Dimanche, des membres du collectif Femen ont fait irruption dans un bureau de vote de Moscou où Vladimir Poutine et son épouse s'étaient rendus vingt minutes auparavant. Les trois activistes se sont dénudées, exhibant leurs poitrines où étaient marqués les slogans « Poutine voleur! » et « Je vole pour Poutine ». Elles ont été arrêtées et jugées le soir même. Le verdict est sans appel: de 5 à 12 jours de prison. Loin d'être une première pour ces activistes hors norme.
Souvenez-vous, ces mêmes jolies femmes avaient suscité l'intérêt médiatique pour s'être déguisées en soubrettes devant le domicile de DSK, Place des Vosges à Paris, en octobre dernier. Cette manifestation avait été organisée par Femen à la suite de l'affaire du Sofitel: « Descends si tu es un homme » lançaient-elles à l'ancien patron du FMI.
Femen, ce sont d'abord des actions provocantes qui donnent de la visibilité à ce groupe féministe né en 2008 en Ukraine. Les militantes débattent alors de la condition des femmes, de leur sexualité mais aussi des violences conjugales, de prostitution ou du harcèlement.
L'objectif premier est de briser l'image de la femme-objet qui persiste, entre autres, en Ukraine où les valeurs familiales peuvent être pesantes et où le mariage reste une obligation morale. Le but est alors de réveiller leurs concitoyennes pour qu'elles prennent part à la vie publique et revendiquent leurs droits.
Puis leur lutte s'est progressivement étendue à tout ce qui s'apparente au recul de la démocratie (comme pour la manifestation de dimanche dernier), corruption, immobilisme gouvernemental mais aussi droits des homosexuels, notamment grâce à leur rayonnement dorénavant international.
Si aujourd'hui les Femen sont connues pour leurs manifestations en tenue légère ou dénudées, cet activisme « seins-nus » ne s'est pas imposé d'emblée.
En 2005, alors qu'elles défilent contre une nouvelle coupure d'eau chaude, une bretelle du top d'une des filles glisse de son épaule et découvre sa poitrine. Les images feront le tour des médias. La nudité devient une arme politique.
Sur 300 membres, elles sont vingt à manifester dénudées. La plus jeune a 16 ans et la plus âgée 64. Récemment, les filles ont organisés un euro-tour pendant lequel elles sont passées par Paris, Berne ou Rome. Les images de leurs apparition en Italie ont fait beaucoup de bruit, comme à Rome le 5 novembre dernier lors d'une manifestation anti-Berlusconi.
Ou encore au Vatican le 6 novembre, non loin de la place Saint Pierre.
Cependant ces méthodes ne font pas consensus. L'exhibition ne serait pas un outil au service de la cause féministe pour Maria Dmitrieva, féministe ukrainienne reconnue et interviewée par Courrier international. Alors que les filles protestaient seins nus contre le tourisme sexuel en Ukraine, Maria Dmitrieva expliquait:
"Elles ont raison de proclamer qu'il est inadmissible de légaliser la prostitution en Ukraine, mais leur façon de montrer leurs seins a tout bout de champ ne favorise vraiment pas le débat public sur la question. Elles suivent les règles du monde masculin."
Si la provocation ne fait pas consensus, elle dérange. Les protestations sont pacifiques, mais les filles ont régulièrement des amendes ou sont arrêtées. Le paiement des amendes est même prévu dans le budget du collectif.
Les courts séjours en prison ne sont pas la sanction la plus dure. Le 19 décembre dernier, alors qu'elles menaient une action a Minsk, trois filles ont été abandonnées dans la nuit au milieu d'une forêt. Elles n’avaient pas d'argent, pas de papiers ni de moyen de communication. Mais la médiatisation accrue dont elles sont la source pourrait les protéger de toute agression.
Léa Lefevre
Via: lesinrocks.com
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