© AFP Eric Feferberg.
Le président tunisien Moncef Marzouki (d) reçu par Jack Lang à l'Institut du Monde arabe à Paris, le 12 avril 2013.
Tandis que Jack Lang, le président de l'IMA, entamait un discours pour l'accueillir dans une vaste salle au 9e étage de l'Institut, une féministe du groupe activiste Femen, puis une deuxième, puis une troisième, assises incognito dans l'assistance, se sont précipitées, soudain torses nus, en hurlant vers la petite estrade où était assis M. Marzouki, face à une assistance tétanisée.
"Libérez Amina !", ont eu le temps de crier les trois militantes, du nom d'une Tunisienne de 19 ans qui se cache dans son pays de peur des représailles des islamistes, depuis la diffusion de photos d'elle les seins nus.
Les trois manifestantes ont été rapidement expulsées par le service d'ordre.
"Les rencontres à l'IMA sont libres et pacifiques", a sobrement commenté Jack Lang, cependant que Moncef Marzouki se disait "assez surpris par la forme", tout en rappelant qu'il était "toujours un militant des droits de l'homme qui comprend et compatit à toutes les souffrances".
M. Marzouki, en visite privée en France, a ensuite donné une conférence sur l'avenir des révolutions arabes, à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage "L'invention d'une démocratie. Les leçons de l'expérience tunisienne". Puis il a répondu aux sévères critiques exprimées dans l'assistance, certains lui reprochant son alliance avec le parti islamiste Ennahda ou de recevoir des "milices armées" de la Ligue de protection de la révolution (LPR).
"J'ai reçu tout le spectre politique tunisien, même des salafistes. J'ai reçu tout le monde, je dois parler à tout le monde", a affirmé M. Marzouki.
"Deux sociétés en embuscade"
Quant à l'alliance de son parti, le Congrès pour la République, avec Ennahda au pouvoir, il l'a expliquée : "On ne pouvait faire qu'une alliance, sinon c'était condamner le pays au chaos", a-t-il assuré, soulignant qu'il y avait "des islamistes totalement réfractaires à la démocratie". "Mais nous avons aussi nos démocrates musulmans. Il faut sortir des simplifications", s'est-il exclamé.
Il y a "deux sociétés en embuscade" en Tunisie, "deux groupes sociaux face à face", mais "il faut trouver un moyen de vivre ensemble", a dit le président à ses détracteurs l'accusant de faire la part belle aux islamistes.
"Il m'est apparu de façon très claire qu'il faut trouver un consensus, un modus vivendi", a-t-il insisté, estimant qu'"on ne peut pas faire une démocratie avec des extrêmes".
"Le chemin vers la démocratie est lent, long, et difficile, mais la transition tunisienne est la moins coûteuse en vies humaines et la plus rapide et ça j'en suis fier", a-t-il encore affirmé.
A l'extérieur de l'IMA, plusieurs dizaines de manifestants tunisiens, tenus à distance par des barrages de CRS et des barrières métalliques, brandissaient des pancartes, traitant M. Marzouki de "Robespierre", révolutionnaire français mais aussi symbole de la Terreur, après la chute de la monarchie en 1789.
Certains parodiaient le titre de son ouvrage, devenu "L'assassinat d'une démocratie", ou "L'invention d'une atteinte aux droits humains".
"Qui a tué Chokri Belaïd ?", l'opposant laïc assassiné à Tunis le 6 février dernier, pouvait-on aussi lire sur les pancartes.
"La police est sur les dents et moi, je suis derrière le ministre de l'Intérieur. Il faut trouver l'assassin", a dit au cours du débat M. Marzouki, rejetant l'affirmation d'un participant selon lequel "80% des Tunisiens affirment qu'Ennahda est derrière cet assassinat".
"Nul n'est plus que moi soucieux de cette démocratie", a encore déclaré le président, vivement applaudi.
Mais à la fin du débat, des cris ont encore jailli dans l'assistance : "Monsieur le bricoleur de la démocratie", "au Qatar !", "Vendu !".
Via: afriquinfos.com
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