Depuis lundi 11 mars, des photos circulent sur les réseaux
sociaux où Amina, lycéenne concourant pour le bac cette année, s'affiche seins
nus, inscrivant sur son torse ce slogan qui a valeur de programme: "Mon
corps m'appartient et il n'est l'honneur de personne".
En quelques jours, la page Facebook [créée le 1er
mars], "Femen-Tunisian Fanpage", a collecté plus de 4 000 commentaires.
Certains la soutiennent et la défendent avec beaucoup de conviction et
d'énergie. D'autres la couvrent d'insultes et la traitent de tous les noms,
choqués par son acte, qu'ils qualifient de vulgaire et d'extrémiste.
"Indignez-vous ?"
Amina ne comprend pas
l'indignation de certains : "Nous voyons souvent des hommes torse nu à
la plage, cela ne choque personne, alors il en va de même pour nos actions. Ce
n'est nullement de la provocation, mais une simple action pour prôner la liberté
de la femme, explique-t-elle dans l'émission ''Labes'', samedi 16 mars, sur
Ettounissia TV [chaîne privée].
Et d'ajouter : "On n'enlève pas nos hauts pour des
raisons sexuelles, nous les Femen, nous avons le courage de crier haut et fort nos
revendications pour libérer la femme."
Amina se demande pourquoi les Tunisiens s'indignent
uniquement face à son corps nu. Elle souhaite que la femme soit vue pour ses
idées et non pas seulement pour son corps. Elle explique que le corps de la
femme n'appartient qu'à elle et à nul autre, ni son père, ni son frère, ni son
mari. Il aurait été préférable de s'indigner par rapport à la situation de la
femme tunisienne, harcelée, agressée et parfois même violée, pense-t-elle.
Suite aux différentes attaques, accusations et menaces dont
elle ne cesse de faire l'objet, la jeune femme a tenu à s'expliquer sur le fait
qu'elle ne souhaite en aucun cas offenser les Tunisiens et Tunisiennes. Son
acte vise seulement à défendre les droits de la femme.
"Rien de pire ne pourra m'arriver"
Selon des juristes, la jeune femme risque 6 mois de prison
pour atteinte à la pudeur. Sur les réseaux sociaux, elle a été de nombreuses fois
menacée de mort, notamment par des internautes proches de la mouvance
islamiste. Elle a reçu, jusque là, très peu de soutien de la part des féministes tunisiennes, qui ne comprennent pas forcément son acte,
surtout en cette période de combat contre l'obscurantisme rampant.
Certaines femmes libérales vont jusqu'à prétendre qu'il
pourrait être contre-productif, alimenter des polémiques inutiles et donner du
grain à moudre aux groupes extrémistes religieux. A cela elle répond, sur un ton ironique : "Rien de pire ne pourra m'arriver, vu la situation peu
reluisante de la femme actuellement en Tunisie. Donnez-nous nos droits et nous
porterons le niqab s'il le faut!"
Par son féminisme radical, Amina essaie-t-elle de faire
passer des messages sincères ou cherche-t-elle seulement la notoriété à tout
prix ? Elle a parlé elle-même de buzz, à la télé et sur sa page Facebook.
Pour elle, la provocation est à la fois un moyen et une méthode, surtout dans
une société encore largement conservatrice. Entre photos très suggestives et
dérapages de langage, c'est une panoplie d'excès qu'elle offre au nom de la
liberté d'expression.
Sur la page Facebook officielle de Femen Tunisie, on
s'acharne sur Amina. Cela va des railleries aux insultes, voire aux menaces de
mort. Pourra-t-elle assumer, du haut de ses 19 ans, toutes les conséquences de
son geste, et surtout est-elle vraiment consciente de l'impact de son
geste sur ses concitoyens et ses conséquences imprévisibles ?
Et d'ailleurs, croit-elle vraiment que le mouvement Femen,
dont elle annonce la venue prochaine en Tunisie, pourra prendre racine dans une
Tunisie plus pudibonde que jamais et aux prises avec les assauts d'un islamisme
ardent ?
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