Femen : radicalisation du mouvement en 2014?

ACTIVISME - Faut-il s'attendre à voir les Femen changer de méthode? Un an et demi après leur arrivée sur le sol français, le mouvement d'activistes féministes venu d'Ukraine, est en effet tenté de faire évoluer son mode action. C'est aussi l'une des questions que pose l'ouvrage publié par l'essayiste Caroline Fourest ce mercredi chez Grasset. Inna (Shevchenko) est une enquête-biographie (très) intime sur la charismatique leader du mouvement habitué aux coups d'éclats pour la défense des droits des femmes et un récit de son arrivée en France, de sa rencontre avec l'auteure.

Jusqu'à présent, la petite dizaine de jeunes femmes ont multiplié happenings et provocations, en direction des religions et des actes qu'elle jugent sexistes. Dernier exemple en date, mi-décembre, dans l'église de la Madeleine à Paris. Ce jour-là, en guise de protestation contre la nouvelle loi anti-IVG en Espagne, une militante aux seins nus avait mimé "un avortement de Jésus" devant l'autel.

Les "provocations" dénoncées y compris à gauche

Aussitôt critiquée par la droite, l'action a également -et c'était nouveau- été dénoncée dans les rangs de la gauche, pourtant bienveillante avec le mouvement. Manuel Valls, Anne Hidalgo et même François Hollande ont pointé du doigt une "provocation". Lors de sa conférence de presse, le chef de l'Etat a ainsi déploré "les actes antichrétiens" et fustigé "des personnes qui pensent que l'on peut s'exhiber dans des lieux de culte et commettre des actes qui heurtent la conscience des croyants". La militante en question, Éloïse Bouton, sera d'ailleurs l'objet d'un premier procès en mars prochain.

La vigueur du combat contre l'Eglise, c'est également l'un des points de désaccord entre Caroline Fourest et Inna Shevchenko. "Elle ne fait pas la différence entre le combat des idées et le cadre légal. Elle pense que parce qu'elle est anti-religieuse, elle peut et doit rentrer dans toutes les églises de France à tous moments. Je considère que la ligne à ne pas franchir, c'est que lorsque l'Eglise entre dans le corps des femmes comme c'est le cas en Espagne, on peut éventuellement rentrer dans une église pour faire une action symbolique et le dénoncer. Mais quand la laïcité nous protège de ça, on doit ajuster son mode d'action", explique la journaliste sur iTélé.

Dans cette même interview, Caroline Fourest répond également à l'interrogation suivante: Inna Shevchenko est-elle favorable à la violence? "Elle est sur la ligne, répond la journaliste. Plus je m'attache à elle, plus je suis terriblement enragée à l'idée qu'elle puisse franchir la ligne de la violence que je n'exclus pas."

Dans son livre, Fourest l'écrit ainsi : Inna "n'est plus cette jeune fille timide que j'ai perçue à son arrivée. Certaines répliques me troublent par leur absolutisme. Si elles avaient été prononcées par une petite brute au crâne rasé, l'aurais-je jugée fanatique? L'est-elle?" L'éditorialiste réagit ainsi à des phrases de la Femen telles que "Je suis plus un activiste U'une personne" ou "Dis au monde que nous sommes prêtes à aller jusqu'au bout et qu'il a raison de trembler".

"Si je dois prendre un pistolet, je le ferai"

Dans leur communication officielle, les Femen aussi évoquent sans détour cette possible radicalisation de leurs actions. Le 1er janvier, dans un message posté sur leur compte Twitter, le mot d'ordre est sans équivoque; le mot terrorisme est clairement prononcé.

"Si à un moment, je dois échanger ma tronçonneuse pour un pistolet, je le ferai", déclare carrément Inna Shevchenko dans les toutes dernières secondes d'une vidéo postée sur Internet (en anglais). La leader des Femen fait référence à sa première action symbolique menée en Ukraine quand elle avait découpé une croix pour apporter son soutien aux Pussy Riots.

femen
Inna Shevchenko

Interrogée par le HuffPost, Pauline Hillier, membre des Femen, confirme la réflexion autour d'un basculement du "sex-activisme au sex-terrorisme". "Inna est une grande guerrière du féminisme, et elle se battra jusqu'au bout pour défendre nos idées. 'Fight till the end' (se battre jusqu'au bout), est d'ailleurs une des règles fondamentales de notre mouvement", précise-t-elle pour expliquer une phrase tirée de l'ouvrage de Caroline Fourest où Inna Shevchenko déclare "je crois que je vais mourir".

