Amina, la Femen tunisienne, souffle sur les braises

Elle a passé deux mois et demi dans la prison pour femmes près de Sousse, pour « profanation de cimetière », un délit qui peut lui valoir deux ans ferme de prison. Libérée, elle n’en est pas pour autant quitte avec la justice tunisienne. Amina Sbouï doit en effet comparaître pour avoir peint, le 19 mai, le mot « Femen » sur le mur d’un cimetière de Kairouan. Elle voulait ainsi dénoncer un rassemblement salafiste interdit par les autorités.

Pas besoin de votre démocratie

Cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête n’a cependant pas fait plier la jeune lycéenne de 18 ans. La preuve, elle vient de mettre en ligne sa photo, cheveux de feu courts et bouclés, visage d’airain, aux lèvres une cigarette qu’elle allume à un cocktail Molotov. Et puis, Femen oblige, son torse nu barré d’un slogan en larges lettres noires « We dont need your democracy » (nous n’avons pas besoin de votre démocratie).

La demoiselle n’a pas froid aux yeux, c’est entendu. Et la photo qu’elle vient de poster sur le site de Femen, à peine deux semaines après avoir été libérée, montre bien qu’Amina Sbouï est plus déterminée que jamais à combattre, dit-elle, le modèle « prétendument démocratique » offert par le parti Ennahda en Tunisie.

Interrogée sur RFI, Amina a évoqué son séjour en prison et ses « relations difficiles avec les gardiennes, mais bonnes avec les autres détenues ». Il lui sera d’ailleurs reproché des faits d’outrages envers des gardiennes durant sa détention avant que la justice ne prononce finalement un non-lieu le 29 juillet sur cette plainte de même qu’elle a abandonné les poursuites pour outrage à la pudeur.

Inquiétée dans le passé par la mouvance islamiste radicale, Amina est encore loin de se sentir rassurée. « C’est impossible de faire tout ce que je veux en Tunisie, nous ne sommes pas encore sortis de la dictature, explique-t-elle en précisant qu’elle est menacée ». Elle évite donc de sortir seule et elle a renoncé à se déplacer la nuit. Ce qui est somme toute le sort de bien des femmes en Tunisie.

Première dans le monde arabe

C’est un féminisme politique « classique » qui a d’abord intéressé Amina Sbouï, mais, « suite aux actions agressives des salafistes », elle a ressenti la nécessité d’actions plus radicales, plus choquantes, raconte-t-elle en parlant sur RFI de son parcours. « Le mouvement Femen exprime bien ce que je veux faire, il lutte pour les droits des femmes et de tous sans frontières ». Pour elle, « l’homme arabe veut dominer, pour lui la femme est une Barbie, une marionnette »…

Quand elle s’insurge contre cette situation en publiant en mars des photos d’elle seins nus sur Internet, le scandale est énorme. Sa famille la récupère, l’isole, plus d’Internet, plus de portable. Elle sera ainsi enfermée trois semaines avant de parvenir à s’enfuir. Le 19 mai elle est arrêtée et incarcérée après son action au cimetière de Kairouan.

Sa mise en détention soulève une vague de protestation en Tunisie comme à l’étranger. En soutien à Amina et pour dénoncer les atteintes aux droits des femmes, trois Femen, deux Françaises et une Allemande, se rendent à Tunis fin mai pour y mener une action « seins nus », une première dans le monde arabe. Les trois militantes sont incarcérées illico ; elles resteront près d’un mois en prison pour être finalement expulsées après avoir été condamnées à de la prison avec sursis.

La date à laquelle Amina doit comparaître n’est pas encore fixée mais selon son avocat cela devrait être fin septembre ou début octobre. Me Halim Meddeb se réjouit que la jeune Femen soit jugée en état de liberté et il a bon espoir qu’un non-lieu soit prononcé, car dit-il, « les accusations n’ont rien à voir avec les faits ».