Une Femen qui simule un avortement dans le choeur de l'église de la Madeleine, le 20 décembre dernier, à Paris, alors que, plusieurs semaines auparavant, le groupe de "sextremistes" s'en étaient déjà prises aux cloches de Notre-Dame. Un déséquilibré qui saccage une partie du mobilier liturgique de l'église Sainte-Odile, autre lieu de culte catholique de la capitale. Mais aussi des profanations de chapelles, de cimetières ou de lieux de culte chrétiens... Autant d'événements qui, au minimum, ne laissent pas indifférents, voire choquent, ou meurtrissent les fidèles.
Espérant de fermes condamnations des pouvoirs publics, lesquels "assurent la liberté de conscience" et "garantissent le libre exercice des cultes" (selon la loi de 1905), certains se sont offusqué que le ministre de l'Intérieur, notamment, garde le silence sur les profanations de la Madeleine et de Sainte-Odile pendant plusieurs jours. Et d'autres d'aller plus loin, estimant, à plus ou moins haute voix, et avec plus ou moins d'énergie dans les propos, que le gouvernement serait moins compatissant aux maux des chrétiens de ce pays qu'aux fidèles des autres religions.
Le contexte général, depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande, a apporté de l'eau au moulin de ces derniers. En premier lieu, le débat autour du mariage pour tous a donné lieu à des crispations envers les religions, et envers la position de l'Eglise catholique en particulier. Plus largement, la façon dont la majorité s'empare des questions de société (sur la bioéthique, la fin de vie, la PMA, la GPA ou le "genre") vient se heurter, parfois frontalement, avec ce que propose l'Eglise de France. Enfin, les déclarations du ministre de l'Education, dialoguant autour d'un de ses livres, selon lequel "l'on ne peut pas construire un pays de liberté avec la religion catholique" ne sont pas non plus pour rassurer les fidèles de cette confession, quelle que soit leur sensibilité. Le journal La Croix a pour sa part publié, le 7 janvier, un article intitulé "Le gouvernement et les fêtes religieuses: une différence de traitement ?", qui interroge sur le régime à double vitesse dont serait victime le culte catholique en France.
Une fois ce tableau général brossé, et pour en revenir aux dernières "profanations" de lieux de culte (certains, comme le quotidien La Croix préférant le terme "dégradations"), elles n'ont donc pas manqué de faire réagir les catholiques sur la toile.
Sur son blog, la journaliste du Monde Stéphanie Le Bars relève que le cardinal-archevêque de Paris, André Vingt-Trois, n'a pas mâché ses mots, le 3 janvier sur Radio Notre Dame . "Sa première pique vise "les grands défenseurs de la laïcité", écrit la journaliste, qui ne se sont pas manifestés suite à la provocation des Femen, dans une église parisienne le 20 décembre. (…) "C’était le moment de montrer que la laïcité est la protectrice des croyances et des religions ! Il y a des voix importantes qui sont restées muettes !", déplore le cardinal. Mgr Vingt-Trois, qui ironise sur le fait qu'à "quelques encablures du ministère de l'intérieur on n'a pas su qu'il se passait quelque chose à La Madeleine", relève toutefois que le maire de Paris et les deux candidates à sa succession ont condamné cet acte", note la journaliste.
Il faut dire que l'action d'Eloïse Bouton, la Femen qui avait mimé un avortement de Marie à l'aide d'un morceau de foie de veau à la Madeleine, avait déjà lancé la polémique autour de la "course à l'échalote" des indignations : si Anne Hidalgo n'avait pas publiquement condamné cette action - ce que d'aucuns lui ont rapidement reproché-, elle l'avait pourtant bien fait en envoyant un courrier de soutien au curé de la paroisse, comme l'a révélé le journaliste de La Vie, Henrik Lindell.
Dans la foulée du cardinal Vingt-Trois, dans l'édition du Figaro du 8 janvier, le père Pierre-Hervé Grosjean a publié une tribune reprise sur le site du Padreblog. Le jeune prêtre des Yvelines va plus loin. Au delà du "sentiment de colère", mais aussi "d'injustice" ressentis ("Là où des veilleurs pacifiques étaient embarqués par des CRS lourdement armés, les Femen s’en sortent sans même être inquiétées. Pourquoi cette différence de traitement ?" interroge le prêtre) l'abbé Grosjean relève le "sentiment d'incompréhension devant le silence des autorités". Il écrit: "Les catholiques n’aiment pas surjouer les « victimes » ni se plaindre. Ils savent au fond que le christianisme, à la suite du Christ, restera un signe de contradiction pour leur temps. (...) Ils ne demandent pas un traitement de faveur, ni médiatique ni politique. Ils veulent simplement, pour le bien de tous, pour une société apaisée et juste, qu’on respecte une saine et vraie laïcité. (...) Une laïcité au service de la liberté religieuse, droit fondamental que l’Etat républicain doit garantir." Et le prêter de rappeler le discours de Manuel Valls, qui en juillet 2012 affirmait: "Je suis le ministre des cultes (…) Toute attaque contre une religion, contre un de ses fidèles ou un de ses lieux de culte est une attaque délibérée contre la République et ses valeurs. Elle nécessite, en retour, une réponse déterminée des pouvoirs publics." L'abbé Grosjean estime que "ces paroles auraient été précieuses à réentendre, cette fois dans l’église de La Madeleine ou à Sainte-Odile. Elles étaient attendues … Elles sont encore espérées ! "
Le prêtre a été exaucé: le jour même, soit quatre jours après les dégradations de Sainte-Odile, Manuel Valls a publié un communiqué condamnant cette "profanation", après l'interpellation d'une personne suspectée d'en être l'auteur. "Les agissements récents, notamment à l’église de la Madeleine, ont constitué à cet égard une provocation inutile. Manuel Valls tient à témoigner son soutien aux catholiques de France qui ont pu être offensés par ce geste extrêmement irrespectueux", indique la Place Beauvau.
Las, pour certains, quatre jours plus tard, c'est trop tard. La blogosphère traditionaliste, voire proche de la Fraternité Saint-Pie X, n'a pas manqué de relever la différence de traitement, pour certains d'entre eux "délibérée" et surtout "répétée", que le pouvoir opérerait dès qu'il s'agit de dégradations visant le culte catholique.
Peu de voix, sur Internet, se sont finalement élevées contre cette opinion. Peut-être parce que, pour certains, cela serait, au fond, un non-sujet ? D'autres catholiques de la blogosphère, comme Le Petit Chose, ont estimé, sur Twitter notamment, que ceci "est une dégradation de bien qui ne remet en cause la vie de personne". Et préféré rappeler que la dignité de l'homme vaut bien davantage que l'intégrité des biens, quand bien même il s'agirait de biens d'Eglise:
Quand c'est l'humanité qui est dégradée, on peut appeler ça une profanation ? http://t.co/GaL7K51xvG
— Le PetitChose (@lepetitchose) 5 Janvier 2014
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