Vendredi 12 juin, Dominique Strauss-Kahn a donc été relaxé par le tribunal correctionnel de Lille dans l’affaire de proxénétisme du Carlton. En décembre 2015 aura lieu, à nouveau à Lille, un autre procès, celui d’Elvire Duvelle, Lara Alcazar et Esther Delamare, membres de l’association des Femen, pour exhibition sexuelle, parce qu’elles ont manifesté, torse nu, devant la voiture de DSK au moment de son procès. Si elles sont condamnées, les trois militantes seront qualifiées de délinquantes sexuelles. Cette condamnation, dans le Code pénal, relève des agressions sexuelles et implique des restrictions telles que l’interdiction de se trouver à proximité d’écoles ou en présence d’enfants.
Quand des hommes prennent la même initiative, ils ne peuvent pas être condamnés, simplement parce que le droit ne prévoit pas que le dénudement de leur torse constitue une agression sexuelle. En cela, le Code pénal traite inégalement les hommes et les femmes, en prêtant aux torses des femmes une dimension nécessairement sexuelle. Or la démarche de ces militantes est une démarche politique. Elles disent leur contestation d’un monde où les femmes sont presque partout en situation de dominées par rapport aux hommes, où elles sont régulièrement traitées comme des objets dans la réalité ou les représentations. On peut naturellement débattre des causes que ces militantes défendent, ou des modalités qu’elles ont choisies pour le faire. On peut même juger que leur militantisme est contre-productif et dessert la cause des femmes qu’elles prétendent porter. Il n’en reste pas moins que les femmes ne disposent pas des mêmes droits que les hommes en matière de nudité politique.
Souvent évoqué, l’argument de la pudeur ou de l’outrance pose problème lorsque l’on considère la régularité avec laquelle la publicité recourt à la nudité des femmes à des fins commerciales. Les différents supports utilisés occupent aussi bien l’espace public que les canaux télévisés à des heures de grande écoute. À la différence des militantes Femen, nombre de messages publicitaires jouent explicitement le registre sexuel, sans être condamnés.
Je n’insisterai pas sur l’ironie qu’il y a à ce que trois jeunes femmes qui militent contre la prostitution soient poursuivies pour exhibition sexuelle pour avoir manifesté torse nu au procès de Dominique Strauss-Kahn, qui lui-même est acquitté. On peut néanmoins, au minimum, s’interroger sur l’opportunité de cette condamnation, si elle avait lieu, dans le pays des droits de l’Homme (au sens de droits humains), à moins que la France ne soit que le pays des droits de l’homme.
Barbara Romagnan
Chronique publiée dans L’Humanité le 22 juin 2015
Via: blogs.mediapart.fr
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