En Tunisie, la crainte d’une condamnation "pour l’exemple" de …

Les trois militantes de Femen protestent, le 29 mai devant le ministère de la justice à Tunis, contre l'arrestation d'Amina Sbouï.

En publiant en mars sur sa page Facebook des photos d'elle seins nus portant l'inscription "Mon corps m'appartient, il ne représente l'honneur de personne", Amina "Tyler" avait choqué la Tunisie. Et s'était attiré les foudres d'islamistes outrés par l'importation de cette "subversion" inspirée du groupe "sextrémiste" Femen. Mais ce qui n'était alors qu'un scandale médiatique, centré sur cette jeune fille de 18 ans, commodément présentée comme "dépressive" par les psychiatres sollicités par sa famille, est depuis devenu l'"affaire Amina".

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Amina Sbouï, de son vrai nom, a été condamnée, jeudi 30 mai, à 300 dinars (140 euros) d'amende pour avoir été en possession d'un aérosol lacrymogène lors de son arrestation à Kairouan, le 19 mai. La jeune militante venait de peindre le mot "Femen" sur un muret du cimetière de la grande mosquée de cette ville sainte du centre de la Tunisie pour protester contre la tenue du congrès du mouvement salafiste Ansar Al-Charia. "Tempête dans un verre d'eau" pour les uns, le procès d'Amina a pourtant rassemblé devant les portes du tribunal un grand nombre de citoyens indignés et de partisans d'Ansar Al-Charia, venus réclamer sa condamnation à mort pour atteinte aux préceptes de l'islam.

L'affaire ne devrait pas en rester là. Amina Sbouï a été maintenue en détention dans la prison de Sousse, dans le cadre d'une enquête pour "atteinte aux bonnes mœurs" et "profanation de cimetière", des délits passibles respectivement de six mois et deux ans de détention. Le juge d'instruction, qui a prévu de l'auditionner le 5 juin, n'exclut pas de la poursuivre également pour "association de malfaiteurs".

LE GOUVERNEMENT EST INCAPABLE DE "JUGER LES VRAIS CRIMES" 

Des policiers tunisiens interpellent une militante Femen, le 29 mai à Tunis, lors d'un rassemblement de soutien à Amina Sbouï devant le ministère de la justice.

Des chefs d'inculpation que son avocat, MeSouheib Bahri, juge dénués de fondement. "Sa mise en examen n'est pas justifiée. C'est une affaire très politisée et médiatisée. Le gouvernement joue sur la corde morale et religieuse pour masquer son incapacité à juger les vrais crimes", commente-t-il. Une analyse que partage la présidente d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen, qui juge "ridicules" ces charges portées rétroactivement contre "l'expression d'un libre arbitre sur un espace privé". "On peut ne pas être d'accord et condamner la méthode, mais il y a atteinte à la liberté d'expression", estime Mme Belhassen.

Le sort de la militante tunisienne est désormais lié à celui de ses consœurs européennes. L'"affaire Amina" a pris une autre dimension, vendredi, avec la mise en examen de trois militantes étrangères de Femen pour "outrage public à la pudeur" et "atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique", des délits passibles de six mois de prison. Les Françaises Pauline Hillier et Marguerite Stern et l'Allemande Josephine Markmann avaient été arrêtées mercredi pour avoir manifesté seins nus, aux cris de "Liberté pour Amina", leur solidarité devant le palais de justice de Tunis. Incarcérées depuis à la prison des femmes de la Manouba, près de Tunis, elles doivent comparaître devant le tribunal de première instance de Tunis le 5 juin.

Leur situation est jugée "préoccupante" par Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement français. Si leur avocat, Me Bahri, espère voir reconnue leur liberté d'expression, leur inculpation n'est pas de bon augure. "En les arrêtant, on dépasse une ligne rouge. Il est scandaleux que dans un pays postrévolutionnaire, on ne puisse pas venir exprimer sa solidarité. S'il n'avait voulu donner un caractère d'exemplarité à l'affaire, le juge aurait pu ne pas retenir de charges contre elles", s'indigne Souhayr Belhassen.

UNE MAJORITÉ DE TUNISIENS SOUHAITE UNE RÉPONSE FERME 

Des condamnations "pour l'exemple", c'est justement ce que craignent les associations de défense des droits de l'homme. D'autant qu'une majorité de Tunisiens souhaite une réponse ferme à ce que beaucoup qualifient d'"actes immoraux" et "provocateurs" destinés à détourner l'opinion publique des réalités du pays et des vrais problèmes qui préoccupent le citoyen. Le gouvernement tunisien, dominé par le parti islamiste Ennahda, a lui aussi multiplié les condamnations contre des actes "qui portent atteinte aux enseignements de l'islam et aux valeurs du peuple musulman de Tunisie".

Des réactions auxquelles les Femen s'étaient préparées. "Dans ces pays, la loi est appliquée selon ce qui convient au pouvoir en place", commente Inna Shevchenko, l'un des chefs de file du mouvement Femen. D'où l'importance que revêtait pour elle cette première action du groupe dans le monde arabe. "Amina a mis en lumière la réaction sauvage de la société tunisienne et la dictature qui s'exerce dans ce pays du printemps arabe. Elle fait partie de la génération qui n'a pas baissé les bras et qui désire le changement", défend l'Ukrainienne installée à Paris.

Le jeu des autorités dans cette affaire n'est pas sans susciter quelques interrogations en Tunisie même. "Il y a aujourd'hui une chasse aux sorcières pour tout ce qui a trait au sacré et une insécurité qui résulte de l'extrapolation d'affaires pour brimer la liberté d'expression", pointe la présidente d'honneur de la FIDH.

"PRÉPARONS NOS SOLDATS POUR ALLER DÉFENDRE LES FILLES"

La surenchère salafiste n'y est pas étrangère. Les partisans de la mouvance islamiste radicale se sont illustrés, à maintes reprises depuis la révolution de janvier 2011, par des actions violentes contre des œuvres et des manifestations artistiques jugées contraires aux valeurs de l'islam.

"L'affaire Amina exacerbe toutes les tensions que l'on vit aujourd'hui en Tunisie. Le danger vient de cette spirale de violence qui monte avec les salafistes qui jettent l'anathème sur Amina et les filles qui l'ont soutenue", s'inquiète Souhayr Belhassen. Dans les locaux de Femen, à Paris, l'heure n'est pas non plus à l'apaisement. Quel que soit le verdict rendu contre les militantes, leur dirigeante Inna Shevchenko assure que "cela ne signifie pas la fin des actions seins nus de Femen dans le monde arabe et en Tunisie". "Nous préparons nos soldats pour aller défendre les filles."

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Via: lemonde.fr


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