Femen : "Les fidèles n’ont pas à supporter la nudité"

Trois féministes du mouvement des Femen ont brûlé, mercredi 3 avril, un drapeau présenté comme "salafiste" devant la Grande Mosquée de Paris. Elles entendaient ainsi manifester leur soutien à Amina Tyler, qui a fait scandale en Tunisie en publiant, mi-mars sur internet, des clichés d'elle la poitrine nue barrée des mots "mon corps m'appartient, il ne représente l'honneur de personne". Les Femen dénonçaient également "l'extrémisme religieux" musulman.

Les trois jeunes femmes, qui agissaient seins nus, les inscriptions "Arab women against islamists", "Freedom for women" ou encore "Fuck your morals" sur le torse, ont enflammé le drapeau, tandis que des membres du service de sécurité tentaient de les chasser à coups de pied. La Grande Mosquée de Paris a été prise pour cible car il s'agit d'un "lieu symbolique" de la religion musulmane, a expliqué Inna Shevchenko, une des fondatrices ukrainiennes du mouvement.

Le lendemain, les Femen organisaient des actions seins nus devant des mosquées à Berlin et à Bruxelles, et aux abords de représentations diplomatiques tunisiennes à Milan, Paris et Kyiv, berceau du mouvement. A Paris, la quinzaine de militantes a tenté en vain de s'approcher de l'ambassade de Tunisie avant d'être bloquées à la sortie du métro et d'être interpellées. Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, réagit.

 

Que pensez-vous de l'action menée par les Femen devant la Grande Mosquée de Paris ?

- Ce n'était pas très risqué et je doute que ce soit efficace en France. Cela aurait été différent si l'action avait été menée en Tunisie. Mais même à Paris, je ne crois pas qu'il soit bien accepté d'exhiber sa poitrine en public. Et il faut respecter les lieux de culte. Les mosquées, les synagogues ou les églises ne sont pas des endroits où l'on vient autrement que couvert.

Avez-vous trouvé cela choquant ?

- Provoquant. Les fidèles, hommes et femmes, qui se rendent à la mosquée, n'ont pas à supporter la nudité. C'est un lieu de prière, de méditation et d'élévation spirituelle où l'on tourne le dos à la question du corps pour présenter son âme. Le lieu d'une vision spiritualisée de l'être humain, qui suppose l'éloignement de ce qui touche au physique. Le choix de se dénuder n'est pas à la hauteur du sacré.

Il existe par ailleurs des conventions sociales instaurées pour permettre la vie en société. Une attitude licencieuse ne peut servir la défense d'une personne qui serait privée de liberté.

N'est-il pas pourtant nécessaire que des mouvements féministes s'emparent de la question de la liberté de la femme face à la religion ?

- C'est excessivement délicat. Chaque religion a traité de ce rapport épineux, qui a été plus ou moins codifié et accepté par les hommes et les femmes. Celles qui désirent introduire une vision nouvelle ne sont pas les mieux placées pour se comporter de cette manière. Les femmes ont acquis et continuent d'acquérir leur liberté avec courage mais via des arguments péremptoires et entendus. La cause est belle et noble mais je le répète : la nudité n'est pas admise dans nos sociétés.

Quels modes d'action préconisez-vous pour lutter contre l'islamisme et l'oppression des femmes dans le monde musulman ?

- Faire connaître leur situation et en appeler à l'opinion publique, notamment via la presse. Organiser des débats, des conférences, des réunions. Beaucoup de femmes manifestent pour dénoncer les actions d'intégristes, car il y a là de quoi réagir et en appeler à la justice des êtres humains. Mais comme le disait Durkheim, la société ne doit pas être brusquée.

Outre près des mosquées, les Femen ont mené des action seins nus devant plusieurs ambassades tunisiennes en Europe. Vous paraissent-elles plus acceptables, ne se déroulant pas aux abords d'un lieu de culte ?

- Encore faut-il être prudent. Si les représentations diplomatiques ne sont pas là pour être prises pour cible, elles peuvent transmettre des revendications à leur gouvernement. Nous sommes tous pour une libération des droits des hommes et des femmes. Encore faut-il lutter d'une manière qui soit acceptable. Encore une fois, je ne pense pas que le fait de se dénuder en fasse partie. En Tunisie et dans les sociétés qui n'ont pas atteint le niveau de liberté d'autres pays, il peut même produire l'effet inverse.

Vous avez régulièrement défendu des positions modérées. Etes-vous blessé que la Grande Mosquée soit prise pour cible lors d'une action visant l'intégrisme religieux ?

- Après l'assassinat de l'opposant tunisien Chokri Belaïd, nous avons reçus, à la Grande Mosquée, tous les Tunisiens qui ont souhaité faire une prière en sa mémoire. Chacun a pu exprimer, devant l'ambassadeur tunisien présent, ses récriminations et ses demandes. C'est un homme remarquablement ouvert et en accord avec son temps. Aucun conflit n'est survenu. Je ne peux que donc que déplorer une mauvaise information des personnes à l'origine de cette action. Leur combat relève de faits de société, qui ne sont pas le domaine de la religion.

Interview de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, par Audrey Salor - le Nouvel Observateur (Vendredi 5 avril 2013)

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Via: tempsreel.nouvelobs.com


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