"C'est super ce que vous faites, mais j'ai peur pour vous. C'est tellement dangereux" a dit une femme de 50 ans pendant les débats à propos de FEMEN au festival Clair de Luttes dans le Larzac.
Comme d'habitude en répondant, j'ai joué les héroïnes, disant qu'avoir peur n'était pas un choix personnel, et que nous FEMEN, nous choisissons de nous battre plutôt que d'avoir peur.
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Après j'ai quand même admis que c'est effrayant parfois, comme quand des inconnus brûlent votre chambre au cours de la nuit, ou quand des psychopathes vous cherchent dans les rues avec un couteau. Recevoir des menaces d'attaques à l'acide est aussi effrayant... Mais il est pire d'accepter ce que le système fait de tous, c'est pourquoi nous n'acceptons pas d'avoir peur. Et encore moins que qui que ce soit contrôle nos actes.
Les débats furent longs et intenses: les Français qui étaient présents avaient tous entendu des rumeurs sur le mouvement venant de l'extrême droite ou de la frange religieuse de la France, et étaient surpris d'entendre, directement de notre voix, ce qu'il y a vraiment derrière nos actions. La fin du débat a laissé place à une standing ovation. Dans de tels moments, quand tu arrives à convaincre les gens de l'utilité de ton combat, tu ne sens presque plus la peur.
Après l'événement, je suis restée à l'emplacement du festival, une vieille ferme transformée en lieu de rencontres et de divertissements. Au milieu de la nuit, quelqu'un a frappé à la porte de la chambre où je dormais. C'était un organisateur du festival et le propriétaire de la ferme.
"Je dois vous parler, Inna" a-t-il dit, l'air perturbé. Il venait d'avoir la visite d'un inconnu qui est soudainement arrivé alors que les derniers invités venaient de partir. C'était un homme de 40-45 ans, venu en Peugeot noire. L'inconnu a demandé si l'événement autour de FEMEN avait lieu ici. L'organisateur a répondu que tout était déjà terminé. L'inconnu a alors demandé à l'organisateur d'avoir une conversation à l'intérieur de sa Peugeot. Le propriétaire de la voiture raconte être un agent de la DGSE qui s'occupe de ma sécurité. Evidemment il a refusé de montrer un quelconque document. Il demandait à me voir pour me parler du danger autour de nos activités.
Il disait que Poutine était dangereux et que nous devrions arrêter de jouer et de déblatérer des choses qui n'avaient pas de sens pendant quelques minutes.
Très étonné, si ce n'est pas effrayé, le propriétaire a continué à affirmer que tout était fini et que tout le monde était parti.
"L'agent" a fini par partir et le propriétaire est venu me raconter cette histoire dans ma chambre. Ce n'est pas la première fois que les personnes qui sont reliées à FEMEN, de près ou de loin, reçoivent de telles visites, qui font à la fois peur et éloignent certains de nos soutiens qui ne veulent plus être connectés à FEMEN. A leur place je ferais pareil. De cette même façon, un éditeur français a subitement arrêté un projet de livre que j'écrivais sur la religion alors que nous avions signé un contrat et étions déjà bien avancés...
Est-ce que cet homme était un agent ou un psychopathe? Bien sûr, il est possible que ce soit l'un ou l'autre. Qui qu'il soit, porter plainte à la police n'aurait servi à rien. Comme on nous cache toujours les résultats de l'enquête concernant l'incendie de notre ancien QG. Ou comme la police refuse toujours de voir un lien entre FEMEN et le cinglé qui nous a cherché pendant 4 jours dans le quartier du Lavoir Moderne Parisien avant de poignarder plusieurs personnes dans le théâtre, même si des dizaines de témoins racontaient que l'agresseur nous cherchait en nous appelant par nos prénoms.
Je ne suis pas une criminelle, aucune des activistes FEMEN ne l'est. Je suis une activiste politique ambitieuse, comme toutes les membres de FEMEN. Je ne vais pas arrêter mes activités face à la pression, tout comme FEMEN ne sera jamais vaincu. Même si nos soutiens d'aujourd'hui finissent parfois par céder à la peur, nous aurons beaucoup de nouvelles recrues pour marcher à nos côtés.
Je souhaite juste qu'on arrête cette hypocrisie en France, où l'on préfère cacher le danger et le problème de sécurité autour des FEMEN et de tous les autres activistes politiques, plutôt que de le reconnaître et de l'examiner comme une succession de crimes ou de tentatives de crimes pour des raisons idéologiques.
En ce qui me concerne, je vais attendre qu'un agent de la DGSE fasse une nouvelle tentative pour me rencontrer. Peut être qu'il est beau et intelligent et qu'il va changer mon destin...
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