Procès des viols collectifs de Fontenay: les féministes se mobilisent

C’est un permis de violer.” Laure, 23 ans, membre de Garçes, le collectif féministe de Sciences Po, ne cache pas son agacement face au verdict qui a été rendu le 11 octobre dans le procès des viols collectifs. Quatorze hommes étaient jugés par le tribunal d’assises de Créteil pour avoir violé et battu à plusieurs reprises entre 1999 et 2001 deux jeunes femmes, à Fontenay-sous-Bois. Seuls quatre accusés ont été condamnés à des peines allant de trois ans de prison avec sursis à un an ferme. Laure n’est pas la seule à dénoncer ce jugement. A l’appel du collectif Féministes en mouvement – qui regroupe trente-huit organisations féministes – environ quatre-cent personnes se sont rassemblées hier soir à proximité du ministère de la Justice, pancartes et mégaphones en main, pour crier leur colère face à ce verdict jugé bien trop léger par rapport aux faits jugés.

Laure, du collectif Garçes

Laure, du collectif Garçes

Manque de rapidité et d’encadrement

Les féministes dénoncent plusieurs failles survenues dans cette affaire, révélatrices, selon elles, du manque de sérieux avec lequel est jugé le viol aujourd’hui en France. Laure déplore par exemple la lenteur de la justice : sept ans se sont écoulés entre le dépôt de plainte de Nina, l’une des deux victimes, et l’ouverture du procès, le 18 septembre dernier. La jeune fille parle aussi de l’absence d’encadrement des victimes, qui ont dû continuer à croiser leurs agresseurs à Fontenay-sous-Bois. Un point que dénonce aussi Laurence Abeille, adjointe au maire de Fontenay-sous-Bois et députée de la sixième circonscription du Val-de-Marne, qui ne comprend pas que les victimes aient été “confrontées à leurs agresseurs au tribunal“.

L’élue évoque la tentative de suicide d’Aurélie, la seconde plaignante, violent témoignage de l’abandon qu’ont subi les deux jeunes femmes depuis le dépôt de leurs plaintes jusqu’à la fin du procès. Elle demande aussi à ce que l’on n’emploie plus le terme de “tournante“, qui évoque selon elle “un jeu et non un crime”. Pour Michel Tabanou, deuxième adjoint au maire de Fontenay-sous-Bois, qui l’accompagne, la source du problème est à chercher du côté de l’éducation :

“Ce verdict est une décision d’Assises, donc de jurés qui ne sont pas des professionnels. C’est donc très important que la population ait une bonne éducation.

Laurence Abeille embraye :

“L’éducation mettra du temps. L’urgence, c’est la protection des victimes.”

Des victimes qui ont attendu quatre ans avant de porter plainte, par peur des représailles. Ce qui arrive à des milliers de femmes chaque année, rappelle Julie Muret, porte-parole d’Osez le féminisme !, qui a voulu “attirer l’attention sur ce procès“, mais qui pourrait “descendre dans la rue tous les jours“.

Nina et les Femen

Un cercle s’est formé autour de plusieurs personnalités féministes qui prennent la parole à tour de rôle. Soudain, une silhouette massive, aux cheveux bruns ramenés en queue de cheval, s’avance vers le mégaphone. C’est Nina, la victime la plus médiatisée de ce procès. D’une voix chevrotante, entrecoupée de sanglots, elle se présente, rappelle les faits, les dates, et le verdict. Sa prise de parole, très brève, est saluée par une salve d’applaudissements.

On aperçoit un groupe de Femen, le front ceint de leur habituelle couronne de fleurs, qui se tient légèrement à l’écart. Eloïse, 29 ans, se bat à leurs côtés depuis l’été dernier. Elle a participé le matin même à une action, seins nus, devant le ministère de la Justice, un mode opératoire qui n’est pas vu d’un très bon œil par certaines féministes, qui râlent en les voyant débarquer. La jeune femme, elle, défend leur action :

“C’est toujours radical et direct. Mais on voulait montrer notre solidarité avec les autres associations, donc on est venues ce soir.”

Eloïse s’avoue choquée par le verdict, “d’autant plus dans un pays aussi démocratique que la France“.

Quelques hommes pointent le bout de leur nez dans cette foule de femmes, comme Vincent Krakowski, 26 ans, qui a tenu à montrer sa solidarité envers les femmes dans ce combat qu’il juge “très important“. Il est aussi venu représenter sa sœur, qui n’est pas là ce soir. Le jeune homme tient une rose à la main, cadeau d’Anne, féministe au grand cœur, qui a acheté un lot de roses rouges à un vendeur ambulant et les distribue aux hommes pour les remercier d’être venus.

Vincent, une rose à la main, et son amie

Vincent, une rose à la main, et son amie

A l’horizon : le procès en appel

A 20h30, un groupe répète inlassablement, presque jusqu’à l’écœurement: ”le corps des femmes n’est pas une marchandise“, avant de s’interrompre lorsqu’une délégation de féministes revient du Ministère de la Justice où elle a été reçue un peu plus tôt. Suzy Rojtman du Collectif des droits des femmes, qui avait lancé plus tôt “j’ai l’impression de faire un bond 40 ans en arrière“, récapitule leurs revendications, mentionnant la nécessité d’avoir une meilleure protection des victimes et de former policiers et magistrats. Comme attendu, Christiane Taubira, ministre de la Justice, n’interviendra pas dans ce procès, en raison de la loi de séparation des pouvoirs.

Les Féministes en mouvement espèrent que la lettre ouverte à François Hollande qu’elles ont lancée vendredi dernier et dans laquelle elles réclament un débat public sur la question du viol, portera ses fruits. Autre espoir en vue: le futur procès en appel, qui pourrait modifier le verdict. Les féministes se quittent sur la promesse d’un autre rendez-vous : le 25 novembre, journée mondiale contre les violences faites aux femmes.

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Via: lesinrocks.com


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