L’image a ému. Aspergée à bout portant par un policier turc de gaz lacrymogène, une jeune femme à la robe rouge résiste sur la place Taksim, les yeux clos. La photo a fait le tour du monde. Elle dit tout sur la brutalité policière déployée à Istanbul. Tout, aussi, sur la condition féminine. Car en ce printemps 2013, les femmes sont en première ligne un peu partout dans le monde. Pour le meilleur et pour le pire.
Crédit Photo : Un policier turc envoie du gaz lacrymogène sur une jeune femme, place Taksim, à Istanbul (Turquie), le 28 mai 2013. (OSMAN ORSAL / REUTERS)
Le meilleur, c’est la mobilisation des femmes sur de nombreux fronts de la bataille pour la démocratie. On l’a vu en Turquie ces derniers jours, où elles étaient nombreuses dans les cortèges. La bataille écologique n’est que l’un des aspects de la mobilisation des manifestants du parc Gezi, à Istanbul. La promotion du foulard islamique ou la nouvelle loi sur l’avortement voulues par le gouvernement Erdogan ont inquiété toutes les Turques attachées à l’héritage laïque du kémalisme.
On le voit en Tunisie avec les acquis de l’héritage de la période Bourguiba qui sont menacés par l’arrivée au pouvoir d’un parti islamiste et surtout, par la radicalisation, financée de l’extérieure, des mouvements salafistes. Le mouvement femen a, ces dernières semaines, lui aussi mis le doigt sur ce qui est en jeu dans la transition tunisienne. Ses militantes le font sur un mode à effet, des coups surprises, des irruptions. Cette méthode choque parfois, mais il faut bien du cran pour aller plaider physiquement une cause, sur le terrain des réactionnaires islamistes les plus déchaînés.
En Egypte, également, la lutte contre le harcèlement sexuel dans les grandes villes a pris un nouveau tour depuis la révolution. Plusieurs marches ont été organisées. Sur les murs d’Alexandrie ou du Caire, un nouvel art du graffiti est en train de naître. On y voit des femmes peignant des femmes, pour demander le respect après les nombreux épisodes de violences qui ont émaillé les manifestations depuis deux ans.
On pourrait citer les pays du Golfe où tant de droits sont encore à conquérir, ou l’Afghanistan ou l’Irak, où la régression est terrible. Mais le monde musulman est loin d’être le seul concerné par ce sujet. La question féminine est aussi prégnante sur les autres continents.
En Chine par exemple, la politique de l’enfant unique a un impact direct sur les avortements sélectifs (on dénombre 119 naissances de garçons pour 100 filles). En Inde, les viols collectifs ont suscité une vive réaction ces derniers mois.
(LIRE EGALEMENT LA TRIBUNE DE CHRISTOPHE JAFFRELOT: http://bit.ly/12y3XAJ)
Violence conjugale, viols collectifs, contrôle des naissances, harcèlement, exclusion du marché du travail, plafond de verre dans les carrières, discrimination dans l’emploi, les salaires. La liste des atteintes aux droits fondamentaux d’une large moitié de l’humanité est longue. Les femmes sont aujourd’hui souvent en première ligne de la mobilisation parce qu’elles sont aussi le plus souvent les premières victimes de ces abus.
Les nombreux acquis obtenus, notamment en Occident, depuis un demi-siècle, (rappelons que le droit de vote des femmes aura été très tardif en France, 1945) sont fragiles parce qu’ils vont le plus souvent à l’encontre de traditions séculaires. Des traditions culturelles ou religieuses avec lesquelles les esprits réactionnaires, quel que soit leur credo, aiment renouer en cas de crise. La petite robe rouge de la place Taksim est là pour nous rappeler qu’aucun droit fondamental n’est jamais définitivement acquis, mais qu’il vaut toujours la peine d’être défendu.
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Le désespoir voilé. Femmes et féministes en palestine
Norma Marcos
Femme, palestinienne et artiste, Norma Marcos retrace avec empathie la passionnante histoire du mouvement féministe en Palestine. Puisant à des sources anglo-saxonnes peu accessibles en France, reprenant des travaux européens et arabes, elle ouvre aussi son carnet d’adresses personnel. Depuis la première association caritative de chrétiennes aisées en 1903 jusqu’au blocage du processus de paix entre l’Etat israélien et l’Autorité palestinienne aujourd’hui, elle retrace la politisation du mouvement sous l’influence du nationalisme arabe. Sans gommer les débats houleux sur la place des femmes dans la société palestinienne. Elle nous fait entrer dans l’intimité de féministes emblématiques, issues des grandes familles, et témoigner des femmes de milieux plus populaires. Elle explore l’imaginaire culturel, à travers l’art et la littérature, pour retranscrire l’image des femmes à laquelle se réfère leur engagement politique et social. Les féministes palestiniennes sont souvent prises sous une double contrainte : celle de l’occupation israélienne comme celle d’une société qui garde ses archaïsmes, contraintes qui interagissent ainsi qu’avec celles de la mondialisation.
Norma Marcos, réalisatrice née à Bethléem, vit entre Paris, New York et sa ville natale. En 1994, elle signe « L’Espoir voilé », documentaire sur des femmes de Palestine, diffusé sur une dizaine de chaînes de télévisions européennes. Lauréate de plusieurs prix internationaux (Fondation Umverteilen, Villa Médicis hors les murs, Grand prix du meilleur scénariste...), elle est présente sur de nombreux festivals internationaux. Elle réalise le court métrage de fiction « Wahdon » (2012) et de nombreux documentaires comme « Fragments d’une Palestine perdue » (2011).
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