"L’existence même de ces femmes dérange"

«Quoiqu’elles fassent elles sont coupables». C’est la conclusion que tire, de ce qu’il a vu jusqu’à présent, l’un des avocats des Femen françaises, qui doivent comparaître mercredi en Tunisie pour «occasion de commettre la débauche».

Une semaine après une première audience qui n’avait abouti à rien, les deux Françaises Pauline Hillier et Marguerite Stern, et l'Allemande Josephine Markmann, écrouées depuis le 29 mai pour avoir manifesté seins nus –une première dans le monde arabe– en soutien à Amina Sbouï (qui se faisait appeler Amina Tyler), doivent comparaître mercredi à Tunis. Mercredi dernier, l’audience avait été perturbée par des associations islamistes, choquées qu’elles soient apparues en safsari (voile traditionnel tunisien). «Paradoxe des paradoxes», dénonce Me Patrick Klugman, un de leurs avocats, contacté par ParisMatch.com. D’abord parce qu’«il est d’usage que les femmes comparaissent avec ce voile en Tunisie» -on leur aurait donc reproché de ne pas le porter-, et ensuite parce qu’ils ont appris le lendemain qu’elles avaient été «habillées de force par le même policier qui les avaient violentées lors de leur arrestation!» Et après on leur «reproche de souiller le voile?», s’offusque-t-il, évoquant un «scandale».

Selon lui, cet épisode «prouve bien que ce n’est pas leur apparence qui dérange, c’est l’existence même de ces femmes.» Et d’insister: «Le voile est instrumentalisé dans cette affaire. Cela en dit long sur l’audience qui devrait avoir lieu demain: quoiqu’elles disent et quoi qu’elles fassent, elles sont coupables. Elles sont les coupables forcées d’une infraction qu’elles n’ont pas commise.» Leur procès a en effet été reporté au 12 juin. «Le juge devrait normalement statuer sur la recevabilité des parties civiles, et juger les filles, nous a expliqué le juriste, mais le procès pourrait être encore reporté, ou alors pas jugé au fond.» Son confrère et lui ne feront d’ailleurs pas le déplacement en Tunisie comme la dernière fois. «Mais nous nous rendrons sur place si elles ne sont pas libérées», prévient-il. Dans ce cas, «nous organiserons la riposte internationale, car cette affaire commence à bien faire», s’agace-t-il.

Un «combat collectif»

Les trois jeunes filles de respectivement 27, 22 et 19 ans sont inculpées d’«occasion de commettre la débauche», un chef d’accusation «très flou» comme le souligne l’avocat. Et qui, «au vu du code pénal tunisien», ne leur semble «pas constitué ni matériellement ni intellectuellement». «Leur intention était de manifester leur soutien à Amina, et dans les faits, elles ont crié leur indignation devant les grilles du Palais de justice», a-t-il développé. «Il s’agissait d’une action de revendication, avec rien qui puisse laisser penser à une action subversive en matière de mœurs», insiste-t-il. En d’autres termes: comme c’est le cas de toutes les Femen, leur corps n’est qu’un moyen de délivrer un message politique, et leur nudité n’a pas conséquent aucune «intention sexuelle».

Me Klugman estime que ses clientes, emprisonnées à la prison de Manouba, dans la banlieue de la capitale, depuis près de deux semaines, le sont de manière abusive car sans jugement. S'il reconnait qu’elles sont traitées «comme les autres détenues tunisiennes», cela n’empêche que les «conditions de détentions sont difficiles». «C’est dur, mais elles tiennent le coup», assure-t-il toutefois après les avoir rencontrées la semaine dernière. Et bien qu’elles aient un profond sentiment d’injustice, «elles se savent soutenues et ont le sentiment de participer à un combat collectif». En France, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a reconnu qu’il espérait une peine pas trop sévère à l’encontre de nos compatriotes. Tout en réaffirmant l’indépendance de la justice tunisienne, il a dit souhaiter «qu'elle fasse preuve de clémence».

 

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De son côté, Amina, «la première Femen tunisienne», est toujours en détention provisoire depuis son procès le 30 mai pour le port illégal d'un spray d'autodéfense (infraction qui lui a valu une amende). Elle devrait être prochainement jugée, au moins pour «profanation de cimetière» et «atteinte aux bonnes mœurs», des chefs d’accusations qui pourraient lui valoir un certain temps derrière les barreaux. Femen France exige la «libération immédiate» de ces quatre femmes. Et exhorte le gouvernement français, Laurent Fabius et Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des femmes, à «tout mettre en œuvre pour qu'elles soient libérées et qu'Amina vienne poursuivre ses études en France, comme elle le souhaite». Le groupe féministe venu d’Ukraine appelle en outre à un rassemblement devant l'ambassade tunisienne à Paris et les consulats de Tunisie partout en France ce mardi 11 juin à 18h30.

Via: parismatch.com


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