Pauline Hillier, 26 ans, est née à La Roche-sur-Yon en Vendée où demeure sa famille. Après des études à Bordeaux et à Barcelone, elle s'est installée à Paris où elle est entrée dans le mouvement Femen il y a sept mois. Son action à Tunis, fin mai, en soutien à Amina Sbouï, la Femen tunisienne emprisonnée, lui a valu un mois de détention avant d'être expulsée avec ses deux co-activistes. De passage en Vendée, elle livre son témoignage :
Son engagement
« Avant d'aller à Tunis, j'ai déjà participé à des actions Femen à Notre-Dame-de-Paris et à la Grande mosquée, où nous avons brûlé un drapeau salafiste. Mon activisme, nourri par mon éducation dans une famille de gauche, s'est concrétisé à Barcelone où j'ai pris part au mouvement des Indignés. »
Le pourquoi de son action à Tunis
« Je suis venue le 29 mai devant le tribunal de Tunis pour soutenir Amina Sbouï, condamnée à la prison pour avoir protesté contre un rassemblement interdit de salafistes à Kairouan. »
Son arrestation
« Nous sommes montées, seins nues, avec Josephine et Marguerite, sur le muret du tribunal. Notre peur, c'était d'être lynchées par la foule. J'ai pris un coup au visage par une femme habillée en niqab, on nous a lancé du café brûlant dessus. C'était hyperviolent. Des policiers en civil nous ont entraînés dans le tribunal. Là, loin des caméras, j'ai pris un coup de poing, des coups de pied, des injures. On nous a amenées dans une véritable geôle, hommes et femmes ensemble, en préventive. Il y avait du sang sur le sol. On couchait sur des couvertures pleines d'urine.
La condamnation
Quand le verdict est tombé, quatre mois de prison pour atteinte aux bonnes moeurs, après notre premier procès, ça a été terrible. Un véritable coup de massue. On l'a appris à la télé, traduit par une co-détenue.
On s'attendait à 48 heures de garde à vue et l'expulsion derrière. On était dans l'angoisse mais on était expérimentées, on savait que c'était risqué. »
La détention
« Ensuite, nous avons été incarcérées à la prison pour femmes de Tunis. Les conditions étaient très dures, avec un seul repas par jour dans un seau, une cellule de 20 lits où nous étions 28, des fouilles au corps, une douche en un mois, une seule toilette avec un robinet, des leçons de morale, une oppression religieuse constante. Nos co-détenues ont demandé que nous en parlions dehors. »
Le procès d'appel
« C'était le 26 juin. Nous sommes arrivées le matin. On était très affaiblies, avec 9 de tension. Nous n'avions pas eu de contact avec nos avocats. Placées devant le public, nous n'avions pas le droit de nous retourner. Même si nous savions que François Hollande venait en Tunisie en juillet, nous savions qu'on ne pouvait pas compter sur une grâce. Nous avons appris que nous étions condamnées à quatre mois avec sursis à 23 h, par nos gardiens, à la prison. On nous a baladées toute la nuit dans un fourgon et à 7 h du matin, on nous a mises dans l'avion pour Paris. J'ai dû payer mon billet. »
La place des Femen
« Ma détermination est plus forte que jamais. On continue à soutenir Amina. Ils ont voulu nous briser, ils n'ont pas réussi. Même si l'être humain que je suis peut avoir peur, l'activiste ira, s'il y a appel d'une Femen quelque part. Mes souffrances n'ont pas été vaines. La liberté, c'est quelque chose d'universel. Toutes les femmes y ont droit, où qu'elles soient. »
Les autres
« Mes parents m'ont soutenue. Je sais que j'ai leur soutien inconditionnel, même si nous avons des discussions animées sur cette forme d'action. Je sais que notre mode d'action est irrévérencieux, rebelle mais c'est un engagement total, réfléchi, pas de l'exhibitionnisme sexuel. Nous sacrifions notre confort. Au bout de sept mois, je ne me sens pas fatiguée. Si je n'en peux plus, je laisserai ma place. Nul n'est irremplaçable .»
Recueilli par Marc LAMBRECHTS
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