Twitter: stop à l’impunité des violences de genre


FÉMINISME - Le 30 juillet, j'ai posté sur mon compte Twitter un lien vers une interview diffusée sur BFMTV intitulée "Seins nus dans l'église de La Madeleine : Je le referais", sorte de bilan de mon engagement dans Femen et de mon analyse a posteriori un an et demi après avoir quitté le mouvement féministe.

Quelques instants après mon tweet et un post similaire publié par BFMTV, les festivités commencent. Le troll, qui ne semble pas s'émouvoir de l'emploi du conditionnel dans le titre de la vidéo "Je le ferais", dégaine plus vite que son ombre. Passés les invariables "connasse", ou "salope", le saugrenu "bimbo pro-djihadiste" et un flot de vilenies ("Devrait tout monter minou et nichons !!! On dira si elle est bonne ou pas !", "Qu'elle aille à Vallauris cette pute, le Saoudien lui montrera comment ils font eux avec leur sabre", "elle pourrait aussi prendre une bonne beigne sur la gueule"...), je découvre avec effroi des menaces un tantinet oppressantes : "une pauvre fille à brancher haut et court" et "On va te choper un de ces jours salope".

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Illico, je procède au combo classique capture d'écran-blocage-signalement. Deux heures plus tard, le verdict tombe. Si Twitter considère que "On va te choper un de ces jours salope" constitue bien "une violation des règles" du site, il estime que "pauvre fille à brancher haut et court" ne représente pas une menace violente et n'enfreint pas le règlement. Et le petit oiseau bleu d'ajouter : "Si vous vous sentez personnellement en danger (...) prenez le temps de contacter les forces de l'ordre". Twitter, pour info, "brancher" signifie ici "pendre" et non "dragouiller" ou "connecter un appareil à une source d'énergie". Merci bien.

Féministe, ex-Femen, journaliste et fervente utilisatrice des hashtags #Sexisme #Nudité ou #LGBT, je suis une malencontreuse abonnée au trolling virulent, perpétré par une masse invisible et ubiquiste cracheuse de fiel misogyne, raciste, homophobe et extrémiste. La dernière en date ""si je t'ai entre mes mains je te coupe les seins vielle pute tapin", proférée en mars dernier, est restée impunie en dépit d'un signalement et d'une plainte au commissariat qui a fini classée sans suite.

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Evidemment, je suis loin d'être la seule dans ce cas. En juillet 2013, la féministe britannique Caroline Criado-Perez convainc la Banque d'Angleterre de mettre le visage de Jane Austen sur ses billets de 10 livres à partir 2017. En récompense, elle reçoit cinquante tweets injurieux par heure. Même punition pour la blogueuse américano-canadienne Anita Sarkeesian qui avait critiqué le sexisme dans l'industrie des jeux vidéo, ou pour la journaliste sexo américaine Amanda Hess harcelée en ligne par un psychopathe qui prétend avoir passé douze ans en prison pour l'assassinat d'une femme qui "se moquait de la bite des mecs".

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Mais ces violences touchent aussi les stars. L'année dernière, au lendemain du décès de Robin Williams, sa fille Zelda reçoit un photomontage du suicide de son père sur son compte Twitter. Horrifiée, elle implore ses followers de signaler les deux utilisateurs qui diffusent l'image et disparaît du site. En septembre 2014, la chanteuse anglaise FKA Twigs reçoit des pluies d'abjections racistes sur le réseau social. Ses fiançailles avec l'acteur Robert Pattinson semblent justifier qu'on la compare à un singe.

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En France, la co-responsable de la commission écologie au Parti de gauche Julie Del Papa voit son compte Twitter « snoodé » par des appels au viol et au meurtre, après une manifestation contre le Front national en septembre 2013 et la police lui refuse gentiment sa plainte. Et oui, ce qui se passe sur le net reste sur le net.

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La militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo, quant à elle, obtient réparation en janvier 2014, quand le tribunal correctionnel de Paris condamne à 2000 euros d'amende et 1000 euros de dommages et intérêts un jeune homme qui avait appelé à la violer sur Twitter en juin 2013.

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Les menaces de viol ou de mort, le harcèlement et les insultes grignotent notre temps, dévorent notre l'énergie et fissurent nos verrous émotionnels pour nous laisser seules, sans recours, et avec une terrible sensation de culpabilité. Car, sans surprise, les internets, univers opaques et immatériel, sont régis par des hommes, qui façonnent une société à leur guise dans leurs intérêts phallocentrés. Selon un rapport paru en janvier 2014, les femmes en France n'occupent qu'un emploi sur cinq dans le secteur du numérique. Seules 24% d'entre elles sont ingénieures alors qu'elles demeurent majoritaires sur les postes moins qualifiés. Résultat, on retrouve les mêmes violences que dans le monde réel où un pseudonyme féminin, c'est-à-dire un vagin virtuel, suffit à déclencher la haine. En 2006, des chercheurs de l'université du Maryland ont relevé que les noms d'utilisateurs féminins reçoivent en moyenne 100 messages de menaces par jour contre 3,7 pour les noms masculins. Une autre étude réalisée par l'association américaine Working to Halt Online Abuse indique que sur 3 768 personnes victimes de harcèlement en ligne entre 2000 et 2012, 72,5% étaient des femmes.

Mais que fait donc Twitter ? Hasard du calendrier, il y a à peine dix jours, le réseau social lançait une nouvelle page clinquante avec de jolis outils pour améliorer ses techniques de signalement d'abus afin de "construire un Twitter plus sûr". En avril dernier, la directrice juridique de l'entreprise Vijaya Gadde avait elle-même annoncé le début de la fin de la cyber-violence sur le réseau social. De son côté, le PDG Dick Costolo reconnaissait en février être "nul sur la question des abus" et s'engageait à "virer à coups de pieds tous ces gens".
Apparemment, menacer quelqu'un de pendaison entre en parfaite adéquation avec ces belles valeurs d'humanisme en carton. Twitter, je te rappelle qu'en France, 45% de tes utilisateurs sont des femmes. Quand seront-elles enfin respectées dans ton monde merveilleux de gazouillis en 140 signes ?

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