Après avoir comparu lundi, Amina, la jeune Femen tunisienne, est retournée en prison attendre son verdict prévu pour le 29 juillet. Alors que le pouvoir de transition s’enfonce dans la crise, que l’issue du travail de l’Assemblée constituante s’annonce incertaine et que les évènements d’Égypte rappellent la précarité des régimes postrévolutionnaires sectaires des “Frères musulmans”, le pouvoir tunisien affronte un adversaire qui s’avère d’une intraitable opiniâtreté et d’une imprévisible efficacité médiatique : Amina.
Un adversaire peut-être plus inquiétant que Tamarrod tunisien, cette “copie d'une chose étrangère à la Tunisie” dont le Premier ministre minimise l’impact. Pourtant, ce sont les dirigeants tunisiens qui aiment à rappeler leur rôle pionnier dans le “Printemps arabe”, un mouvement ainsi désigné parce qu’il est supposé englober l’ensemble du monde dit arabe ! Ce qui vaut dans un sens devrait donc valoir dans l’autre.
Les dirigeants de la transition en Tunisie estiment peut-être avoir le temps d’aller au bout de ce laborieux processus de rédaction de la future Constitution. Mais Amina, à travers les péripéties médiatico-judiciaires qu’elle impose à la scène politique tunisienne, constitue, à elle seule, une remise en cause du régime transitoire, amis tout de même islamiste, de Tunisie. En l’arrêtant, le 19 mai dernier, pour avoir taguée l’expression “Femen” sur le mur d’un cimetière, les autorités tunisiennes ignoraient sûrement qu’ils étaient en train d’offrir une tribune à la riposte féminine à l’offensive islamiste contre les droits de la femme tunisienne. Avant son procès du 22 juillet pour “outrage à agent et diffamation”, la jeune militante a envoyé, de prison, un message qui ne laisse aucune équivoque sur son engagement, son courage et sa lucidité : “Que je sois gardée en prison pour longtemps, cela ne m'importe pas. Je ne suis pas folle, je suis libre. Je suis derrière les barreaux, mais je me sens plus libre que beaucoup de gens qui sont à l'extérieur”, écrit-elle. Elle ajoutera cette sentence que la société politique et la société civile tunisiennes ne manqueront sûrement pas de méditer : “être derrière les barreaux n'est pas plus dur que d'être à l’extérieur à regarder la dictature religieuse s'emparer de la Tunisie.” Oui, la liberté emprisonnée vaut bien mieux que la lâcheté laissée en liberté.
La spontanéité militante de la jeune fille contraste, par exemple, avec le flegme démissionnaire du président “de gauche” et, naturellement, laïque et moderniste de Tunisie. Comme pour donner des gages à ses partenaires islamistes, le parti de Moncef Marzouki s’est empressé de condamner le “coup d’État” contre le président Morsi, en Égypte. Mais pendant que Marzouki se délecte de sa condition de bey, les islamistes dépouillent méthodiquement les Tunisiens - et les Tunisiennes, en particulier - des libertés pour lesquelles ils et elles se sont soulevés.
Amina a été rejugée parce qu’elle a dénoncé la maltraitance d’une codétenue et la pratique de la torture sur les détenues en Tunisie. L’incarcération semble révéler en elle des ressources supplémentaires pour un engagement qui dépasse le seul thème féministe.
Quand on connaît la capacité des forces islamistes à distiller la terreur dans les sociétés dont elles s’emparent, le courage et la lucidité en font déjà une authentique héroïne.
Par : Mustapha Hammouche
M. H.
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