Hier, dimanche 18 novembre, les militantes du Femen ont été prises à partie lors de la manifestation contre le mariage et l'adoption aux homosexuels, organisée à Paris par l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes.
Alors qu'elles défilaient pacifiquement, aux cris de "in Gay we trust", elles ont été Insultées et et violemment frappées par des manifestants. Plusieurs journalistes et photographes, parmi lesquels la journaliste Caroline Fourest, ont aussi été agressés. Aux caméras du Parisien présentes sur l'évènement, Inna Schevechenko confiait :
"Si nous ne nous attendions pas à une attaque aussi soudaine, nous étions préparées à l'éventualité d'être frappées, car nous savons de quoi ces gens sont capables (...), maintenant, tout le monde peut voir qui ils sont".
La militante ukrainienne Inna Shevchenko représentante des Femen en France raconte au quotidien 20 Minutes: "Ils m'ont jetée par terre et m'ont littéralement sauté dessus, raconte la représentante des Femen en France. Ils m'ont cassé des dents, et d'autres filles avaient la bouche ou le visage en sang".
Le gouvernement, via sa porte parole et ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a condamné ces violences. Selon Caroline Fourest, les agresseurs ont juré d'aller se venger au centre des Femen, dont ils ont crié l'adresse.
Un quartier général où nous les avons rencontrées quelques jours avant cette agression.
Happening, poitrines dénudées et slogans chocs: on ne présente plus les Femen. Leur recette activiste a gagné les faveurs des médias. D'abord ukrainien à sa création en 2008, le jeune mouvement féministe a rapidement essaimé en Europe et au-delà: Suisse, Italie, Angleterre, Brésil, Tunisie… Il a désormais une dizaine de sections nationales et n'entend pas en rester là.
En septembre dernier, leur "camp d'entrainement" a été ouvert à Paris par des militantes Ukrainiennes. L'objectif: former une "légion française contre le patriarcat".
Chaque samedi depuis deux mois, le "Lavoir Moderne" se transforme ainsi en camp retranché Femen. Ce théâtre à la survie fragile du quartier de la Goutte d'or (18ème) accueille gracieusement l'antenne française du mouvement. Là, des militantes ukrainiennes (Inna Shevchenko, Sacha Chevtchenko et Oksana Chatchko, avec la bénédiction de Anna Hutsol, fondatrice et tête pensante du mouvement) ont été rejointes par des Françaises.
Contre la religion et l'industrie du sexe
Quinze à vingt femmes participent chaque semaine aux entrainements. Comment porter la voix pour se faire entendre, comment résister, comment agir en groupe : les exercices sont sportifs, psychologiques, théoriques.
Avant chaque action, comme celle menée le 15 octobre contre le verdict dans l'affaire des viols collectifs à Clichy sous-bois, un travail spécifique est mené.
Se réapproprier son corps, en faire une arme contre le patriarcat: voilà le principe d'action de ces militantes qui descendent dans la rue, dénudées, pour faire entendre leur cause. Si leur combat est global ("Les femens sont humanistes" rappelle Inna), leur lutte porte sur trois axes forts: la religion (pour ses valeurs misogynes), l'industrie du sexe et la dictature.
"Nous avions ce rêve de créer un centre ici, à Paris" dit Inna Shevchenko.
Fin août, j'ai du fuir mon pays, l'Ukraine, où je suis menacée de prison (suite à une action de soutien aux Pussy Riot), et cela a précipité ce projet. Nous avons reçu ici de nombreux appuis, dont celui du Lavoir Moderne."
Mais si la jeune femme rend hommage à la France, "pays européen le plus féministe" et à son militantisme des années 60 et 70, elle juge que le "combat traditionnel est en sommeil."
Si des acquis sont là, le combat n'est pas gagné pour autant! Nous, Ukrainiennes, n'avons pas tous ces acquis. C'est peut-être de là que nous vient notre agressivité."
Une agressivité qui paye. Car si le féminisme made in France est bien là, représenté, au côté des rassemblements historiques tels que le Mouvement de libération des femmes (MLF), par de nombreuses associations récentes ("Ni putes ni soumises" depuis 2003, "La Barbe" depuis 2008, "Osez le féminisme" depuis 2009…), il pêche aujourd'hui à se faire connaître et à convaincre, surtout chez les plus jeunes.
Le féminisme redevient populaire
Marguerite, militante de 22 ans, étudiante en arts plastiques, a rejoint les Femen depuis un mois. Ras le bol des discriminations et volonté d'être dans l'action.
Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans tous les lieux de pouvoir, pourquoi n'a t-on jamais élu une présidente de la République? On ne parle pas assez de la question du sexisme. Pourtant le problème est bien réel : les statistiques de l'INSEE sont édifiantes !"
La jeune femme a découvert l'action des Femen grâce à leur médiatisation. Avant cela, confie t-elle, elle n'avait pas entendu parler d'associations féministes telles que La Barbe ou Osez le féminisme.
"Pourquoi les Femen plutôt que d'autres organisations féministes, pourquoi ne vous êtes vous pas engagées plus tôt?" s'est étonnée Inna auprès des nouvelles militantes. La plupart se sont dites séduites par la jeunesse du mouvement, la modernité de son action.
Avec les Femen, le féminisme redevient populaire auprès des jeunes...c'est du pop-féminisme! "
s'enthousiasme la jeune Ukrainienne.
Du succès et de la justesse de sa méthode activiste, elle ne semble pas douter, et l'écho médiatique des actions menées est loin de la contredire.
La guerre contre le patriarcat que nous menons passe par une guerre de l'information: nos actions sont chocs et provocs, parce que nous voulons être entendues et nous savons ce qui attire les medias!"
Il peut sembler paradoxal qu'aujourd'hui, en France, l'une des formes les plus médiatisées du féminisme vienne d'un ex-Etat soviétique, où la tradition féministe est quasi inexistante. Peut-être, la confrontation aux discriminations criantes ravive-t-elle la nécessité et l'urgence du combat ?
"En Europe, les femmes sont oppressées du Moyen-Orient à l'Europe occidentale" rappelle Inna.
En France, le sexisme est moins évident qu'en Ukraine, mais il est surtout plus dissimulé. La lutte concerne le monde entier."
De fait, les Femen souhaitent poursuivre la construction à l'international de leur mouvement.
Nous n'imaginions pas cela au début, mais cette expansion s'est faite d'elle-même: des femmes de tous pays nous ont contactées, souhaitant rejoindre les Femen et agir dans leur pays."
Après le centre d'entrainement créé à Paris qui se veut le "centre d'Europe", le mouvement ambitionne de créer d'autres camps en Amérique latine et aux Etats-Unis. Et de diffuser sa méthode d'action.
D'aucuns reprochent à celle-ci de participer à consolider, par la mise à nue, les principes sexistes que les Femen entendent dénoncer? Inna Shevchenko, le regard droit, balaye l'argument avec assurance:
Combien de temps faudra t-il à la société pour comprendre que le corps de la femme ne fait pas référence qu'au sexe, à l'argent, au plaisir? Aujourd'hui, enfin, le corps des femmes revient à ses légitimes propriétaires: il permet à chacune de lutter pour soi-même."
Crédit photos: Antoine Prévost (Entrainement des Femen au Lavoir Moderne, samedi 17 novembre)
Via: fr.myeurop.info
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