C. Boutin ne veut pas lécher le dos d’une Femen

 C  Boutin ne veut pas lécher le dos dune FemenParce que le graphiste créateur du tout nouveau timbre prioritaire de La Poste a déclaré s'être inspiré d'une Femen, Inna Shevchenko, pour réaliser sa vignette, Christine Boutin s'insurge car, selon elle « vraiment ce Hollande nous aura tout fait ». Ce serait dérisoire si le Parti Chrétien-Démocrate (PCD) n'appelait pas au boycott de la nouvelle émission.

Eh, les traditions se perdent, avant, on ne boycottait pas, mais on timbrait Marianne la tête en bas, afin d'appeler à renverser la République ! Bande de timorés, va…

Franchement farce. Si la Marianne du timbre prioritaire (le plus cher pour affranchir un pli de 20 g) et des deux autres, ressemble, selon son créateur, Olivier Ciappa, à Inna Shevchenko, fondatrice des Femen, cela ne saute guère aux yeux. D'abord parce que, soit elle porte la poitrine bien basse, soit elle a été mal cadrée. Ensuite parce qu'elle m'évoque davantage un personnage de BD, pas forcément érotique, et qu'au final je m'en fous. Moi aussi, je boycotte, n'employant que des timbres gris, les Écoplis, 'hachement moins chers (et pour payer des factures, nul besoin de s'empresser). Il m'en reste d'ailleurs des verts, achetés en nombre avant je ne sais plus quelle augmentation antérieure.

Mais d'un boycotteur à d'autres, je signale que la tradition royaliste était de coller la Marianne des PTT (Postes-télégraphe-téléphone), des postes, et non de La Poste, la tête en bas. Histoire d'inciter à renverser la République française (dont les initiales, RF, ont disparu sur ce nouveau timbre ; vraiment, tout fout le camp).

Or donc, Christine Boutin, qui n'aurait sans doute pas rechigné à poser le poitrail largement offert aux regards s'il lui avait été proposé de servir de modèle, pour un timbre ou une Marianne municipale, s'insurge publiquement. Après sa sortie sur Angeline Jolie, on ne la tient plus…

Mieux, le PCD, la formation dont elle fut fondatrice et qu'elle délaisse pour le Printemps pour tous (et tenter de se recaser à Strasbourg, aux frais des contribuables) lance un appel au boycott de ce qui serait, sans rire, « un outrage à la dignité de la femme, à la souveraineté de la France ». Rien que ça, et les veilleuses et veilleurs sont priés de cerner les bureaux de poste pour exiger le « retrait du timbre de l'outrage ».

Pour sa part, Inna Shevchenko a estimé que le portrait lui ressemblait en effet et qu'à présent les homophobes, extrémistes et fascistes devront « lui lécher le cul » pour affranchir. Élégant.

Sollicité, François Hollande a cru bon de voir dans le nouveau graphisme le symbole d'une France déterminée, volontaire (ce ne serait pas redondant, cela ?) qui « voit loin » et construit son propre avenir. Attendez, mais elle ne tournerait pas son regard vers la droite, la Marianne de La Poste ? Je me trompe, ou cela échappa à la vigilance de Tierweiller (si tant est qu'elle relit tout ce qu'on fait dire à son compagnon) ?

L'ancienne Marianne (enfin, la précédente) était rose, celle-ci est d'un rouge plus soutenu, c'est bien la preuve que les sociobolchéviks ont infiltré l'Élysée, Matignon, et poursuivent leur politique soixante-huitarde aussi impie qu'insidieuse.

Perso, je trouve que la Marianne de 2005, celle de Thierry Lamouche, avait un petit air coquin, voire libertin, mais cela n'avait pas émoustillé le PCD. 

Olivier Ciappa, coauteur des nouvelles versions (verte et rouge et orange), avec David Kawena, s'était auparavant illustré en exposant des photos de « couples (homos) imaginaires » à la mairie du troisième arrondissement de Paris, s'attirant une descente de vandales.

Mathieu Sicard, de Le Plus (.fr), remémore au PCD et à Boutin que le timbre a été choisi par des lycéennes et lycéens (un millier, semble-t-il). Peut-être, croit-il, davantage du fait de son inspiration vaguement manga que selon d'autres critères. 

Bon, je comprends l'ire du PCD. Le bonnet phrygien ne couvre guère son abondante chevelure et ce n'est pas ainsi qu'on se rend, telle une fille « en cheveux », à la grand' messe. En sus, on peut se demander si le pouce ne dissimule pas une pomme d'Adam androgyne. Marianne serait-elle un·e trans' ? De quoi faire entrer Christine Boutin en transe, c'est concevable. Mais le 1,50 FRF d'Edmond Dulac, celui de 1945, présentait un profil nettement plus masculin, pas vraiment papa, pas vraiment maman.

Quant la nouvelle série a été officiellement présentée, les auteurs ont plutôt évoqué tout autre chose que les Femen : « nous avons voulu lui donner un côté international et intemporel, en
mélangeant les mains réalistes et gracieuses spécifiques à la
Renaissance, les yeux qui sont un mélange du réalisme de la bande
dessinée française d’aujourd’hui, du manga asiatique des années 1980 et de
l’animation américaine des années 1950
… ». Ketchup, tofu-soja, ligne claire belge, et légère pixellisation pour la version orange, celle de la « lettre en ligne ». Quel mélange !

Et si, à présent, David Kawena évoquait une Pussy Riot, aurions-nous droit aux protestations de Poutine, au rappel de l'ambassadeur russe ?

