Les Femen et Notre-Dame, le quiproquo

Le 22 mai dernier, lendemain du suicide de l’ écrivain d’extrême droite Dominique Wiener dans la cathédrale Notre-Dame, des femmes, entendez des jeunes femmes ukrainiennes d’origine mais aussi françaises, entrent dans la cathédrale seins nus avec des slogans anti fascistes peints sur la peau.

Elles déambulent en criant leurs slogans poursuivis pas des appariteurs, l’un d’elle est  sérieusement frappée à la mâchoire. Munies d’une tige en plastique ou en mousse, elles frappent et caressent de leurs seins les cloches de Notre-Dame entreposées dans la basilique pour y être vénérées.

Evidemment ces neuf nouvelles cloches qui allaient rejoindre le gros bourdon d’Emmanuel mis en place depuis 1686 n’ont subi aucun dommage ni outrage. Nulle d’entre elles ne s’est plainte et  la beauté carillonnante exceptionnelle de la nouvelle sonnerie dit assez que le trouble est dépassé.

Pour autant les Femen sont citées à comparaitre devant le tribunal correctionnel pour dégradation de biens mobiliers. Il n’est pas dit ce que sont ces dommages et dégâts. Cette poursuite semble d’abord conduite par une passion vengeresse. En fait c’est un blasphème, infraction inexistante en droit français, qui leur est reproché, à l’appui d’infractions approximatives mais non pertinentes et qui devraient leur valoir une relaxe.

liberté dE culte

Si la poursuite pénale du recteur de la cathédrale est disproportionnée, l’action des Femen est tout aussi inopportune au regard des lieux.
Il serait utile d’expliquer aux Femen, sans doute sympathiques, pétries de bonnes intentions féministes, à la mode des années 70, la différence entre les positions de l’Eglise, institution, et un édifice du culte ou prient et se recueillent des croyants, qui viennent là déposer des prières intimes infiniment respectables, comme dans des temples protestants, des mosquées musulmanes et des synagogues juives.

La liberté du culte est un droit de l’homme (et de la femme). Elles protestaient contre l’atteinte aux droits des homosexuels et des femmes en général de la part de l’Eglise. Fort bien, mais doit-on porter atteinte à un droit fondamental pour défendre un autre droit fondamental ?Bizarre troc, troc impossible, troc qui n’a pas sa place dans une culture démocratique.

La direction de la Cathédrale serait bien inspirée, quant à elle, d’abandonner ses poursuites, car Marie, n’est-ce pas « sourit et pardonne ». Indulgente la douce mère de Jésus de Nazareth  en a vu  d’autres, et autrement plus douloureux. Une église est un lieu d’asile, y compris à l’ignorance, pas un bureau des huissiers correctionnels.

mouvement surréaliste

Pour les Femen, des cours du soir sur la géographie des droits de l’homme pourraient rafraîchir leurs formes d’action. La France, ou la reconnaissance constitutionnelle de la parité est acquise, n’est pas la Russie, ni la Tunisie. Enfin la question anthropologique majeure de la place de la femme dans la société ne justifie pas ce type d’action qui est objectivement, dans sa forme, une régression génératrice de malaise.  

Certes il y a un siècle le mouvement surréaliste, issu du mouvement dada aurait adoré ce type d’exhibition comme aller brûler des journaux religieux dans une librairie de St Sulpice, appeler, comme André Breton, « acte surréaliste pur le fait de prendre un revolver  de descendre dans la rue et de tirer au hasard dans la foule », ou alors, mais il y faut du talent, réaliser au cinéma, comme Bunuel le fit pour dénoncer les tabous moraux familiaux et sexuels, le Chien Andalou ou l’Age d’Or.

En 1970 encore, des femmes, dont Monique Wittig, déposaient une gerbe sur la tombe du soldat inconnu ornée de la phrase « En France un homme sur deux est une femme ». Dix d’entre elles furent arrêtées.

laïcité

Il y eut le suffrage universel des femmes, Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, les grandes lois sur l’émancipation du corps de la femme, et il y eut avant Olympe de Gouges, Virginia Woolf , puis  après Mona Ozouf, Judith Butler et au moins un homme philosophe  Jacques Derrida.

Le féminisme, courant d’émancipation intellectuel et social, n’en est plus aux vagissements d’un nouveau-né « sauf parfois à renoncer dramatiquement à la pensée », ce que lui reprochait l’écrivaine Doris Lessing.

Avec et grâce au féminisme pourtant, les gender studies marquent une évolution sérieuse de la connaissance anthropologique, mais dans un registre élaboré, celui de l’étude et du débat.

En 1970 chères Femen, les étudiants libertaires  se mettaient cul nu devant les dames de l’Armée du Salut qui poussaient des cris d’orfraie et détournaient le visage. Donc tout cela est déjà fait, et refait, j’allais dire cuit et recuit. La suite s’il vous plait !

J’allais dire rhabillez-vous, et d’ailleurs l’hiver approche. Ce conseil sanitaire vaut tout autant pour les Messieurs Homen, répliques asymétriques au torse nu des Femen sur un versant machiste et conservateur. Pathétique.

Un chrétien laïc et ouvert pourra être d’accord avec les Femen au moins sur un point, la religion ne doit pas envahir l’espace public, mais dans le même temps à elles de comprendre et d’accepter que les libertés religieuses comprennent la liberté d’expression des religieux, qu’elles sont un droit démocratique indiscutable, protégé par la République, et que les lieux de culte sont au premier chef inviolables.

C’est cela aussi la laïcité, tant de siècles et de passions religieuses funestes pour la France nous l’ont appris. Complexe tout cela ? Eh oui chères Femen, complexe, comme la démocratie.

Via: temoignagechretien.fr


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