Amina a bénéficié d’un non-lieu dans le volet concernant l'outrage à un fonctionnaire public. Mais la Femen tunisienne reste en détention, toujours pas jugée pour le coeur de l'affaire qui lui a valu d'être arrêtée il y a plus de deux mois à Kairouan (Centre): le tag sur le muret d'un cimetière.
Une petite victoire pour la «première Femen tunisienne». Le Tribunal cantonal de Msaken a prononcé, ce lundi, un non-lieu pour Amina Seboui (initialement appelée Amina Tyler, avant que son vrai nom ne soit dévoilé). Une «décision positive», comme l’a commenté Inna Shevchenko, cofondatrice du mouvement Femen, interrogée par Paris Match. «Cela redonne un peu d’espoir, mais ne change rien au fait qu'Amina reste emprisonnée injustement», a-t-elle ajouté. Selon la chef de file des militantes féministes, arrivée en France il y a près d’un an, «le juge n’avait pas d’autre choix» que de prononcer ce non-lieu, car «ces chefs d’accusation avaient été préparés avant les faits» qui ont été reprochés à la Tunisienne de 19 ans.
Dans le détail, la jeune femme était poursuivie pour outrage et diffamation fonctionnaire -ce qui lui faisait encourir respectivement un an et six mois de prison ferme-, soi-disant après une altercation avec une ou des gardes de prison, contre qui elle serait intervenue pour porter secours à une codétenue. Cette dernière, Rabaâ, aurait elle aussi bénéficié du non-lieu, précise Shems FM. L’un des avocats de l’icône tunisienne, Souhaib Bahri, avait dénoncé des charges préalablement montées de toute pièce, et l’acharnement contre sa cliente. Il avait prédit qu’il gagnerait ce procès pour vice de procédure. «Cela démontre une fois de plus l’absurdité de la situation», souligne Inna Shevchenko, faisant valoir qu’Amina «est en prison pour ses idées» et que le reste n’est que «prétexte». L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a d’ailleurs estimé, le 17 juillet, que la Femen est détenue pour des raisons politiques, et appelé à sa libération conditionnelle.
Une demande de libération immédiate
En dénonçant les mauvais traitements infligés aux prisonnières, la jeune femme récemment teinte en blonde a en tout cas renforcé un peu plus son image d’héroïne de la défense des droits. «Amina continue de défendre ses idées» malgré tout, s’est félicitée Inna Shevchenko. «Elle poursuit le combat et l’a ouvertement revendiqué pendant son procès.» Lors de sa comparution le 22 juillet devant le tribunal cantonal de M’Saken, dans la banlieue de Sousse, celle qui n’était qu’une simple lycéenne sans histoire il n’y a pas si longtemps, a proclamé: «Je veux que tout le monde sache que l'on torture les femmes dans les prisons en Tunisie.»
Alors que des informations contradictoires circulent sur le sort d’Amina, l’Ukrainienne nous a indiqué que sa consoeur était encore inculpée de «profanation de sépulture» pour avoir tagué «Femen» sur le mur du cimetière de Kairouan (Centre). «Il s’agit du principal fait pour lequel elle est poursuivie, et encourt 5 ans de prison», précise-t-elle, citant son avocat en Tunisie. Aucune date de procès n’a encore été fixée, mais ce dernier serait en train de préparer une demande de libération immédiate, qui devrait être étudiée cette semaine. Inna Shevchenko n’ose pour l’heure croire en la libération prochaine d’Amina. «Cela fait plus de deux mois qu’elle est écrouée pour un tag, alors comment pourrions-nous avoir confiance en la société tunisienne actuelle?», s’interroge-t-elle. «Mais j’ai confiance en la détermination d’Amina, en son courage et au fait qu’elle sortira bien un jour pour poursuivre son combat. Mais la question est: quand?»
«Je n’ai pas peur»
Amina est écrouée depuis le 19 mai pour ce tag, et a déjà écopé d’une amende de 300 dinars (confirmée en appel le 11 juillet) pour port illégal d’engin incendiaire (en l’occurrence un spray d’autodéfense). Depuis sa cellule, la militante a écrit une lettre au peuple tunisien, rendue publique le 19 juillet. «Je n’ai pas peur, assurait-elle. Que l'on me garde en prison peu m'importe! Je ne suis pas folle, je suis libre», affirmait-elle, alors que sa famille avait invoqué sa fragilité psychologique pour justifier leur décision de l’enfermer chez elle contre son gré –avant qu’elle ne s’enfuie et poursuive le «topless djihad». «Je suis derrière les barreaux mais je me sens plus libre que beaucoup d'autres qui sont à l'extérieur», insistait la féministe. Et l’icône de la liberté de conclure: «Être derrière les barreaux n'est pas plus dur que d’être à l’extérieur à regarder la dictature religieuse s'emparer de la Tunisie».
Pour suivre les derniers développements dans l'affaire:
La page Facebook du comité de soutien à Amina, Free Amina.
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Via: parismatch.com
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