« Dualité entre féminisme et masculinité » – Lesoir

La vague FEMEN a atteint les pays arabes depuis quelques semaines. Contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, au Maroc, aucune FEMEN n’a encore révélé son identité mais déjà, un appel à une marche anti-FEMEN a été lancé sur le net. La marche est prévue ce dimanche en jellaba et avec un petit voile couvrant le bas du visage. Dans cet entretien, le politologue et professeur en gender studies, Jean Zaganiaris, met en lumière les différents courants du féminisme.

Feministe:femme islamic contre femme europeenne

les droits de la femme au maroc

 

Un appel à une marche anti-FEMEN est lancé sur internet. Les femmes sont appelées à manifester en jellaba et avec un petit voile couvrant le bas du visage. Peut-on les considérer comme féministes également ?
En fait, la première chose à faire est de se demander si ces femmes qui vont défiler ainsi se définissent comme « féministes ». Est-ce qu’elles agissent d’elles-mêmes, de façon autonome ou bien sont-elles un outil de communication utilisé par des hommes ? Quel est l’objectif en arrière plan. On peut se demander également si ce type de réponse est adéquat. Est-ce que cette image homogène et uniforme résume à elle seule la diversité des féminités du monde arabe ? Je ne crois pas. On ne peut pas opposer un « corps dénudé occidental » avec un « corps voilé oriental » sans verser dans la caricature. On regarde toujours ce qui différencie les «Occidentaux » et les « Orientaux » mais jamais ce qui réunit les femmes des deux rives. Chaque espace géographique comporte des corps hétérogènement vêtus ou dévêtus…

Jean-ZaganiarisD’un côté nous avons des féministes nudistes et de l’autre des féministes voilées ou conservatrices. Ce sont là deux extrêmes du féminisme. Comment expliquer cela ? Y a-t-il une quelconque contradiction entre ces deux mouvements qui tous deux se définissent comme féministes ?
Le féminisme a plusieurs visages. Il y a des féminismes progressistes, voire radicaux, et des féminismes conservateurs. Il y a aussi tout un ensemble d’entre deux. Je ne placerai pas les FEMEN parmi celles que vous appelez les « féministes nudistes ». Elles apparaissent souvent les seins nus et tiennent des positions très morales à l’égard de la pornographie ou de la prostitution. Alia El Mahdi, la blogueuse égyptienne, s’affiche entièrement nue dans ses apparitions publiques. Jasmine Arabia, actrice maghrébine jouant dans des films X, tient une posture féministe pro-sexe et critique les normativismes islamiques oppressifs à l’égard des femmes. A côte de cela, des féministes pro-sexe telles que celles de « Pornoterrorismo », beaucoup plus radicales que les FEMEN dans l’exhibition publique de la nudité, ne stigmatisent pas les femmes musulmanes voilées en insultant leur religion. En même temps, dans une autre perspective, vous pouvez avoir des féministes islamiques comme Amina Wadud, qui soutiennent les homosexuels dans le monde arabe. Mais elles sont rares. Précisons également que la radicalité du féminisme ne passe pas forcément par le dévoilement du corps. C’est aussi la force des messages. La subversion de la domination masculine par des pratiques discursives peut aussi avoir des effets redoutables. Ecrire sur la sexualité en tant qu’écrivaine marocaine peut être un acte féministe extrêmement subversif, comme le montre des textes de Ghita El Khayat ou Siham Benchekroun.

Dans ce cas, comment définir le féminisme ? Quels critères retenir pour déterminer la nature d’un mouvement féministe?
Le féminisme pense que les rapports sociaux entre les femmes et les hommes sont inégalitaires et qu’il est important de lutter pour la reconnaissance. Le féminisme met en place des stratégies d’émancipation, en tenant compte de la complexité des rapports de force et les processus de socialisation ou d’incorporation du féminin et du masculin au sein de la société.De nombreuses pratiques sociales, à commencer par les produits culturels ou bien les contenus des enseignements scolaires, sont le fruit d’une construction socio-historique dont il s’agit de retracer le processus pour mieux en souligner le sens et parfois l’arbitraire. C’est là que des savoirs consacrant la masculinité comme « hégémonique » – pour reprendre l’expression de Gianfranco Rebuccini – se construisent. Etre féministe, c’est refuser cette domination structurelle de la masculinité. La difficulté des femmes à accéder au suffrage ou à l’éligibilité, à avoir les mêmes salaires que les hommes en faisant des tâches équivalentes, à être maîtresses de leur sexualité et de décider si elles souhaitent arriver vierges au mariage, à pouvoir pratiquer leur religion comme elles l’entendent, y compris en étant très pieuses au sein d’un pays étranger, démontre là encore la part d’arbitraire fortement ancrée au sein de nos pratiques sociales du quotidien. Etre féministe, c’est refuser les injonctions normatives imposées par les masculinités dominantes et être autonome dans ses choix et ses modes de vie.

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Via: lesoir-echos.com


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The mission of the "FEMEN" movement is to create the most favourable conditions for the young women to join up into a social group with the general idea of the mutual support and social responsibility, helping to reveal the talents of each member of the movement.

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