Dieudonné, Femen, les limites de la liberté d’expression

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On a beaucoup parlé ces derniers temps, du spectacle de Dieudonné, qui s’est trouvé interdit sur injonction de Manuel Valls. Des critiques ont été formulées concernant cette interdiction et j’entends ici revenir sur ces critiques.

Des gens ont invoqué la liberté de parole et le fait que celle-ci se trouvait violée par l’interdiction. Cette critique me semble infondée. Le spectacle en question excédait la liberté de parole, puisqu’il incluait des incitations à la haine et au meurtre. Toute liberté a des limites, et nulle société, même la plus libérale, ne peut exister dans une liberté sans limites. Le débat d’idées cesse quand vient ce qui peut conduire à la violence, et y conduit parfois. Des incitations à la haine et au meurtre, telles celles incluses dans le spectacle interdit, ont conduit à des agressions antisémites nombreuses au cours de ces dernières années, et à des meurtres, tels ceux commis par Mohamed Merah voici moins de deux ans.

Des gens ont dit qu’ils voyaient dans l’interdiction un dangereux précédent. D’autres interdictions pourraient suivre et avoir un spectre plus large ont-ils ajouté. Cette critique me semble davantage fondée. Les lois françaises existantes permettent, de fait, de limiter très gravement la liberté de parole, et elles ont servi déjà depuis des années à limiter la liberté de parole, dans des cas où il n’y avait aucune incitation à la haine et au meurtre. Elles peuvent aisément servir à nouveau.

Des gens ont évoqué, enfin, une inéquitabilité sélective. Le spectacle de Dieudonné a été interdit, ont-ils dit, mais les violences prédatrices de groupes, tels que les Femen ne l’ont pas été. Cette critique est, elle aussi, très fondée. Les Femen ne donnent pas de spectacle, mais recourent à la violence et à l’obscénité. Les lois françaises permettraient de condamner ces recours à la violence et à l’obscénité et elles ne sont pas appliquées.

Un climat malsain en France et un flou conceptuel

Ce qui s’est trouvé révélé ainsi a été tout à la fois l’existence d’un climat malsain en France et d’un flou conceptuel. Que certains ne perçoivent pas la gravité d’incitations à la haine et au meurtre et qu’ils puissent considérer que la liberté de parole peut aller jusqu’à des incitations à la haine et au meurtre est préoccupant. Qu’il ne soit pas compris que la défense de la liberté a des limites, montre un déficit de réflexion grave, dont le pendant symétrique est, précisément, les lois liberticides en vigueur. La propension de certains à justifier l’injustifiable peut se trouver utilisée par d’autres pour délégitimer la défense de la liberté. Et c’est ce qui se passe. Dès lors que la défense de la liberté est délégitimée – et elle l’est –, on peut entrer aisément dans l’arbitraire – et on y entre.

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Un travail des idées serait nécessaire, et sans doute urgent, aux fins de mettre en place des règles de droit dignes de ce nom, claires, nettes et précises. La France souffre de l’absence d’un texte fondateur tel que la Déclaration des droits anglaise ou américaine : seul un texte de ce genre permettrait ce qui devrait être fait, à savoir refonder le droit et, par là même, refonder la liberté.

Je citais récemment un livre que j’avais publié avec des amis avocats voici quelques années, appelé « Avancer vers l’État de droit* ». J’y disais que la France n’était pas un État de droit, et que l’urgence était de fonder un État de droit. Je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire. La France reste une société de non-droit. Elle n’a jamais trouvé d’équilibre entre les forces de déliquescence qui n’ont cessé de la traverser depuis plus de deux siècles, et les forces de la remise en ordre. Elle est traversée présentement, à l’évidence, par des forces de déliquescence, dont le spectacle interdit de Dieudonné fait partie, tout comme les actions des Femen, mais la justification ici ou là de l’injustifiable en fait aussi partie (qui peut ne pas voir où conduisent les incitations à la haine et au meurtre, quelles qu’elles soient ?), l’arbitraire et l’inéquitabilité sélective en font eux aussi partie.

Une remise en ordre suivra-t-elle la déliquescence ? Nul ne le sait. Mais cette remise en ordre éventuelle ne fera que préparer d’autres phases de déliquescence, tant qu’il n’y aura pas d’État de droit.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour les4vérités.com

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