"Amina est victime d’un acharnement politique"

Tunisie

"Amina est victime d'un acharnement politique"


Elle n'avait reçu que peu de soutiens après son arrestation le 19 mai. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui réclament la libération de la première Femen tunisienne : lettre ouverte de son oncle, pétition d'écrivains maghrébins... Selon ses défenseurs, Amina serait d'abord victime de la montée des tensions entre le gouvernement et les salafistes.

Détail d'une photo d'Amina seins nus, publiée sur Internet en mars 2013

« La véritable intention d'Amina était d'être le porte-parole de la majorité silencieuse en Tunisie, pour dire non aux projets de certains excités extrémistes ». Sami Sbouï, l'oncle de la jeune Femen tunisienne défend sa nièce dans une lettre ouverte publiée sur le site Nawaat le 7 juin.

Amina Sbouï est emprisonnée depuis le 19 mai dernier. La jeune femme de 18 ans avait alors manifesté seule à Kairouan contre le meeting du groupe salafiste djihadiste Ansar al-charia.  Un meeting finalement interdit par le gouvernement tunisien. Cette journée avait été marquée par des affrontements entre Ansar al-charia et la police tunisienne à Tunis.

Le moment de la rupture entre le parti au pouvoir Ennahda et les salafistes. Longtemps accusés de « laxisme » envers  ces derniers, les islamistes modérés se sont décidés à durcir le ton. La veille, le 18 mai, le chef du gouvernement tunisien Ali Larayedh avait déclaré que « le mouvement Ansar al-charia a des liens avec les organisations terroristes », dans une interview accordée à la chaîne Al - Jazira.

C'est dans ce contexte tendu qu'Amina a été interpellée alors quelle taguait le mot « Femen » sur un muret proche d'un cimetière de Kairouan. Initialement, pour port d'arme blanche. Un aérosol lacrymogène, en l'occurrence. Le 30 mai, le tribunal de première instance de Kairouan a condamné Amina à une amende de 300 dinars (150 euros) pour ce délit mineur.

Mais la militante Femen n'a pas été libérée pour autant. Le tribunal a décidé de la poursuivre sur d'autres motifs d'inculpation. Elle est accusée d'association de malfaiteurs, profanation de cimetière et atteinte à la pudeur. Son oncle considère qu'elle est « victime d'un étonnant acharnement politique et judiciaire qui n'a aucune justification ».

De fausses accusations ?

« Elle ne s'est pas dénudée et a accusé les témoins de son procès d'avoir donné de faux témoignages », affirmait son avocate Radhia Nasraoui le 5 juin, en sortant de la seconde comparution d'Amina. Cela n'a pas empêché le juge de la maintenir en détention. Une décision que l'avocate juge inadmissible : « Elle devrait être relâchée puisque les charges qui pèsent sur elles sont sans preuve ».

D'où vient l'accusation d'association de malfaiteurs ? L'ONG Amnesty international dénonce une atteinte à la liberté d'expression :  « Il est extrêmement inquiétant qu'elle soit accusée d'appartenir à une organisation criminelle, car on recourait à ce type d'accusation contre les opposants politiques non violents à l'époque du président Ben Ali », écrit Hadj Sahraoui, directrice adjointe de l'ONG pour le programme Moyen-Orient et Afrique.

« Voir une femme nue en pleine rue défie toutes les règles sociales »

Pourquoi cet acharnement ? Le 29 mai, jour de la première audience, trois Femen étrangères ont manifesté seins nus devant le palais de Justice de Tunis en soutien à la jeune Tunisienne. Deux militantes françaises et une allemande menaient la première action à poitrine découverte dans le monde arabe en hurlant « Free Amina ». Une action qui a certainement amplifié la portée de l'affaire. À leur tour, les trois Femen ont été interpellées sans ménagement par les policiers. Elles encourent six mois de prison ferme pour atteinte à la pudeur.  « Voir une femme nue en pleine rue défie toutes les règles sociales et, dans la vague actuelle de conservatisme, la société n'a pas envie de voir ça », explique Ahlem Belhaj, membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates dans un entretien à Libération.

Amina, elle, ne s'était pas dénudée en manifestant seule le 19 mai. Mais il y a deux mois, la jeune Tunisienne avait publié des photos d'elle seins nus sur internet, en soutien aux Femen européennes.

Amina menacée par une fatwa

Dans sa lettre ouverte, son oncle s'inquiète : « Amina est en effet menacée dans sa vie même suite aux déclarations d'un farfelu prédicateur salafiste tunisien qui a décrété qu'elle devait être lapidée à mort ». Le prédicateur, Adel Almi, a finalement retiré sa fatwa suite à la forte mobilisation de la famille d'Amina. Mais son oncle constate que « le mal est fait et qu'Amina reste sous menace constante ».

Alhem Belhaj reconnaît elle aussi que la jeune fille est « victime de violences politiques puisqu'elle a failli être lynchée par la foule, à Kairouan, au nom d'une idéologie ». Elle dénonce « la violence du pouvoir qui utilise son cas pour dire qu'il lutte contre tous les extrémismes, celui des salafistes comme le soi-disant extrémisme laïque. »

Les écrivains avec Amina

Des intellectuels ont décidé de se mobiliser pour la jeune femme. 28 écrivains maghrébins ont signé un appel à sa libération immédiate, à l'occasion de la Comédie du Livre qui s'est déroulée à Montpellier du 7 au 9 juin. Ils y déclarent « soutenir sans condition Amina, la Femen tunisienne, la première Femen arabe. » Dans le même communiqué, ils déclarent que « par son acte courageux, elle révèle que la cause des femmes est mise en péril par l'hégémonie islamiste qui veut renforcer l'ordre patriarcal déjà existant. »

Et Amina bénéficierait d'un soutien assez large. C'est du moins ce qu'affirme son oncle dans sa lettre : « Contrairement à ce qu'une certaine presse a pu écrire, la majorité des Tunisiens (certes silencieux) sont solidaires de ces Femen en ce qu'ils ont compris l'intention de leur action, à savoir une démarche politique de soutien à une jeune Tunisienne victime ».
Depuis son arrestation, Amina n'a eu cependant que peu de soutiens parmi les modernistes laïcs. Pour cause : certains pensent qu'en prenant sa défense, ils commettraient un « suicide politique », selon les mots d'Ahlem Belhaj. En effet, les modes d'action des Femen sont très impopulaires en Tunisie. Mais le maintien prolongé d'Amina en détention semble avoir libéré la parole.

Via: lemondedesreligions.fr


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