«L’avenir des Femen est incertain»

INTERVIEW - Galia Ackerman, qui a co-écrit le livre «Femen», réagit pour «20 Minutes» aux attaques croissantes dont le groupe féministe fait l’objet...

Les Femen sont-elles coupables de dérives sectaires? Alors que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), saisie par le député UMP Georges Fenech, doit rendre son avis sur les Femen dans les jours à venir,  Galia Ackerman, spécialiste de l'Ukraine et de la Russie, et auteur de «Femen», détaille la doctrine du groupe féministe. Elle explique les raisons de la désaffection croissante envers les Femen.

Les critiques se multiplient contre les Femen – accusées récemment de «dérive sectaire» - alors que l’accueil était plutôt bienveillant à leur arrivée en France. Comment expliquez-vous ce retournement?

Il était évident dès le début qu’il s’agissait d’un groupe pacifique, mais radical, avec une idéologie de type révolutionnaire, puisque les objectifs sont quand même d’«en finir avec la société patriarcale». Elles ne sont pas armées, mais il y a une grande violence verbale. Leur expression radicale est comparable à celle de Greenpeace.

Mais parler d’une secte est une accusation totalement déplacée. Jusque-là, on ne connaît pas de dépendance au sein des Femen, ni de gens dépossédés de leurs moyens ou ayant eu l’obligation de coucher, des caractéristiques des sectes qui ne tiennent pas ici. Par contre le groupe demande à ses membres une préparation, une discipline et un accord total avec ce qu'il fait. C’est cohérent pour un groupe menant des actions musclées, supposant un corps-à-corps avec la police ou l’extrême-droite.

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Plus largement, les critiques contre les Femen ne reflètent-elle pas le décalage culturel qu’il y a entre l’Ukraine, d’où elles viennent, et la France, où elles se sont installées fin 2012?

Les Femen ont été formées en Ukraine dans des conditions sociales et politiques très machistes, avec la persistance de structures soviétiques et une importante collusion entre l’Eglise et l’Etat. Quand elles sont arrivées en France, les conditions étaient effectivement très différentes. Elles n’ont pas pu ou pas voulu comprendre que même si les problèmes sont les mêmes à un niveau abstrait, ils ne le sont pas dans la pratique. En France l’église est une association cultuelle: ce qu’elle prône n’a de valeur que pour ceux qui y croient. Donc c’est un peu gratuit de s’y attaquer alors qu’il n’y a pas de collusion avec l’Etat, et qu’elle est juste un groupe social parmi d’autres. De même, même s’il n’y a pas d’égalité parfaite en France, l’exploitation de la femme par l’homme n’existe pas, et dire que l’église est fasciste est faux. Ce sont ces maladresses des Femen qui ont provoqué les critiques. On ne peut pas faire comme si les choses étaient les mêmes qu’à Kyiv. C’est leur grande faiblesse. Inna est responsable parce qu’elle est la leader du groupe.

Comment le groupe a-t-il évolué depuis son arrivée en France?

Inna Shevchenko, qui a obtenu l’asile politique, a constitué son groupe d’adeptes françaises, ce qui a transformé le mouvement. Les Femen ukrainiennes qui ont cofondé le groupe, Oksana et Sasha, plus modérées, ont pris leurs distances. Elles ne trouvent plus leur place depuis deux ou trois mois et sont assez démotivées, elles voudraient passer à autre chose.

Quel avenir voyez-vous pour le mouvement?

Il est assez incertain. Toutes les Femen ont été chassées d’Ukraine. Cela a porté un coup fatal au mouvement, car elles ont été chassées d’une réalité [en Ukraine] pour être projetées dans une autre [en France], qu’elles ne maîtrisent pas bien. Mais les quatre fondatrices des Femen (Anna, Inna, Oksana et Sasha) sont entrées dans l’histoire du féminisme. En Ukraine et ailleurs, elles ont secoué le cocotier, suscité beaucoup de questionnements et fait progresser le débat. Cela restera acquis.

Sur le plan idéologique, Inna est la seule des quatre qui n’a pas reçu de formation théorique marxiste. C’est un leader né, avec une très forte personnalité, mais est-ce suffisant pour mener la lutte? La question reste ouverte. Ce qui est sûr, c’est que ce petit groupe a besoin des médias pour exister. Or, pour attirer leur attention, il faudra aller toujours plus loin. Cela se terminera-t-il par de la prison ferme?

Via: 20minutes.fr


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