Caroline Fourest est plus mesurée dans sa réponse: "Elle se met énormément en danger, elle est persuadée qu'elle va mourir au front du combat pour le droit des femmes. Le féminisme n'a jamais basculé dans l'action terroriste. Je crois honnêtement qu'elle n'en est pas capable parce qu'elle est de cette violence qui ne touche qu'elle. Elle reçoit des coups, elle n'en donne pas", a-t-elle lancé sur i-Télé.

Difficile donc de trancher entre ces deux avis, d'autant que c'est dans le plus grand secret que les Femen préparent leurs actions. Elles occupent depuis peu un squat dans la banlieue parisienne. Mais cette opacité agace les politiques de droite; la députée UMP des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer a ainsi demandé à Manuel Valls de faire la lumière sur la manière dont le mouvement est financé.

"Notre budget est très serré (aux alentours de 10.000 euros par an, ndlr) et nous ne recevons aucune aide financière ou matérielle de l'Etat. La vente de nos produits dérivés (voir ci-dessous) et les dons privés, de 10 à 100 euros en général, sont l'unique ressource du mouvement", répond Pauline Hillier pour tenter de mettre fin à tous les fantasmes. Pas sûr que cela suffise néanmoins à faire taire leurs détracteurs de plus en plus nombreux.

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  • Une boutique comme seule ressource (ou presque)

    Pour se financer, les Femen ont ouvert a href="http://femenshop.com/" target="_blank"une boutique en ligne/a où elles vendent des produits dérivés à leur effigie. "Avec les dons, c'est notre seule ressource", explique Pauline Hillier, membre française du mouvement féministe venu d'Ukraine.

  • T-shirt national

    Pour 20,26€ (les prix sont convertis du dollar). Le même existe avec tous les pays dans lesquels les Femen ont ouvert une antenne.

  • Souvenir de la première action

    Avec ce t-shirt vendu 20,18€, les Femen rappellent leur première action d'envergure. En 2012, Inna Shevchenko, la leader du mouvement avait tronçonné une croix sur les hauteurs de Kyiv.

  • Une peinture faite avec les seins

    Cette peinture réalisée avec les seins est vendue 55,92€. Elle existe aussi avec les couleurs des drapeaux français et espagnols.

  • Inna Shevchenko sur le torse

    La leader du mouvement, Inna Shevchenko, a un t-shirt à son effigie. Pour se l'offrir, il faut débourser 20,26€.

  • La tasse

    Pour boire un café ou un thé en pensant aux Femen, il faut acheter cette tasse 12,16€.

  • La devise nationale détournée

    Sur ce t-shirt vendu 28,37€, la devise française "Liberté-Egalité-Fraternité" est détournée en "Nudité-Lutte-LIberté"

  • La casquette

    Noire ou blanche, la casquette Femen est vendue 12,16€.

  • Elles n'oublient pas les hommes

    Mouvement féministe, les Femen ont également prévu un sweet pour les hommes: il est vendu 39,71€.

  • Le sweat à capuche

    Le sweat à capuche, incontournable objet de merchandising n'est pas oublié. C'est l'objet le plus cher vendu sur la boutique: 72,13€.

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  • 1791: Olympe de Gouge et la Déclaration des droits des femmes

    Olympe de Gouges, femme de lettres et révolutionnaire, rédige une "Déclaration de la Femme et de la Citoyenne" et fonde le club des "Tricoteuses" qui rassemble les femmes qui assistent
    aux débats parlementaires.

  • Les suffragettes: "la femme est la prolétaire de l'homme"

  • Les femmes dans la Libération

  • 1949: Simone de Beauvoir et le "Deuxième sexe"

  • Années 70: les femmes et le travail

  • 1971: le MLF pour la liberté sexuelle

  • 1974: Simone Veil et l'interruption volontaire de grossesse (IVG)

  • 2003: le féminisme des "Ni putes ni soumises"

  • 2012: le "sextrémisme" des Femen fait débat

    Venues d'Ukraine, ces "terroristes pacifiques" aux seins nus interpellent les pouvoirs publics, souvent de manière musclée, contre l'homophobie, le racisme et le machisme. Un mouvement dont les méthodes radicales divisent.

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Via: huffingtonpost.fr


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The mission of the "FEMEN" movement is to create the most favourable conditions for the young women to join up into a social group with the general idea of the mutual support and social responsibility, helping to reveal the talents of each member of the movement.

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