Tribune : Amina, Marguerite, Pauline, Joséphine en prison... Et pourtant elles sont libres!
Amina, Marguerite, Pauline, Joséphine, tenez bon! Amina tu es seule à Sousse avec ta soif de justice... Les autres vous êtes à Tunis avec le même désir d'en finir avec l'injustice! Et nous, dehors, sommes solidaires avec votre soif de liberté.
Par Nadia El Fani*
Femen! Plus personne n'ignore qui vous êtes! Même à Kairouan on sait que ce mot inoffensif tagué sur un muret par l'une des vôtres est le nom choisi par un mouvement international né en Ukraine pour défendre les femmes où qu'elles soient, d'où qu'elles soient!
Femen! Prononcé avec l'accent tunisien, il sonne comme un mot de chez nous, un mot tout en douceur, tout en rondeurs...
N'en déplaise aux tartuffes qui aimeraient vous voir cacher celles de vos seins, oubliant d'y lire les slogans pourtant très visibles et très explicites, que vous avez peints... «Free Amina! Women spring is coming (le printemps des femmes arrive)».
Pour Amina le discours des tenants de la répression était simple: elle a dépassé les limites et en «terre d'islam» ce n'est pas admissible!!! Savent-ils ces tartuffes tunisiens qu'ils ressortent quasi mot pour mot ce que disent les tartuffes de tous les pays?!
Quant aux Femen européennes, ils estimaient qu'elles n'avaient pas à se mêler d'une affaire tunisienne...
«Marhaba fi Tounès!»
Du côté des islamistes, donc, on enrage à tel point que la branche salafiste promet lapidations et autres réjouissances à toutes femmes qui oseraient se dénuder à des fins militantes.... Pourtant ne vous déplaise, bandes d'hystériques incendiaires; oui, trois femmes sont venues jusqu'à nous! Sur notre terre tunisienne qui n'appartient pas qu'à vous, et qui dans son histoire a su rendre hommage à d'autres femmes d'honneur... Je pense à Elyssa qui sacrifia sa vie pour ne pas trahir son peuple, à la Kahena qui combattit des envahisseurs venus d'ailleurs... Trois filles courageuses sont venues jusqu'à nous, pour signifier, affirmer, que la lutte des femmes pour leurs droits à l'égalité et la liberté n'a pas de frontières! La lutte féministe est la nouvelle internationale! Et pour ma part je leur dit «Marhaba fi Tounès!» (Bienvenue en Tunisie!).
De l'autre bord, on rappelle que les «moyens d'action pour l'expression politique sont à manier avec précaution» oubliant au passage que la liberté d'expression n'a pas à s'embarrasser de l'assentiment de tous avant de s'exercer!... En démocratie, le principe de base, il me semble, est que l'on n'utilise pas la violence, sous aucun prétexte! Ni que l'on essaye de faire taire, par tous les moyens, ceux avec qui l'on n'est pas d'accord!
Arrestation d'une membre du groupe Femen à Tunis.
Nous avons attendu longtemps le soutien officiel de ces dames (et pour certaines nous attendons encore!), les féministes historiques, les tenants des Ong des droits de l'homme si chères à notre «tartour», président provisoire...
En Tunisie, ou plutôt les responsables (le sont-ils/elles, vraiment?) politiques tunisiens, se comportent le plus souvent comme si la liberté d'expression pouvait souffrir de la moindre restriction et par conséquent devrait s'adapter de manière à ne développer que des discours audibles, acceptables par tous et surtout respectant à la fois les pratiques religieuses, politiques, les us et coutumes, et que sais-je encore des arguments avancés par les uns et les autres pour justifier leur volonté de contrôler, comme sous l'ancien régime, «la parole politique»!!!
En finir avec l'injustice
Amina ne s'est pas embarrassée de vous demander la permission, elle a fait ce qu'elle a estimé juste! Les trois Femen venues d'Europe, pour la soutenir, ont agi de même!
Amis! Rêvez un instant que nous ayons pu être des milliers à Kairouan avec Amina, pour protester contre la tenue du congrès de Ansar Al-Chariâ, l'aurait-on emprisonnée pour des motifs aussi dérisoires! Imaginez une seconde qu'en lieu et place de trois Femen venues à Tunis devant le tribunal, nous ayons été des milliers (hommes et femmes, torses nus ou pas!) à réclamer la libération d'Amina... Ne serions-nous pas inscrits dans la continuité de notre révolution, dont les objectifs s'éloignent de jours en jour, dans un labyrinthe de silences complices...
Malheureusement, la réalité fut celle-ci: les Femen ont rejoint dans les geôles tunisiennes, Amina, celle pour qui elles étaient venues crier «LIBERTÉ!».
Amina, Marguerite, Pauline, Joséphine, tenez bon! Amina tu es seule à Sousse avec ta soif de justice... Les autres vous êtes à Tunis avec le même désir d'en finir avec l'injustice! Et nous dehors solidaires nous disons à tous ces hypocrites qui se prétendent héritiers de la révolution :
«Vous pouvez continuer à tenter de nous humilier en nous insultant, nous sommes dignes malgré vous!»
«Vous pouvez continuer à vouloir nous terroriser en nous menaçant, nous sommes braves malgré vous!»
«Vous pouvez continuer à essayer de nous faire taire en nous violentant, nous sommes libres malgré tout!»
* - Cinéaste.
Via: kapitalis.com
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