«La stratégie n'est peut-être pas aussi efficace qu'on le pense, note l'ex-publicitaire et professeur aux HEC Jean-Jacques Streliski. Je comprends que la nudité des Femen, ce mélange de choc et de violence, soit une façon d'attirer l'attention sur la cause, mais à quel prix? Il est clair que les médias français en profitent. On est habitué de voir la publicité récupérer des phénomènes, mais quand ce sont les grands médias, il faudrait peut-être s'interroger sur les pratiques journalistiques. Sur le plan déontologique, c'est questionnable.»
Le phénomène n'est pas exclusif à la France. L'an dernier, certains médias québécois se délectaient de pouvoir faire la une avec des manifestantes aux seins nus couverts d'un simple carré rouge lors des manifestations du printemps érable. Les étudiants en arts de l'UQAM se sont également déshabillés lors du Grand Prix de Montréal pour dénoncer «l'érotisation de la femme» lors des activités de la Formule 1. Dans les deux cas, les organisateurs n'ont pas eu à tordre le bras des médias afin qu'ils couvrent leur événement. Les caméras étaient au rendez-vous. Le sujet des reportages n'était toutefois pas la protestation, mais bien la nudité.
Ce qui laisse penser que si le médium est le message et qu'il peut être manipulé de la sorte, les révolutionnaires devraient peut-être rester habillés.
ON AIME
Toutes les études montrent que les femmes-expertes sont sous-représentées dans les reportages et les nouvelles où on donne surtout la parole aux hommes. La BBC a décidé de remédier au problème en créant une banque de noms d'expertes. Les journalistes n'auront plus d'excuses.
ON AIME MOINS
Dans un communiqué diffusé jeudi dernier, Radio-Canada annonçait que «le terme ici serait plus que jamais mis en valeur pour désigner nos diverses plateformes». Il ne faut donc plus dire Première chaîne, mais Ici Première. Et on ne dira plus espace.mu, mais ici.mu. Était-ce vraiment nécessaire?
Via: lapresse.ca
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