Voilées ou non, elles sont musulmanes et fières de l'être. Et s'insurgent contre celles qui leur ont "volé leur voix". Depuis une semaine, les "Muslim women against Femen" (Femmes musulmanes contre les Femen), mouvement initié par des étudiantes de Birmingham, au Royaume-Uni, orchestrent une campagne sur Internet, baptisée "Muslimah Pride Day", contre les féministes adepte des actions seins nus.
A l'origine de leur colère, le "Topless Jihad Day". Le 4 avril dernier, à Berlin, Milan, Bruxelles, Paris, Kyiv et même jusqu'à Sao Paulo, des militantes Femen manifestent seins nus devant des mosquées et des représentations diplomatiques tunisiennes.
Leurs slogans, scandés ou peints en lettres noires sur leur poitrine : "Freedom for women", "Fuck islamism", ou encore "Fuck your morals !". La veille, trois activistes du mouvement s'étaient déjà fait remarquer en enflammant un drapeau, présenté comme salafiste, sur le parvis de la Grande Mosquée de Paris. L'institution religieuse a porté plainte.
Par ces actions coup de poing, le mouvement féministe né en Ukraine entend dénoncer l'extrémisme religieux et les atteintes aux droits des femmes dans les pays arabo-musulmans et apporter son soutien à Amina Tyler. La Tunisienne de 19 ans - qui dénonce une "insulte aux musulmans" en continuant à soutenir le mouvement - est menacée depuis la diffusion de photos d'elles seins nus.
"C'est vous qui m'oppressez"
La riposte, immédiate et acerbe, est venue d'une partie de celles-là même dont elles entendaient s'ériger en libératrices. Le jour du "Topless Jihad Day", les "Muslim Women against Femen" lancent leur mouvement sur Facebook. Le ton se veut offensif, clouant au pilori le Femen, présentées comme "islamophobes" et "impérialistes". "Nous en avons assez des féministes occidentales qui nous imposent leurs valeurs [...] Les femmes musulmanes en ont assez de cette relation paternaliste et parasite avec certaines féministes occidentales", clame le mouvement. Qui invite ses soutiens à poster sur les réseaux sociaux des photos avec ou sans voile ou niqab, accompagnées des hashtags #MUSLIMAHPRIDE et #FEMEN, expliquant leur "fierté d'être musulmane".
Les clichés, assortis de messages rédigés en différentes langues, s'accumulent en quelques jours. "Don't need you to exploit my feminity" ("Pas besoin de toi pour exploiter ma féminité"), lance une internaute. Une autre renchérit : "Quand vous contestez ma liberté de me couvrir, c'est vous qui m'oppressez".
(Farah Abdul-Ghafoor/Facebook)
(Syr Ish/Facebook)
"Des créatures assujetties"
"Oppressées" : le qualificatif exaspère celles qui refusent de voir mis en doute leur libre-arbitre et leur droit à définir leur liberté selon leurs critères propres. "Nous comprenons qu'il est très dur pour beaucoup d'entre vous, blanches 'féministes' coloniales de le croire mais (...) les femmes musulmanes et les femmes de couleur peuvent également parvenir à leur propre autonomie et se défendre !! Et parler par elles-mêmes. Qui l'eut cru ?", s'agacent-elles dans une lettre ouverte au vitriol à l'intention des Femen. "L'hypothèse qu'elles promeuvent est que nous sommes des créatures assujetties, contrôlées par les hommes", déplorent celles qui s'agacent d'être "infantilisées".
Derrière deux visions radicalement opposées de la liberté de la femme émerge le spectre d'un conflit des cultures. "Pour moi et des centaines d'autres femmes avec qui j'ai été en contact ces derniers jours, leurs tactiques relèvent de la guerre idéologique survenant entre des éléments occidentaux néo-coloniaux et les sociétés musulmanes", écrit Sophia Ahmed, l'une des fondatrices du "Muslimah Pride Day", dans une tribune publiée sur le Huffington Post britannique. "Je ne suis pas en train de rejeter le fait qu'il y a des problèmes dans le monde musulman. Toutefois, l'histoire a montré que l'Occident a directement (à travers l'esclavage, le colonialisme et le néocolonialisme) et indirectement (à travers l'appui de régimes oppressifs et misogynes tel celui de l'Arabie saoudite) causé bien plus de dommages aux femmes musulmanes que les hommes musulmans", poursuit-elle.
"Tuées parce qu’elles ne suivaient pas la volonté d’Allah"
Les Femen, elles, restent droit dans leurs bottes. "Mettez autant de foulards que vous voulez si demain vous êtes libres de les enlever et de les remettre le jour suivant, mais n’oubliez pas vos sœurs qui sont des millions à avoir été violées et tuées parce qu’elles ne suivaient pas la volonté d’Allah !", réplique Inna Shevchenko, leader du mouvement, dans une autre tribune publiée sur le même site. Les activistes ont également dégainé, en guise de répartie, des clichés postés sur leur compte Twitter. En réponse à la photographie d'une femme voilée qui s'amuse de se voir considérée comme "oppréssée", les Femen persistent et signent : "Oppressed, Yes Yes Yes".
Aujourd'hui FEMEN a décidé de répondre aux femmes de #MuslimahPride . Voici la réponse de Marguerite. twitter.com/Femen_France/s…
— Femen France(@Femen_France) 11 avril 2013
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