 C  Boutin ne veut pas lécher le dos dune FemenMais parlons plutôt politique, et même politique tarifaire. Vous savez ce qu'est une « lettre en ligne » ? Je vous donne la réponse. C'est un truc à 0,99 euros l'unité (rien que cela) si l'on en croit la réclame de La Poste sur son site « La Boutique du courrier ». En fait, l'affranchissement est à 0,63 euro, mais comme vous expédiez le texte à La Poste depuis votre ordinateur et que la compagnie charge 0,36 euro pour un simple recto en noir et blanc (en couleur, c'est plus cher, nettement), davantage selon le nombre de pages (jusqu'à huit), cela peut revenir à 5,42 euros si vous expédiez huit pages recto-verso hors d'Europe ou de Suisse.

Attendez, ce n'est pas tout, vous devez créer un compte avec une adresse laposte.net si vous ne faites pas gaffe. Ce n'est pas vraiment de la vente forcée, mais… C'est en tout cas intéressant pour envoyer une recommandée sans avoir à poireauter dans une file d'attente... Ou poster en France depuis l'étranger (ce sera peut-être moins cher, et surtout plus rapide).

Mais n'est-ce point le but ? Soit supprimer des bureaux de poste ? Cela intéresse moins Christine Boutin et le PCD… sauf en campagne électorale, dans la France rurale, sans doute.

Christine Boutin se présentera sur une liste électorale de défense de la famille et des valeurs morales et il faut bien qu'elle fasse parler d'elle, à la manière d'une quelconque starlette. Patrick Louis, du Mouvement populaire français (lancé par Philippe de Villiers), sollicité, a vite compris et dénoncé une « récupération politique » et une initiative destinée surtout à faire mousser la tête de liste. Elle souhaite un retour « à la civilisation » d'avant. D'avant quoi ? D'avant trente ans (« nous ne voulons pas de la civilisation qu'on nous a construit depuis trente ans ». Cela ne nous ramènerait-il pas à… 1983 ? L'année glorieuse de Margaret Tchatcher se rendant aux Malouines et fustigeant la Politique agricole commune ? D'Augusto Pinochet au Chili ? Ou celle des manifestations pacifistes en Allemagne de l'Ouest, de la proclamation de la République (turcophone) de Chypre du Nord ? L'année de Tchao Pantin, avec Coluche, ou celle du Retour du Jedi ? De Spinoza encule Hegel (de J.-B. Pouy) ? D'État d'urgence, de Bernard Lavilliers ?

C'est le genre de phrase passe-partout qui s'assimile bien (c'était mieux avant…), qui veut dire ce qu'on veut bien entendre (ou pas), n'engage surtout à strictement rien. 

L'avant-dernière « saillie » (verbale) de Ch. Boutin, c'était d'appeler, à Fréjus, dimanche 7 juillet, à donner non pas pour l'UMP, mais Nicolas Sarkozy. Munie d'un tronc, elle organisait une quête sur un parvis d'église. Elle qui avait réclamé 120 000 euros à l'UMP pour solde de tout compte après son retrait en faveur de Nicolas Sarkozy (et avoir touché trois fois 60 000 euros de l'UMP). On ne sait pas quel cachet elle a pu obtenir de l'UMP locale pour sa prestation à Fréjus.

Vous allez voir : d'ici peu, elle va demander à ses partisans d'aller acheter les timbres outrageants pour les lui expédier… et elle règlera ses fournisseurs en timbres… Ah, ce ne sera pas elle qui les propagera… ce sera son mécréant d'épicier, de charcutier.

Le plus foldingue, c'est d'avoir véhiculé l'idée que le feu d'artifice parisien du 14 juillet était inspiré par les couleurs du drapeau arc-en-ciel « gay », tout comme la déco lumineuse de la tour Eiffel. Il faut (nous sommes sommés de…) croire que le vice se niche décidément partout. Les mêmes viennent ensuite crier qu'on distrait la France et les électrices et électeurs des vrais problèmes, comme l'emploi, le pouvoir d'achat (des cadres sup', des commerçants et patrons, surtout), et bien sûr la fluidité de la circulation automobile.
Bientôt Paris Plage sera dénoncé comme une incitation à ce que les femmes s'exhibent les seins nus (tandis qu'à Nice ou Cannes, là, ah, comme à Saint-Tropez, c'est forcément de bon ton, bon chic). Envahissez la berge de la Seine (mais attention, pas de bras nus, jupes longues, mesdames) pour y traquer le stupre et la fornication, en bouter les inverti·e·s aux confins du Marais.

Histoire d'embrayer, Florian Philippot, du FN, s'est aussi fendu d'un tweet : le timbre lui paraît être agréable et « une belle réussite ». Mais enfin, que ce soit Mélenchon ou Collard, Fillon ou Copé, Untelle et Machin, qui apprécient ou pas ce timbre, ou Lady Gaga et Justin Bieber pour ou contre, quelle importance ? Il semble que le « débat » politique soit de plus en plus infantilisant, hors de propos. C'est à se demander si l'étape suivante ne sera pas, pour Christine Boutin, de lancer une eau de toilette à l'eau bénite (le flacon ne sera pas conçu par Jean-Paul Gauthier).

Tout cela serait insignifiant, totalement, si ce n'était pas si répétitif, orchestré. Boutin ou Nabilla, même produit, même mercatique. Allô, allô, mais, vous me recevez, vous avez vu ce timbre, c'est-y pas not' bon Jésus possible ?

Christine Boutin n'est pas tout à fait timbrée, pourtant. Elle cherche juste à se faire estampiller. Admettons-le, c'est réussi… il se trouvera bien des gens pour l'envoyer, à nos frais, au parlement européen. Et le problème, c'est qu'on ne sait à quel expéditeur la renvoyer. Mais l'envie de lui déclarer « La France, on l'aime ou on la quitte » peut démanger.


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