Elle se cache derrière un mini-short, une couronne de fleurs et des slogans tagués sur sa poitrine. Mais qui est Inna Schevchenko ? Leader des Femen, ce mouvement féministe d'un genre nouveau, cette Barbie ukrainienne de 23 ans ne cesse de faire parler d'elle.
On la découvre maniant la tronçonneuse pour abattre une croix à Kyiv en soutien aux Pussy Riot, groupe punk féministe emprisonné en Russie. Elle se rend au parlement espagnol pour dénoncer une loi limitant le droit à l'avortement. Toujours seins nus. La marque de fabrique des Femen. « Elles utilisent leurs corps pour être entendues, commente Geneviève Fraisse, philosophe et historienne de la pensée féministe. À la télévision, une simple banderole n'est pas forcément lue. »
Des bains d'eau glacée
Inna n'a pas toujours été favorable à ce mode d'action. « Elle était furieusement contre », rapporte la journaliste et féministe Caroline Fourest (1). Trop pudique. Jusqu'à la libération. Le 24 août 2010, jour de l'indépendance de l'Ukraine. Elle surmonte sa peur de dévoiler sa poitrine et la transforme en arme. « C'est un vrai pouvoir, affirme Inna. C'est féministe ! Cela veut dire : ne pas laisser la société voir le corps des femmes comme quelque chose de sexuel ou de honteux mais comme une force et une fierté. »
Inna vient d'une famille « ni pauvre ni aisée ». Petite, son père qu'elle admire lui faisait prendre des bains d'eau glacée pour l'endurcir.
Trop jeune pour se souvenir de la fin de l'URSS, elle est marquée par le Révolution orange en 2004. Déçue par les politiques.
Brillante étudiante, elle commence sa vie professionnelle au service de presse de la mairie de Kyiv. Là, elle découvre le mouvement Femen, en 2009. Apprécie leurs prestations « habillées », proches du théâtre de rue, qui dénoncent le harcèlement sexuel. « J'ai été victime de la société patriarcale, comme beaucoup de femmes. Je voulais juste être libre. Femen me permet de l'être. »
Elle se découvre une âme de chef. Un talent pour motiver les troupes. La jeune femme est charismatique. Ses grands yeux verts et sa détermination en séduisent plus d'une. « Les Femen prolongent la dénonciation radicale du patriarcat qu'a menée le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) dans les années 1970 », précise Christine Bard, professeure d'histoire contemporaine à l'université d'Angers.
Inna est une guerrière. Ses jambes sont couvertes de bleus. Elle ne craint pas les coups. Depuis qu'elle a quitté l'Ukraine, où elle risque la prison, elle s'est réfugiée en France. Elle y vit de bric et de broc. « Nous avons récolté quelques fonds grâce à des dons et la vente d'objets via notre site web. » Et a monté le bureau international Femen. « Venir en France était un choix stratégique. Je ne sais pas combien de temps j'y resterai, cela dépend des combats à mener », rapporte Inna.
Son discours est rodé. Elle balaye les critiques. Se revendique « sextremiste ». « Leurs actions sont très provocatrices : les slogans, les lieux de leurs interventions font polémique, y compris parmi les féministes, pointe Christine Bard. L'opinion publique n'approuvait pas non plus les suffragettes anglaises et leurs méthodes radicales, avant 1914. Aujourd'hui, leurs actions sont reconnues comme légitimes. »
(1) Inna, Grasset, 448 pages, 20,50 €.
Clémence OLIVIER.
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